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fit avertir le Gouverneur qui y envoya d'abord fes gens. Les feditieux furent arrêtés & conduits à fes prifons, d'où ils ne fortirent qu'après avoir payé une groffe fomme d'argent.

1682.

Avril,

Arrivée

Mahmoud.

Le 30. Avril, Mahmoud Pacha arriva. Il avoit un grand équipage; il du Pacha fut reçû avec les ceremonies accoûtu- Son caracmées. Je lui envoyai le préfent ordi-tere. naire, & j'allai le voir quelques jours après. Le long entretien que nous eûmes enfemble me fit connoître que c'étoit le meilleur homme du monde, mais qu'il n'avoit pas l'efprit de Gouvernement de fon Prédeceffeur.

En effet tout le monde étoit Maî tre Ses troupes firent des infolences dehors & dedans la Ville fans qu'on en pût avoir raison.

Le Peuple qui ne foupiroit qu'après l'éloignement de Cara Mehmed commença à le regretter, & à dire plus de bien de lui qu'il n'en avoit dit de mal quand il gouvernoit Alep.

Il eft ordinaire de fe laffer de l'état où l'on eft, & il l'eft encore plus d'être trompé en defirant ce qu'on n'a pas. J'ai vû cela chez les Turcs, & je l'ai vu parmi les Chrétiens qui font aux Echelles du Le

Mai.

vant; ils ne font jamais contents de

en

1682. leurs Confuls; ils voudroient changer tous les jours, & quand le changement eft fait, ils ne manquent pas de regretter celui qui eft forti de place.

Ceremonie

cha.

Le premier jour de Mai, Mahmoud pour le Pa- Pacha alla pour la premiere fois faire fa priere en ceremonie à la grande Mofquée. Il étoit accompagné de toure la Cour & de tous les Grands du Païs. Les boutiques furent fermées depuis la porte de la Mosquée jufqu'au Serail. Les Bazards furent illuminés par un grand nombre de lampes qui brûlerent jufqu'à fon retour. Le Mufti, le Cadi, tous les Officiers de la Juftice, les Agas des Janiffaires & des Spahis, & generalement tous ceux qui avoient des Charges dans la Ville & au Serail y affifterent.

Le 20. de Mai arriva ici le Pere Nau Jefuite, avec le frere Hilaire fon compagnon. Il étoit allé établir une Miffion à Maradin dans la Mefopotamie; mais il avoit été obligé de fe retirer après avoir payé une avanie de fix cens piaftres, à quoi il fur condamné par les Officiers de Mahmoud, ayant été accufé par les Chrétiens Syriens Heretiques, d'avoir

Mai.

Hiftoirt

du Pere

fait une Eglife dans la Maifon d'un Turc qu'il avoit prife à loyer. Ces 1682. méchans Heretiques ne vouloient pas qu'il y eût une Miffion de Jefuites dans cette Province fi éloignée d'Alep, fe doutant bien que ces Peres y établiroient la Religion Catholique fur la ruine de leur Herefie. Il eft vrai que le Pere Nau qui étoit un homme vif & d'un zele quelquefois Nau Jefuitrop ardent, avoit d'abord fait une te. Eglife publique dans fa maifon. Il y celebroit les Divins Myfteres; il y prêchoit; tenoit des Affemblées & des Congregations; faifoit la controverfe & tous les autres exercices de fon Ministere auffi publiquement que s'il avoit été à Paris. Il eût été plus doucement, s'il eût confulté un petit nombre de Catholiques qui étoient dans la Ville, il n'auroit travaillé qu'avec de grandes précautions & en fecret; mais fon zele l'avoit emporté. Il fut accufé & emprisonné avec fon Compagnon, & s'il eût eu affaire à un Pacha moins doux que Mahmoud il n'en auroit pas été quitte pour fix cens piaftres. Il fallut auffi-tôt quitter Maradin, & venir chercher à Alep de quoi payer cette amande; & comme il ne trouva pas

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1682. Mai.

les bourfes ouvertes il paffa en Fran

ce.

Le Pere Nau trouva fur la route un Prêtre feculier nommé M. Billard, que M. l'Evêque de Cefarople avoit renvoyé, ne le trouvant pas propre pour fa Miffion, d'autant qu'il étoit ce qu'on appelle J.****. Ils n'eurent pas été deux jours enfemble qu'ils entrerent en difpute ; & elle s'échauffa fi bien, qu'ils en vinrent à fe refufer les ornemens pour dire la Meffe, les croyant profanés par leur attouchement. A la fin M. Billard demanda au Pere Nau de lui donner

par écrit les actes de la difpute qu'ils avoient eue enfemble, & de les figner. Le Pere Nau n'en fit aucune difficulté, & les lui donna, le laiffant maître d'en faire tel ufage qu'il jugeroit à propos. Si cette piece intereffoit le public, je la mettrois ici; je pourrai contenter les curieux en ayant une copie. L'original eft figné Michel Nau de la Compagnie de Jefus. Fait à Nifibe le 12. Avril 1682.

M. Billard fit le voyage de Jerufalem, & le Pere Nau s'en alla à Chypres. Ils ne laifferent pas de s'embarquer fur le même Vaiffeau, faute d'autre, & leur difpute continua pen

dant tout le voyage,fans être parvenu à un accommodement.

1682.

Le premier Juin je reçûs des Let- Juin tres de Conftantinople qui m'apprirent la fuite des affaires de Chio. J'en donne avec plaifir la Relation.

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Relation de ce qui s'eft paffé à Conftan-
tinople depuis l'arrivée de M.
du Quefne.

A Pera le 18. Avril 1682.

M

Onfieur du Quefne étant au Canal de Smyrne écrivit une Lettre fort civile au Grand Vifir,' par laquelle il lui marquoit qu'il avoit ordre du Roi de venir aux Bouches des Dardanelles pour embarquer M. l'Ambafadeur avec toute la Nation,' en cas qu'il ne lui eût pas accordé l'audience fur le fopha. Le Grand Vifir reçût la Lettre & n'y fit point de réponse.

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M. du Quefne étant arrivé aux Bouches le Lundy de Pâques avec dix Vaiffeaux de guerre, quelques Brûlots & Bâtimens de charge, fut averti par M. l'Ambaffadeur qu'il ne devoit point attendre de réponse du

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