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tions vives & animées entrainent le Lecteur, on marche avec l'armée qu'il met en mouvement, & felon qu'il l'a déterminé, on prend part à la victoire, ou l'on gémit sur le fort des vaincus.

Dans fon Hiftoire de la Conjuration de Portugal, il présente une Monarchie, qui affujettie depuis près d'un fiècle par un Roi puiffant, paroit la Province de fes Etats la -plus foumife, & qui en un feul jour, change fa destinée. L'entreprise eft un fecret confié, pour ainfi dire, à la Nation entiére, & qui ne transpire par aucun endroit ; & l'exécution, que mille incidents peuvent encore arrêter, réuffit également par tout ; c'est un embrasement général, qui de la Capitale paffe rapidement aux frontières, & même au¬ delà des Mersur

Dans les Révolutions de Suéde, on voit un Prince malheureux & profcrit, qui du fond des Montagnes & des Mines obfcures qui lui fervent d'afyle, porte dans le cœur de leurs plus groffiers habitans,un tel amour de la gloire & de la liberté, qu'à leur tête il s'ouvre un chemin au Trône, s'y affranchit de la dépendance, où l'autorité du Sénat, la jaloufie des Grands, & la puif fance du Clergé avoient tenu les Rois fes Prédéceffeurs, rend hé réditaire une Couronne Elective change jufqu'à la Religion du pays, & meurt univerfellement regretté, après avoir régné fans Favoris, & gouverné fans Miniftres, comme il avoit vaincu fans Généraux.

Rome eft, en quelque forte, le Palais de l'Hiftoire pour l'Auteur de fes Révolutions: les événemens

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font diftribués avec un art fupérieur; un art plus grand encore, les peint chacun avec les couleurs qui lui font propres, & les place dans le jour qui leur convient. On fe croit dans les affemblées du Sénat & du Peuple, au Champ de Mars, ou fur les bords du Tibre. Rome y paroît formidable, tant qu'elle fait gloire de fa pauvreté, & que le Dictateur comme le Soldat, ne fubfiftent que du peu de terre qu'ils cultivent de leurs mains ; & l'on préfage fa ruine, dés que Maîtreffe du monde entier, toutes les richeffes de l'Univers coulent dans fon sein.

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Les Annales de Malte, où l'on trouve tant d'actions vraiment Romaines, ne demandoient pas une plume moins exercée à les décrire mais la piété y confacre l'Héroïfme, & c'est à ce point de vue, que

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le judicieux Hiftorien raméne heureufement tout ce qu'il dit d'un Ordre, que la charité fit naître, que l'honneur du nom Chrétien & la défenfe des lieux faints armérent contre les Infidéles, & qui toujours en butte à leurs barbares efforts fçait allier les vertus paifibles de la Religion à la plus haute valeur dans les combats.

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Quand M. l'Abbé de Vertot portoit à l'Académie des parties détachées de femblables Ouvrages on découvroit bientôt une autre fource de leur force & de leur beau té. A peine en avoit-il lû quelques pages, que s'uniffant infenfiblement à fon fujet, il prenoit enfin réellement la place du Héros, s'abandonnoit à toute l'impétuosité de son courage, & alloit jufqu'à perdre la respiration: nous l'avons vû de mê

me, s'attendrir & verfer des larmes avec la mere de Coriolan aux pieds de fon fils. Or, s'il eft aifé de furprendre la tendreffe & la confiance des hommes, par un tiffu d'avantures agréablement imaginées & rendues, quelle impression ne doit point faire fur eux, le récit de faits importans, généralement reconnus pour vrais, & encore pleins de cette efpéce de vie, qu'un Auteur bien pénétré eft feul capable de leur conferver?

Ce qui n'eft peut-être pas moins digne de remarque, c'eft que M. l'Abbé de Vertot avoit près de quàrante-cinq ans, quand il compofa le premier morceau d'Hiftoire qu'il a donné au Public, & qu'il en avoit plus de foixante & dix, quand il acheva celle de Malte qui a terminé fa courfe littéraire. Il a encore

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