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Grec, les argumens qui ne se faifoient qu'en Latin, & bien plus encore, en expliquant lui-même les Paffages obfcurs d'une infinité d'Auteurs Grecs, dont on demandoit le fens, ou dont on oppofoit la contrariété; de forte que le Docteur, le véritable Soutenant, quoiqu'habile, puifqu'il obtint la même Chaire quelques années après, la manqua cette fois-là, pour avoir eû un Répondant qui ne lui laiffoit rien à dire.

Avec de telles difpofitions, & un grand amour pour les Lettres M. Ifelin ne pouvoit manquer de s'y faire un nom ; il commença par des Piéces de Poëfie, dont plufieurs furent imprimées; il donna enfuite des Differtations fur les Hiftoriens Latins des meilleurs fiécles qui furent-si favorablement reçues 2

que la Chaire d'Eloquence & d'Hiftoire de l'Université de Marbourg ayant vaqué, M. le Landgrave de Heffe l'y fit nommer, fans aucun concours quoiqu'étranger, quoiqu'absent, & âgé feulement de vingt-trois ans.

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Senfible à cette diftinction, il en fit auffitôt de grands remercimens, & au Landgrave, & à l'Université; mais il leur demanda un mois de délai, pour régler quelques affaires importantes qu'il ne lui convenoit pas d'abandonner; & dés là qu'il les qualifioit d'importantes, on s'imagine bien qu'elles ne pouvoient regarder que la Littérature, auffi la regardoient-elles.

Il y avoit plus de deux ans que M. Ifelin fe livroit à une étude profonde de la Théologie & des Langues Orientales; déjà même il avoit

publié des Remarques Critiques contre le fentiment de M. l'Evêque de Meaux (Boffuet) fur les Vifions de l'Apocalypse; & dans le tems qu'on lui annonçoit fa nomination à la Chaire d'Hiftoire de l'Univerfité de Marbourg, celle d'Hébreu de l'Univerfité de Bafle devenoit vacante par la mort du célébre Jean-Jacques Buxtorff, dans la famille de qui elle sembloit héréditaire par les talens & par une poffeffion de plus de cent années. M, Buxtorff laiffoit bien un Neveu de fon nom, & capable de le foutenir; mais retiré depuis longtems au bourg d'Ariftorf dont il étoit Paf teur, il avoit jusques là résisté à tou, tes les follicitations qui le rappelloient à Bafle. M. Ifelin crut que ce feroit manquer à fa patrie & à fa vo cation, s'il ne se préfentoit au moins

pour le remplacer; il fe préfenta donc, & réduifit en forme de Programme de Théses, une fçavante Differtation fur le génie des Langues Orientales, & fur les Versions du Nouveau Teftament. Cependant, on vint heureusement à bout de déterminer le Neveu de M. Buxtorff; & M. Ifelin qui l'avoit fouhaitté plus que perfonne, déclara à l'inftant qu'il ne concourroit point avec lui, & partit pour se rendre à Marbourg.

Il ignoroit que dans cet intervalle, les Profeffeurs de Marbourg, fâchez de la préférence qu'on lui avoit donnée fur les Sçavans du pays, & comptant fur les bons offices du Chancelier de Heffe, qui avoit un proche parent au nombre des compétiteurs, n'avoient rien oublié pour faire changer le choix

du Prince. Ils lui avoient infinué qu'un homme de l'âge de M. Ifelin soutiendroit mal le poids & la réputation d'une des premiéres Chaires de l'Univerfité; ils ajoûtoient que les différentes connoiffances aufquelles il s'étoit fucceffivement appliqué, ne permettoient pas de croire qu'il en eût acquis foncièrement aucune, & il n'en falloit, difoient-ils, d'autre preùve, que la Lettre même qu'il leur avoit écrite, où ils trouvoient des expreffions de la plus baffe & de la plus mauvaise Latinité. Mais le Landgrave s'étant contenté de répondre, qu'on en jugeroit encore mieux quand il feroit en plein exercice, il arriva fans le moindre foupçon; & ceux même qui l'avoient le plus deffervi, l'accompagnérent à l'audience du Prin ce, quand il lui fut présenté.

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