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me rendre témoignage de la fincerité de fes intentions & de fes fentimens dans l'état où il étoit prêt à paroître devant Dieu.

Le Pere Verjus & M. du Roquet m'en écrivirent; & comme ce qui s'étoit paffé entre nous, quoique trèsvif, n'avoit pas diminué les fentimens d'eftime & de veneration que j'avois toûjours eus pour fa perfonne & pour fon merite, je ne pus ap prendre fa mort & fa derniere declaration fans verfer des larmes. Je lui fis faire un Service folennel dans ma Chapelle où toute la Nation affista, auffi bien que tous les Catholiques Européens & les Chrétiens du Païs.

Je manquerois à ce que je lui dois, fi je n'inftruifois pas le Public de ce que j'ai fçû de ce grand Miffionnaire, dont la vie a été un travail continuel pour la gloire de Dieu, pour l'établiffement de la Religion, & pour la converfion des Heretiques & des Schifmatiques.

J'ai marqué ci-devant qu'il étoie allé à Maredin dans la Mefopotamie établir une Miffion. Les mauvais traitemens que les Heretiques & les Schifmatiques lui attirerent, l'obligerent de repaffer en France. Son

Tome VI.

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1683. Juillet.

voyage fut court. Il revint en Orient & eut la confolation de faire établir un Patriarche bon Catholique à Antioche pour la Nation des Syriens qui s'étend dans tout l'Orient. Cette élection étoit d'une confequence infinie pour la converfion d'une infinité d'Heretiques & de Schifmatiques. Il laiffa la fuperiorité des Miffions de Syrie, & fon zele le porta à aller éclairer les Peuples qui demeurent dans le fond de la vafte Province de la Mefopotamie, & dans le Curdeftan, & chez les Jafidies, Peuples abandonnés depuis plufieurs fiecles à eux-mêmes, fans Prêtres, fans Sacremens, fans Inftructions, qui ont à la verité confervé le nom de Chré tien avec quelques foibles lumieres du vrai Dieu; mais qui par un culte affreux ont joint à celui de JESUS -CHRIST celui du Soleil, & même du Diable.

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Le Pere Nau conduifit avec lui à cette glorieufe entreprise deux autres Miffionnaires de fa Compagnie au commencement de l'année 1682. Ils avoient avancé fix à fept journées dans le Païs pour fe rendre dans les montagnes, où le plus grand nombre de ces Jafidies fe font retirés,

1683.

lorfqu'ils furent rencontrés par une troupe de voleurs, qui ne fe contenterent pas de prendre le peu d'argent Juillet, qu'ils portoient pour commencer cet établiffement; mais qui leur prirent encore leurs hardes, & une partie des remedes dont ils prétendoient fe fervir pour aider la Prédication de FEvangile. Ces voleurs les maltrai terent de plufieurs coups de fabre, & ce fut par une Providence particuliere de Dieu, qu'ils ne leur fôterent pas entierement la vie. Ils retournerent dans ce trifte état à Maredin y attendre de nouveaux fecours pour l'établissement de leur importante & très-dangereufe Miffion chez les Jafi

dies.

Le Pere Nau fut plus heureux qu'il ne l'avoit été la premiere fois. L'ardeur de fon zele conduit par une pru dence Apoftolique, accompagnée d'une patience à toute épreuve, d'une charité merveilleufe, lui acquit peu à peu la confiance des plus illufties perfonnes de cette grande Ville. On aima celui que l'on avoit perfecuté. Ses Prédications fçavantes plurent infiniment, & Dieu répandant les benedictions fur fes travaux qui n'avoient pour but que fa gloire, & la Qj

converfion de ces Heretiques & Schif 1683. matiques, il en convertit un trèsJuillet. grand nombre, & le concours de

ceux qui avoient recours à lui & à fes Compagnons pour la guerifon des maladies de l'ame & du corps par les remedes qu'ils leur diftribuoient, devint fi confiderable, qu'ils établirent une Eglife nombreufe & floriffante au milieu d'un Païs plein d'Heretiques, de Schifmatiques, & de Juifs les plus perfides qu'il y ait au monde.

Mais ces progrès inefperés ne lui firent pas perdre de vûë la Miffion des Jalidies; & comme il ne lui fut pas permis d'y aller en perfonne, parce que fa préfence étoit abfolu ment neceffaire à Maredin, il fit venir deux excellens Miffionnaires de fa Compagnie, fçavans dans les Langues du Païs, d'une vertu éprouvée, & d'un zele prudent & courageux ; il les inftruifit & les fit partir pour aller chercher & éclaiter ces Peuples. dans leurs montagnes affreufes, & il eut la confolation d'apprendre qu'ils, y faifoient des progrès incroyables.

Cependant le Pere Nau & fes deux Compagnons qui étoient demeurés à

Maredin avançoient tellement l'œuvre de Dieu, qu'ils étoient accablés 1683. de la foule de ceux qui alloient chez Juillet. eux pour le faire inftruire; de forte que leur maifon étoit toûjours remplie depuis deux ou trois heures après minuit, jufqu'à neuf heures du foir. A peine pouvoient-ils trouver trois ou quatre heures pour fatisfaire à leurs Offices, manger, & dormir.

Ces fuccès étonnans réveillerent la jaloufie & la fureur de leurs ennemis Heretiques & Schifmatiques. Ils allerent les deferer au Pacha, & les accuferent d'avoir établi une Eglife publique, fans avoir obtenu le KataCherif du Grand Seigneurs; ils lui remontrerent que cela troubloit la paix de leurs Eglifes, & que ces Européens avoient des deffeins contre l'Etat, & tendoient à faire foulever les Peuples contre le Couvernement, & à y introduire les armées des Princes Chrétiens.

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Quoique le Pacha & fes Officiers euffent été jufqu'alors favorables à ces Peres dont ils ne pouvoient s'empêcher d'admirer le żele & la charité ils eurent peur qu'on ne leur en fit un crime à la Porte, & étant d'ailleurs gagnés par l'argent

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