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Le feiziéme Juillet je reçûs des Let ares de Perle avec un memoire touchant le commerce de France aux Indes Orientales que j'envoyai à M. Colbert, & que je rapporte ici, étant perfuadé qu'il fera utile & agréable au pu

blic.

1682.

Juillet,

Avis & Memoire touchant le Commer ce de France aux Indes Orientales.

I.

'Heureux fuccès d'une entreprise Ldépend abfolument de la connoiflance des chofes qui la peuvent favorifer, & des empêchemens qui s'y peuvent oppofer. C'eft pourquoi je remarquerai ici en premier lieu ce qui pourroit être avantageux au com. merce de France dans les Indes, & puis je dirai ce qui le ruinera entiere

ment..

II. Pour ce qui regarde les avanta ges après la benediction de Dieu, c'est l'appui & la faveur de Sa Majefté TrèsChrétienne, enforte qu'elle favorife autant & plus les interreffés dans ce voyage & le retour de leurs Vaiffeaux, le débit de leurs marchandifes que les autres Princes, & la Republique même de Hollande fçauroit faire.

III. Le principal point de cette fa 1681. veur Royale confifte à laiffer agir en Juillet. toute liberté qui ne fera pas préjudicia ble à l'Etat, les Marchands & les Directeurs des Indes.

IV. Et pour cette raison il ne faut point foumettre leur direction à l'intendance d'un homme qui n'entendant rien à la marchandise, a le plus fouvent mille autres affaires qui retar dent celles du commerce, qui veulent pourtant être executées avec la derniere exactitude. De-là eft arrivé que le Vaiffeau qui portoit le fecours à Saint Thomé a été vingt deux mois en mer, & celui de Gueyton, neuf, & que les deux Flottes que Sa Majefté & M. Colbert ont envoyées aux Indes, font peries miferablement; de forte qu'il fuffic que le chef des Directeurs qui font à Paris déclare l'état du commer ce toutes les fois que Sa Majefté & M. Colbert le voudront fçavoir.

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V. Mais comme j'ai oui dire ici, on apprehende que ce corps ne devienne trop puiffant Sa Majefté a cent moyens pour moderer la puiffan ce de la Compagnie, quand elle deviendroit auffi floriffante que celle de Hollande.

VI. Pour ce qui regarde ce Païs,

ne fera

dono je puis parler avec plus de certi tude que d'Europe, au fentiment de 1682. tout le monde, il eft abfolument ne- Juillet. ceffaire d'avoir une place dans ces mers des Indes qui nous regardent, & une autre dans les mers de Bengala, fans cela la Compagnie fera toû jours vagabonde & fans honneur, & que s'endetter; au lieu que le revenu des Ports & le terroir de ces Places payeroit une partie des frais que les Serviteurs de la Compagnie font, & on y feroit des établiffemens qui fourniroient & des hommes & des rafraîchiffemens aux Vaiffeaux qui viennent de France, ou qui font obli-gés de voyager dans les mers des Indes.

VII. Pour les places, comme tout ce qui étoit bon & commode a été occupé premierement par les Portugais, à qui les Hollandois ont enlevé les pof tes les plus avantageux pour les épiceries, comme Cochin pour le poivre, Colomb pour la canelle,& Malaca pour la mufcade ; & enfuite par les Anglois qui ont Madrefpaten dans la mer des Bengale, & Bombay dans celle des Indes: Il n'y a que deux partis à prendre, ou d'en acheter de quelqu'une de ces Nations, ou d'en faire des nou

velles dans les terres ou fur les côtes:

1682. des Rois des Indes, & en ce dernier cas Juillet. le meilleur & le plus affûré eft d'imiter

les anciens Portugais, & fe faisir de quelque petite lle proche de terre que l'on pût garder aifément, ces Princes n'étant pas puiflans fur mer.

VIII. Enfuite de cet établissement on pourroit traiter avec le tems avec divers Princes des Indes, qui donneroient volontiers quelques-unes de leurs Places Maritimes aux François pour y attirer le commerce, & fe prévaloir de leur courage contre leurs ennemis. Je suis affûré, fans parler des autres, que le Roi de Perfe, s'il voyoit un puiffant établiffement de François dans les Indes, il n'eft faveur qu'il ne leur fit; & en tout cas s'il falloit rompre, il feroit aifé de fe faifir de la Fortereffe d'Ormus qui eft bien mal gardée, ou de l'Arck, ou de Bacaim où l'on pêche les perles, & fe rendre avec la prife de quelqu'une de ces Places maître du commerce des Indes en Perfe & en Turquie.

IX. Mais en ce cas il faudroit on convenir ou rompre avec les Hollandois, Portugais & Anglois, du moins s'accorder qu'aucune autre Nation que les Européens euflent des Vaiffeaux

fur ces mers, & que toutes ces Nations Barbares fuffent obligées ou de 1682. charger ou d acheter toutes les Mar- Juillet, chandifes des Vaifleaux des Francs.

Ce qui peut ruiner le commerce des
François aux Indes.

I. La premiere caufe de la ruine da commerce des François aux Indes, fe trouve dans leur conduite. Ils font ardens, boutadeux, genereux & inconftans, & toutes ces qualités font de grands empêchemens au commerce. Ils font ardens, & de-là vient qu'ils font ordinairement temeraires dans leurs entreprises, & qu'ils ne confiderent jamais affez ce qui les peut favoriser ou détourner dans leurs defleins. Ils font boutadeux, & pour cela ils choquent facilement,& prennent des querelles avec des Nations étrangeres qui font infiniment choquées de cette humeur fiere & brufque. Ils font genereux, & c'est pour cela qu'ils dépenfent tout, & cependant il est vrai que le plus grand & le plus affûré gain d'une Compagnie eft l'épargne. Ils font enfin inconftans, & c'eft ce qui faic qu'ils abandonnent tout à la premiere difficulté & fe rebutent facile

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