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que

1683.

le faux Patriarche leur donna, ils firent arrêter le Pere Nau avec fes

Juillet. deux Compagnons, & douze Chré

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tiens du Païs qui fe trouverent chez eux écoutant l Evangile, que le Pere Nau leur lifoit, en les inftruifant de la verité des Dogmes Catholiques. Ils furent tous renfermés dans une af freufe prifon avec des chaînes aux pieds, & une garde de Turcs à la porte. On verra le détail de leurs Touffrances dans une Lettre que ce zelé Miffionaire écrivit au Pere Cliffon Superieur des Miffions de la Com pagnie en Syrie & réfidant à Alep. Elle eft du 27. Janvier 1682. En voici la copie :

Mon Reverend Pere, il y a huit jours que nous fommes aux fers. On nous vint prendre chez nous le Samedi après midi, avec douze Catholiques qui écoutoient l'Evangile que je leur lifois. Aldalvar faux Patriarche des Heretiques Syriens nous avoit accufé de tenir une Eglife publique; quoique cette accufation fût fans preuves, lui, un autre de fes parens, & quelques Prêtres Heretiques qui n'avoient jamais mis le pied chez nons, rendirent témoignage que nous avions une Eglife publique. Ils a

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voient eu foin de gagner deux Turcs qui furent témoins de la même chose, & auffi fauffement. Je voulus parler & dire quelque chofe pour notre juftification, m'étant très-aifé de convaincre de faux nos Accufateurs ; mais le Vayvode & le Cadi ne me le voulurent pas permettre. On fe contenta d écrire les noms des témoins, & l'on nous envoya à la chaîne avec les douze Catholiques qui avoient été trouvés chez nous. Je ne vous dirai point nos fouffrances, il fuffit que Dieu les voye, & qu'il nous faffe la grace de les fupporter avec patien

ce.

Le Mufti, à qui un Santon Turc de nos amis a recommandé notre affaire auffi-bien qu'au Cadi, a donné un Fatoué ou Commandement, par lequel il déclare que felon la Loi, on - ne nous doit ni tourmenter, ni con.damner à aucune amande; mais qu'on a droit feulement de faire abbattre l'Eglife s'il s'en trouve une. Le Vayvode qui en demandoit un pour nous faire battre & nous faire payer de l'argent a été refufé, & n'a eu d'autre réponse que notre Fatoué. Malgré cela il nous a fait dire qu'il vouloit avoir deux cens piaftres de

1683.

Juillet.

chacun de nous. Je ne sçai comment̃ 1683. l'affaire fe terminera, & fi étant rerJuillet. minée, on nous laiffera demeurer à Maredin où nous n'avons point de maifon à nous.

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Je vous prie d'envoyer copie de cette Lettre au Reverend Pere Verjus, à qui je ne puis écrire, n'ayant que ce moment pour vous embraffer avec tous nos Peres, comme nous le faifons très - cordialement. Remerciez bien Dieu pour nous, de ce qu'il a daigné nous faire la grace de commencer à nous donner part à l'op -probre & aux douleurs de fa Croix, & priez-le qu'il nous donne le courage & la patience neceffaire pour en faire l'ufage le plus avantageux qu'il fe pourra à fon Eglife & au falut des

ames.

Depuis ma Lettre écrite, on nous a fait entendre qu'on nous mettroit en liberté; mais que fi nous prétendions que nos douze Catholiques joüiffent de la même faveur, il falloit trouver plus de mil piaftres. Vous jugez bien que nous n'accepterons pas cette liberté à ce prix, nous étant auffi impoffible qu'il l'eft de trouver une fi groffe fomme, que vous ne pourriez même nous envoyer fans

incommoder pour long-tems nos Miffionaires; mais il faut efperer que 1683. par notre patience Dieu nous confer- Juiller vera tant qu'il lui plaira, réduira nos perfecuteurs à quelque compofition plus douce, & que l'aimabic Providence tirera fa gloire de ces obftacles fufcités à la Prédication de l'Evangile. Je fuis fort trompé, fi après qu'on nous aura vû tranquilles en prifon & fouffrir nos chaînes fans témoi gner trop d'empreffement d'en fortir, on ne rabbat une bonne partie de ce qu'on prétend pour notre rançon, & fi on ne fe contente de cinq à fix cens écus. S'ils en viennent-là, à la bonne heure, nous en louerons Dieu, & recommencerons à reconcilier autant

de perfonnes qu'il fe pourra à fon Eglife; à quoi il y a tout fujet d'ef perer qu'on reüffira avec beaucoup de Benedictions du Ciel, fur-tout fi vous pouvez nous procurer de quor acquerir une maifon dont nous foyons propriétaires, & où nous puiffions plus fûrement faire nos fonctions. Si Dieu veut que nous demeurions pluss long-tems en prifon, nous lui offrirons nos fouffrances pour. la conver fion des Heretiques, & peut être aura-t'il la bonté de les rendre plus

efficaces que nos Inftructions & nos 1683. Prédications: qu'il foit à jamais loüé Juillet. de tout. Je fuis avec respect votre trèshumble & très-obéïllant ferviteur MI

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CHEL NAU, de la Compagnie de Jefus.

Autre Lettre du Pere Nau au Reverend Pere Verjus Procureur des Mif fions du Levant, refidant à Paris.

Des Cachots de Maredin le 3. Janvier 1682. Vous êtes trop de mes amis, mon Reverend Pere, pour ne pas prendre beaucoup de part à ma joye & à mon bonheur. Il a plû à l'aimable Providence du Sauveur que nous tâchons de faire connoître & fervir ici en efprit & en verité, de nous donner part à fa Croix & à fes fouffrances, comme vous le verrez par la Lettre que j'écrivis il y a trois jours de ce même cachot fort à la hâte au Reverend Pere Cliffon, qu'il prendra fans doute foin de vous communiquer par la premiere occafion.

Je ne vous dirai rien de l'incommodité de nos fers ni de tout ce que nous fouffrons ici, où l'on prétend à force de mauvais traitemens, qu'onne

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