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certain homme que je vois en bonnet de nuit et en robe de chambre. Il écrit avec application, et il y a près de lui une petite figure noire qui lui conduit la main en écrivant. L'homme qui écrit, répondit le Diable, est un greffier qui, pour obliger un tuteur très-reconnaissant, altère un arrêt rendu en faveur d'un pupille; et la petite figure noire qui lui conduit la main est Griffaël, le démon des greffiers. Ce

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Griffaël, répliqua don Cleophas, n'occupe donc cet emploi que par intérim? puisque Flagel est l'esprit du barreau, les greffes, ce me semble, doivent être de son département. Non, repartit Asmodée; les greffiers ont été jugés dignes d'avoir leur diable particulier, et je vous jure qu'il a de l'occupation de reste.

Considérez dans une maison bourgeoise, auprès de celle du greffier, une jeune dame qui occupe le premier appartement. C'est une veuve, et l'homme que vous voyez avec elle est son oncle, qui loge au second étage. Admirez la pudeur de cette veuve: elle ne veut pas prendre sa che

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d'une table: aussi va-t-il tous les jours dîner dans quelque bonne maison, d'où il ne revient qu'à deux heures après minuit. Il est aujourd'hui chez le marquis d'Alcazinas, où il n'est allé que par hasard. Comment, par hasard? interrompit Leandro. Je vais m'expliquer plus clairement, repartit le Diable. Il y avait ce matin, sur le midi, à la porte du bachelier, cinq ou six carrosses qui venaient le chercher de la part de différents seigneurs; il a fait monter leurs pages

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dans son appartement, et leur a dit, en prenant un jeu de cartes Mes amis, comme je ne puis contenter tous vos maîtres à la fois, et que je n'en veux point préférer un aux

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ce vieux cavalier qui tantôt se promène dans son appartement, et tantôt se laisse tomber dans un fauteuil. Je juge, dit Zambullo, qu'il roule dans sa tête quelque grand projet. Qui est cet homme-là? Si l'on s'en rapporte à la richesse qui brille dans sa maison, ce doit être un grand de la première classe. Ce n'est pourtant qu'un contador, répondit le Démon. Il a vieilli dans des emplois très-lucratifs. Il a quatre millions de bien. Comme il n'est pas sans inquiétude sur les moyens dont il s'est servi pour les amasser, et qu'il se voit sur le point d'aller rendre ses comptes dans l'autre monde, il est devenu scrupuleux: il songe à bâtir un monastère; il se flatte qu'après une si bonne œuvre il aura la conscience en repos. Il a déjà obtenu la permission de fonder un couvent; mais il n'y veut mettre que des religieux qui soient tout ensemble chastes, sobres, et d'une extrême humilité. Il est fort embarrassé sur le choix.

Le second corps-de-logis est habité par une belle dame qui vient de se baigner dans du lait, et de se mettre au lit tout à l'heure. Cette voluptueuse personne est veuve d'un chevalier de Saint-Jacques, qui ne lui a laissé pour tout bien qu'un beau nom; mais heureusement elle a pour amis deux conseillers du conseil de Castille, qui font à frais communs la dépense de sa maison.

Oh! oh! s'écria l'écolier, j'entends retentir l'air de cris et de lamentations; viendrait-il d'arriver quelque malheur? Voici ce que c'est, dit l'esprit : deux jeunes cavaliers jouaient ensemble aux cartes, dans ce tripot où vous voyez tant de lampes et de chandelles allumées. Ils se sont échauffés sur un coup, ont mis l'épée à la main, et se sont blessés tous deux mortellement : le plus âgé est marié, et le plus jeune est fils unique; ils vont rendre l'âme. La femme de l'un et le père de l'autre, avertis de ce funeste accident, viennent d'arriver; ils remplissent de cris tout le voisinage. Malheu

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