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& du tumulte, dans des endroits émi 168;. nens, en bon air & en belle vûë.

Tous ces Couvents font grands & magnifiques. Il y a toûjours une Mofquée au milieu de l'enclos, autour du: quel font les cellules & les autres bâtimens de ces Solitaires. Ils fe rendent tous à la Mosquée à de certaines heures du jour & de la nuit, pour y faire leurs prieres & chanter les louanges de Dieu. On ne peut affez admirer leur gravité & leur modestie dans tous leurs exercices, leur charité pour les pauvres, & leur politeffe.

Leurs Mofquées ont de très-beaux dômes ou coupolles couvertes de plomb, avec de grands jardins qu'ils: entretiennent eux mêmes avec beaucoup de foin.

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Le Couvent de Moula Kamé eft arrofé d'une petite riviere, qui paffe audellus de fon enclos, ils la partagent en differens canaux qui arrofent leurs jardins; celui du Chiek Aboubeker a une fource de très-bonne eau qu'ils urent par le moyen d'une roue à godets qu'une mule fait agir, & qui remplit deux grands refervoirs qui font dans la premiere cour devant la Mofquée, avec des baffins & des fontaines qui fervent pour les grandes &

petites purifications que l'on fait avant d'entrer dans la Mosquée.

C'est autour de la Mofquée que font les fepultures des Dedés ou Superieurs, & celles de leurs Fondateurs. Ces fepultures font couvertes de grandes pierres jaunes & blanches bien travaillées ́, avec les noms de ceux qui y font in

humez.

Ces Derviches reçoivent tous ceux qui fe prefentent pour embraffer leur Inftitut. Ceft le revenu du Couvent qui les entretient & les nourrit tant qu'ils veulent perfeverer dans ce genre de vie car ils le quittent quand ils en font las. Ils ne fe font pas encore avifez de s'y confacrer par des vœux. Ils ont fur cela une liberté tou

te entiere, perfonne ne les en peut empêcher, & ils n'encourent d'autre peine que la honte de n'avoir pas perfeveré, & le Public ne manque pas de les méprifer à caufe de leur inconftance. Il y a de ces Derviches qui font fort riches.

1683.

Il y. a à trois lieuës d'Alep un Khan Le Khan ou Fortereffe, appellé le Khan Tou- Touman man, où il y a une Garnifon de près d'Aqua- près rante hommes commandez par un Aga. lep. Elle a été établie pour s'oppofer aux courses des Arabes, qui défoleroient ce

Païs d'où la Ville d'Alep tire la plus 1683. grande partie du froment qui s'y confomme. Il eft ficué près de la riviere de Senga, qui va fe perdre à trois lieues delà dans une plaine marécageufe, qui rend I air fort mauvais. Cette Garnison eft payée par les Villages des environs & par la Ville. Les mafures qui restent font connoître qu'il étoit autrefois grand, fpacieux & affez fort pour le Païs. Il y avoit plusieurs belles pieces de canon, qui ont été enlevées pour le fiege de Bagdad en 1630. Il n'y en refte que cinq ou fix pieces petites & plus propres à faire du bruit, qu'à défendre ce qui restẹ des murailles, Les Turcs n'aiment pas à réparer; ils prennent plûtôt le parti de bâtir à neuf.

Il y a encore un autre Khan à deux fieues d'Alep fur le chemin de Tripoli, on l'appelle Khan-al-Affal ou le Khan du Miel. Il étoit grand & bien fort, & fervoit de logement aux Caravannes & aux paffans. Il eft à prefent prefque entierement détruit. Ses ruines fervent de retraite aux Arabes & aux voleurs. Il y a auprès de ce Khan une fource qui fort du pied d'une colline, dont l'eau eft excellente. Voilà les remarques particulieres que j'ai fais

tes fur la Ville d'Alep pendant que j'y ai demeuré. J'efpere que les curieux s'en 1683.

contenteront.

Les derniers jours de cette année, nous apprîmes la fin d'une Hiftoire que j'ai crû devoir rapporter ici à cause de fa fingularité.

Hiftoire d'un Algerien, qui avoit épou-
fé une Flamande.

N Turc d'Alger nommé Hak-
met, & enfuite Herrera fils d'un

UN

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Capitaine Corfaire fut pris en fon bas âge avec fon pere par les Efpagnols. Il fut vendu à un très-honnête homme, qui fut fi content de fon Efelave qu'il lui donna la liberté,après quelques

années de fervice.

Etant retourné en fon Païs, il arma un Vaiffeau en course & croifa fur les côtes d'Andaloufie. Il tomba une fe conde fois entre les mains des Espagnols, & n'obtint fa liberté qu'après avoir payé une groffe rançon. Ces deux mauvais fuccès le dégoûterent de la mer & de fon Païs, & fans embraffer le Chriftianifme, il voulut tenter fila fortune ne lui feroit pas plus favora ble en Europe, il fçavoit en perfec

tion la Langue Caftillane. Il prit un 1683. habit à l'Espagnolle, il vit une partie de l'Espagne, & à la fin il prit parti dans les troupes du Roi Catholique. Sa bravoure & fa bonne conduite le firent bien-tôt connoître ; & comme il avoit pris le nom d'Herrera, & que perfonne ne fçavoit qu'il avoit été Turc & qu'il l'étoit encore, il fit deux fois le voyage des Indes fur la flotte du Roi,& il s'acquit la réputation d'un Officier fage, brave & experimenté. Ces deux voyages l'enrichirent beaucoup. Il fut fait Capitaine de Cavalerie & Sergent Major d'Artillerie dans la Citadelle d'Anvers, où il parut fous le nom de Dom Jofeph de Herrera Velasco, fe difant defcendre de cette Maifon illuftre, dont il avoit fi bien étudié la généalogie, qu'il en impofa à tout ce qu'il y avoit d'Efpagnols Naturels en Flandres. L'éclat avec lequel il vivoit, fa dépense, fa politeffe, fa generofité, fa bonne mine, fa bravoure, la pieté avec laquel le il frequentoit fouvent les Sacremens, tout cela le faifoit recevoir agréablement dans les meilleures compagnies. Il donna dans les yeux des Dames d'Anvers où il étoit en Garnifon en 1675.

Helene Danes fille d'an Treforier

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