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& il étoit affez riche pour se paffer des biens qu'on lui offroit. Après avoir paffé quelques mois à Rome, & vû les principales Villes d'Italie, il revint en France, entra dans un Seminaire, & reçût les Ordres Sacrés. Il fut pourvû du Prieuré de Grimaud en Provence, & peu après de la qualité de Protonotaire Apoftolique.

On ne peut dire les biens qu'il répandoit dans le fein des pauvres: outre le revenu entier de fon Prieuré qu'il employoit aux reparations de fon Eglife, & au foulagement des miferables, il leur diftribuoit tous les autrès revenus, ne s'en refervant que ce qui étoit abfolument neceffaire pour fa fubfiftance qui étoit des plus frugale.

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Il maria fa foeur avec un Gentil homme de Lyon nommé de la Chambre, à qui il donna fa belle maison & la plus grande partie de fes biens.

Il avoit deux freres qui avoient embraffé l'Ordre des Carmes Déchauf fés, & qui étoient des Religieux d'une éminente fainteté.

Il fut appellé plufieurs fois à la Cour: il eut de frequentes conferences avec les Miniftres, qui tirerent de grandes lumieres des memoires qu'il leur donna. Le Roi voulut l'envoyer Refident à

Conftantinople, afin de corriger par fa prefence une infinité d'abus qui s'étoient gliffés parmi les François qui y refident. Il s'en excufa fur la fanté, & fur ce qu'étant Prêtre ces fortes d'emplois ne lui convenoient plus; mais il donna d'excellens memoires à M. Colbert, dont ce grand Miniftre tira des lumieres infinies pour la gloire du Roi, & pour le rétablissement du commerce du Levant. Etant de retour en Provence, il refidoit tantôt à Marfeille & tantôt à Grimaud, & menoit par tout une vie fi édifiante que tout le monde l'avoit en finguliere veneration.

Mais fouhaitant achever les jours dans l'exercice des vertus particulierement attachées au Sacerdoce, & les confacrer entierement tous au fervice de Dieu & de fon Eglife, il accepta la nomination que le Pape fit de lui à l'Evêché de Cefarople in partibus, avec la qualité de Vicaire Apoftolique de Babilone, & de Vifiteur en Orient.

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Toute la France & toute l'Italie plaudirent au choix de fa Sainteté, & lui fe difpofa par une longue retraite à recevoir l'Onction facrée. Il fut con facré, après quoi il fit à Marseille & en plufieurs Villes de Provence des Ordinations & les autres fonctions

Epifcopales, & après avoir choifi plafieurs Prêtres d'une vertu éprouvéepour l'accompagner en qualité de Millionnaites & d'Aumôniers nous nous embarquâmes enfemble, & nous arrivâmes à Alep comme je l'ai dit ci-de

vant.

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On ne peut exprimer les biens qu'il fit en cette Ville pendant qu'il y a féjourné; il y étoit déja connu par des endrois excellens, il y fut reçû avec veneration & une joye infinie. Il y fit des reglemens admirables; il travailla de toutes fes forces à mettre la paix entre les Miffionnaires, il affifta extraordinairement tous les Chrétiens du Païs; il termina des procès qui étoient de fa competence que l'on croyoit ne devoir jamais finir. On feroit un volume entier de ce qu'il a fait de grand dans cette Ville, il en partit avec le regret de tout le monde. Je tirerai de fes Lettres & de celles de M. Cafmon fon Aumônier ce qui lui eft arrivé dans ce long & penible voyage, où à l'exemple des Apôtres il a eu à combattre les Infideles, les Heretiques, & Schifmatiques, & les mauvais Chrétiens,où il a fouffert d'étranges perfecu tions, qui lui ont enfin merité la couronne de l'immortalité.

On va voir par la copie des Lettres de M. de Cefarople & de celles de M. Cafmon Prêtre de l'Oratoire fon Aumônier, quels furent les commencemens de leur voyage,

Je vous écris, Monfieur, ces lignes d'amitié, d'union & de reconnoiffance, un pied en l'air & fans table, feulement pour vous faire fçavoir notre arrivée à Souerig, Nous y joüiffons d'une bonne fanté, graces à Dieu, après des fatigues étran ges & tous les perils que l'on peut courir, & cela par la faute de Hage-Che leby que M. Maunier nous avoit donné pour nous conduire comme un honnête homme, & qui n'a pas laiffé de nous voler & de nous trahir vilainement. Il m'avoit obligé de le payer pour treize chameaux, à raifon de dix piaftres pour chaque chameau, & il s'étoit engagé de nous fournir des cunes ou berceaux pour fix d'entre noust quoique je les euffe payé affez cher, elles étoient fi mauvaifes qu'elles fe trouverent toutes rompuës avant que nous arrivaffions au Bire, de forte que mes gens ont été contraints d'aller à pied,ou de fe percher fur des chameaux chargés de deux groffes bales, d'où ils culbutoient de tems en tems avec un

danger évident de fe rompre le col. Mrs. Cafmon & Billard ont pris le parti d'aller à pied dans les boües, & dans l'eau, durant fept ou huit jours, & les autres tantôt à pied, tantôt fur des chameaux chargés, & quand je voulois m'en plaindre au fils de Hage il nous difoit des injures; car HageCheleby nous a abandonnés dès le fecond jour du voyage, & s'eft enfui fans nous dire adieu. Son fils eft le plus ruftre & le plus brutal qui foit dans tout le Païs. A tous momens il nous menaçoit de nous abandonner & de remener fes chameaux, & quand on tâchoit de l'adoucir par quelque petit prefent, il en agiffoit encore plus mal. Il achevoit de rompre nos cunes pour brûler le bois, & profiter des cordes que nous avions payées le double de leur valeur. Enfin il nous a quittés à une journée & demie de Bire, lorfque nous y penfions le moins, & que nous en avions le plus befoin, emmenant la moitié de fes chameaux chargés d'autres marchandifes qu'il a trouvées fur la route, ne nous laiffant que dix chameaux fous la conduite d'un pauvre Vieillard décrepit & d'un Bedouin, dans un tems de pluye, fans eur laiffer ni pain ni argent pour leur

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