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gnée & un lavement pour en être quitte.

On ne peut pas dire que ces maladies viennent de l'air; car il eft trèspur, mais de l'ufage immoderé des fruits. Cependant il meurt peu de monde, excepté dans le tems de la pefte. Les originaires du Païs y parviennent à une extrême vieillesse, malgré leur intemperance fur le chapitre des femmes, & autres débauches encore plus déshonnêtes.

La maniere de cultiver la terre eft à peu près la même qu'en Europe, mais plus aifée. Ils ne labourent la terre qu'une fois; ils fement enfuite, & la herfent pour couvrir la femence, & quand elle eft fortie, ils ne fe mettent point en peine d'ôter les mauvaifes herbes; quand la recolte eft faite ils ne battent point les gerbes; mais ils ont une rouë de bois garnie de plaques de fer, dont l'effieu eft attaché à un pieu immobile. Ils attachent des bœufs ou autres animaux à la rouë, & les font marcher fort vîte; & pendant que la roue tourne, on préfente fur fon paffage les gerbes, & le grain en fort. Enfuite ils jettent en l'air avec des fourches toutes ces gerbes brisées, & le grain tombe d'un

1683.

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Maniere de

faire le

vin.

côté, & les pailles de l'autre : toutes les terres portent & fe repofent un an alter

nativement.

La culture des vignes leur donne bien moins de peine qu'en Europe. Ils ne les taillent point, & cela eft cau. fe qu'elles durent beaucoup moins. Les arbres fruitiers n'ont pas une meilleure culture. On ne les taille jamais, & ils ne laiffent pas de porter des fruits excellens & de durer long-tems.

La maniere de faire le vin eft trop particulier pour l'oublier ici. Les vendanges durent depuis la mi-Septembre jufqu'au 15. de Novembre. On apporte les raifins à la Ville dans de grands facs de poil. On met à la bouche du fac quelques farmens avec leurs feüilles pour les conferver dans le tranfport qui fe fait fur des chameaux & autres animaux. On les vend au poids à raifon de trois piaftres & demie le quintal, depuis le 15. Septembre jufqu'aux premiers jours d'Octobre. Ceux qui fe vendent pendant tout ce mois font à raifon de quatre à quatre pial tres & demie le quintal, & les der niers qui font du mois de Novembre, depuis cinq jufqu'à fix piaftres le quinta. Ils payent un droit au Khan des fruits d'un tiers de piaftre pour cha

que charge de chameau. Tous ces rai fins viennent des Villages des environs d'Alep.

On vuide les facs dans de grandes cuves de bois qu'on appelle Maftres, qui contiennent cinq à fix facs. On les y écrafe, on les foule autant qu'il eft poffible, & on fépare les grappes que l'on jette, & on tranfporte le moult dans de grands Vaiffeaux de terre, appellez Piterres, où on le remue avec un bâton fait exprès, trois fois par jour pendant trente à trente cinq jours. Il y bout à merveille, & quand fon ébullition eft paffée, on le coule dans les Maftres, au fond defquelles on a eu foin de faire un lit aflez épais du mare qu'on en a tiré. Le vin fe décharge fur ce mare de tout ce qui lui refte de falerés. On l'y laiffe jufqu'à ce qu'il foit entierement clair, & pour lors on le met dans des barils, ou des piterres pour le garder.

Ce vin eft excellent & approche beaucoup de celui de Chypres; mais il faut le garder de le boire fans eau, parce qu'il a une fi grande quantité d'efprits, qu'il offenferoit les nerfs, & cauferoit à la fin des incommodirez confiderables, fur-tout quand il eft nouyeau. Quand il a deux ou trois feuilles,

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c'est un baume pour la poitrine & pour

l'eftomac.

Il y a deux Couvents de Derviches près d'Alep. On appelle le premier Moula Kamé, & le fecond ChiekAboubeker. Le premier contient vingt à vingt-cinq Religieux ou Derviches, & le fecond près de quarante.

Derviche fignifie des gens qui vivent en Communauté, ils s'entretiennent des aumônes abondantes qu'on leur fait, & des biens qui ont été attachez à leurs Couvents par leurs Fondateurs ou bienfaicteurs, qui confiftent en terres, maisons, boutiques, bains, cannis & jardins.

Les Derviches font obligez à de certaines prieres, qui font leurs Heures Canoniales auxquelles les autres Turcs ne font point obligez. Ils font rous mariez, & ont leurs familles dans la Ville ou dans les Villages voisins, & y vont coucher deux ou trois fois la femaine; les Dedés ou Superieurs comme les autres. Ils font tous les Jeudis une cérémonie, qui confifte en une danse en piroüetant fur un talon pendant une heure avec une très-grande modeftie, au fon des flûtes douces que trois ou quatre d'entre eux joüent, pendant cet exercice qui eft fatiguant,

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& qui leur tient lieu de la difcipline ou
autres mortifications que nos Moines 1683.
d'Europe pratiquent.

Tous ces Derviches ont un Supe
rieur General qui demeure à Cogna,
qui peut les exclure ou les retenir
dans le Couvent felon fon bon plaifir,
& les bonnes ou mauyaifes relations
qu'il a de leur conduite. Ce Superieur
majeur eft fait par élection de tous les
Superieurs des Couvents, & fa Charge
dure autant que fa vie.

Les Derviches font obligez de donner aux pauvres tout ce qui leur reste après leur repas, de recevoir tous ceux qui fe prefentent, de leur donner à boire & à manger, & de les loger pendant trois jours. Ils ont tous des métiers, & peuvent employer le profit qu'ils y font à la fubfiftance de leurs familles. Ils font habillez comme les autres Turcs, ce qui les diftingue eft un bonnet de laine blanche, qui eft fort long & pointu. Ils peuvent faire recevoir leurs enfans mâles dans le Couvent, où ils font élevez & inftruits aux pratiques de leur Inftitut, & comme ils font tous obligez à une rigoureu Le obfervance de la Loi Mahometane, & à la vie contemplative, leurs Couvents font toûjours féparez des Villes

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