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primer en 1689. & dont il a donné depuis plufieurs éditions augmentées, fous le titre général de Révolutions.

Elle eut un cours prodigieux non - feulement parcequ'elle étoit bien écrite, mais encore parceque le fujet, grand par lui-même, le paroissoit bien davantage dans le rap port qu'on s'imaginoit qu'il pourroit avoir un jour avec ce qui fe paffoit actuellement dans un Etat voifin. * Cependant, l'Auteur qui auroit pû s'en faire un mérite, avouoit de bonne-foi qu'il n'y avoit jamais fongé, & qu'après le plaifir d'écrire, fi quelque chofe l'occupoit encore, c'étoit l'envie de retourner dans fa Province, dont il n'étoit jamais forti qu'à regret. Il en trouva bientôt l'oc casion, il permuta fà Cure de Croiffy avec une autre du pays de Caux,

* L'An gleterre.

& par furcroît de bonheur, il obtint enfuite les difpenfes néceffaires pour paffer de cette feconde Cure, toujours dépendante de l'Ordre, à une troifiéme qui étoit purement féculiére, d'un gros revenu, & aux portes de Rouen.

Plus en état d'avoir des Livres, il en eut beaucoup, & il en fit un bon ufage. Il écrivit l'Hiftoire des Révolutions de Suéde, qu'il fit paroître en 1696. & qui fut reçue avec tant d'applaudiffement, que l'on en fit quatre à cinq éditions de fuite, fans ofer leur donner une nouvelle datte; elle fut auffi traduite en diverfes Langues, & l'Ouvrage fut si eftimé à Stocholm même, que l'on prétend que l'Envoyé, qui étoit fur le point de paffer en France, fut chargé par fes inftructions de faire connoiffance avec l'Auteur, & de

l'engager par un préfent de deux mille écus à entreprendre une Hiftoire générale de Suéde: on ajoûte, que cet Envoyé, qui croyoit trouver M. l'Abbé de Vertot à Paris dans les meilleures compagnies, & répandu dans le plus grand monde, furpris de ne le voir nulle part, étoit informé, & qu'ayant appris que ce n'étoit qu'un Curé de Normandie, il avoit rendu compte de fa commiffion, d'une maniére qui fit échouer le projet.

s'en

Quoi qu'il en foit, ce Curé de Normandie acquéroit infenfiblement la réputation d'un excellent Historien, d'un Ecrivain du premier ordre. Le Pere Bouhours, qui s'y connoiffoit, affuroit qu'il n'avoit rien vû en notre Langue, qui, pour le ftile, fût audeffus des Révolutions de Suéde & de Portugal; &

M. de Meaux, plus capable encore d'en juger, dit un jour à M. le Car dinal de Bouillon, que c'étoit une plume taillée pour la vie de M. de Turenne. Enfin, quand il plut au feu Roi d'augmenter cette Académie, & de lui donner la forme qu'elle a reçue par leRéglement de 1701. Sa Majefté fe fouvint de l'Abbé de Vertot, & le nomma de fon propre mouvement à une place d'Acadé

micien affocié.

M. le Comte de Pontchartrain Sécretaire d'Etat, l'informa lui-même de fa nomination, & il en fut d'autant plus touché, qu'il s'y attendoit moins, mais elle le jetta dans un extrême embarras. Il falloit venir s'établir à Paris, quitter par conféquent fa Cure, qui lui valoit trois mille livres de rente, qui étoit son seul bien ; & qu'il ne pouvoit

encore réfigner fous penfion, parce qu'il lui manquoit deux années de réfidence & de fervice. Dans cette perplexité, il répondit au Miniftre dans les termes généraux de la plus vive reconnoiffance pour l'honneur qu'on lui faifoit, & du plus grand empreffement à le juftifier par fes travaux quelque tems après, il écrivit à un de fes amis, qu'il fçavoit en liaison avec M. le Comte de Pontchartrain, une Lettre pathétique, où après avoir expose sa situation, c'eft-à-dire fes peines, il propofoit l'expédient d'envoyer réguliérement tous les fix mois à l'Académie des Ouvrages, qui vaudroient, difoit-il, mieux que lui, en attendant qu'il pût y réparer par une affiduité merveilleufe, des abfences tout-à-fait involontaires. A la fuite de ce détail, il traçoit le plan d'une

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