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les lieux, faire un état des répara1680. tions qu'on vouloit faire, les faire Juiller. enregistrer, & enfuite obtenir un ordre écrit du Mutfellem pour y par faire travailler. L'Affemblée n'oppofa à mes avis que des raifons d'aconomie, & chacun ayant crié qu'il en coûteroit trop à la Nation pour cette précaution qui leur paroiffoit inutile, d'autant qu'en pareil cas on ne s'étoit jamais adreffé qu'au Muhhaffil; je fus contraint de leur laiffer faire une folie, que je leur prédis qui feroit d'une grande dépenfe, & qui donneroit bien de l'exercice à ceux qui étoient en place.

Le Cadi du Baïlam qui fçavoit la voie que nous avions prife, & qui fçavoit encore mieux ce que nous aurions dû faire, crût qu'on le meprifoit, & qu'on vouloit lui enlever les droits qui lui étoient dûs,& résolut de fe venger. Il fit écrire une Lettre au Mutfellem d'Alep par le Mute. vely du Païs, qui étoit un devot Mahométan, des plus zelés, & des plus fuperftitieux. Ce devot perfonnage l'avertiffoit, que les François bâtiffoient une Eglife nouvelle dans le Païs des Mufulmans; qu'on l'élevoit jufqu'aux nuës & qu'on ne

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pouvoit plus fouffrir l'effronterie & l'impudence des Infideles de faire une pareille entreprise dans fon Gouvernement, & contre les Loix de la vraie Religion. Il appuyoit fon difcours fur des raifons qui parurent fi fortes au Mutfellem, qu'il envoya d'abord deux de fes gens à Alexandrette,avec ordre d'y faire defcendre le Cadi du Baïlam, & de procéder fur les lieux aux informations felon les formes de leur juftice. Cela fut executé avec tant de diligence, & mon Vice-Conful, à qui j'avois ordonné d'étouffer toutes les affaires dès leur naiffance, y apporta tant de negligence, que le Mutfellem eut les informations avant prefque que j'en fuffe averti.

Il envoya chercher mes Truchemans, leur fit voir les Procédures du Cadi du Baïlam, & leur ordonna de m'en faire le rapport, & de me dire qu'il alloit donner ordre de faire rafer l'Eglife.

C'étoit une fignification tacite,' qu'il avoit envie de manger une groffe fomme d'argent, ou de nous faire une fâcheufe affaire à la Porte.

Le Cadi du Baïlam qui vouloit fe venger n'avoit pas manqué de mettre

1680.

Août.

dans fon information tout ce qui 1680. pouvoit mettre cette affaire hors d'état d'être accommodée. Il fallut penfer ferieufement à prévenir l'o

Août.

rage.

Le 3. Août, j'envoyai avertir le Muhhaffil de l'affaire qu'on nous faifoit à Alexandrette, malgré la permiffion qu'il nous avoit donnée; que je le priois de nous foûtenir de fon autorité, d'autant plus qu'on n'avoit reconnu jufqu'à prefent pour Gouverneurs à Alexandrette que ceux qu'il y établiffoit, & que j'attendois de fes nouvelles là-deffus.

Le Muhhaffil ne manqua pas d'aller voir le Mutfellem, & celui-ci le prit d'abord fur un ton fi haut, & le menaça de lui faire à lui-même des affaires fi fâcheufes à la Porte, qu'il n'ofa lui parler en notre faveur, comme il y étoit difpofé.

Il m'envoya fon Kiahia me dire ce qui s'étoit paffé, qui ne manqua pas de me faire valoir beaucoup le peu que fon Maître avoit fait pour nous, prétendant avoir fa bonne part des vingt mille piaftres d'amende que le Mutfellem demandoit pour accommoder cette affaire, qui menaçoit en cas de retardement d'en donner avis

Août

à la Porte, & de faire venir un Capigi Bachi à nos dépens pour vifiter 1680. les lieux, & en faire fon rapport au Grand Seigneur ; ce qui étoit d'autant plus dangereux pour nous que le Muhhaffil prétendoit que nous avions excedé de beaucoup la permiffion qu'il nous avoit donnée.

Je refolus de traiter cette affaire par moi-même. Je fus vifiter incogni to le Mutfellem en Seffe blanche le à neuf heures du foir, accompagné feulement de mon premier Trucheman, d'un Janiffaire, & d'un valet qui portoit un fanal.

4.

Je trouvai le Mutfellem feul avec un Officier du Grand Vifir, que je pris pour un Païfan de la maniere qu'il étoit habillé.

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Il fe leva pour me recevoir, & me fit affeoir auprès de lui. Je lui parlai de notre affaire comme d'une bagatelle; mais peu à peu nous nous échauffâmes, & nous eûmes d'affez groffes paroles, fans pourtant en venir aux injures.

L'Aga du Vifir ne trouvant pas bon que je repouffaffe les mauvaises raifons du Mutfellem avec tant de force, voulut fe mêler de me dire quelque chofe d'un ton défobligeant,

Aoûr.

je lui rendis fon change fur le champs 1680. & d'une maniere qu'il fut obligé de nous quitter, & d'aller s'affeoir en murmurant dans un autre coin de la falle avec les gens du Mutfel

lem. :

Etant demeuré feul auprès de lui nous recommençâmes à parler d'affaires avec plus de douceur & de moderation; & étant venus aux termes d'accommodement, je voulus le faire expliquer fur fes prétentions. Il me répondit en riant, qu'il ne faifoit jamais de marché avec fes amis, & beaucoup moins avec moi qu'avec aucun autre. Je vis bien qu'il ne voùloit pas traiter avec moi: ainsi je le priai d'attendre que mes Procureurs fuffent revenus de la campagne, & que je les lui envoyerois au plûtôt ; mais j'ajoûtai que je fouhaitois voir les écritures, & les Lettres qu'on avoit écrites à la Porte.

Il envoya promptement aux écuries pour fe faire rendre ces papiers qu'il avoit donnés à un Olac ou courier pour les porter à Conftantinople. On le trouva prêt à monter à cheval. Ce fut un grand bonheur que je me fuffe avifé de faire cette vifite, fans cela notre affaire étoit fans remede.

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