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1738.

Affemblée

ELOGE

DE M. LE MARECHAL

VIC

D'ESTRE'ES.

ICTOR-MARIE DUC D'ESTRE'ES, Pair, Marêchal & publique Vice-Amiral de France, Grand d'après Pâques. d'Efpagne & Vice-Roi de l'Amérique, naquit à Paris le trentiéme Novembre 1660. & fut le premier des enfans de Jean Comte d'Eftrées, auffi Marêchal & Vice-Amiral de France.

Il fit fes Etudes & tous fes exercices avec une application qui en affuroit le fuccès; & avec une ardeur qui annonçoit en lui un Sujer destiné à fe couvrir de bonne heure

de toute la gloire de ses Ancêtres. Il commença à porter les armes à l'âge de feize à dix-fept ans, & pour ne rien devoir aux avantages de fa naiffance, il fervit d'abord comme fimple Volontaire dans le Régiment de Picardie, où la place la plus diftinguée qu'il eut, fut celle de l'Enfeigne de la Colonelle qui

avoit été tué à fes côtés ; mais la vûe & le fervice de trois Siéges confécutifs, lui valurent à la fin de la Campagne, une Compagnie dans le Régiment du Roi.

De fi heureux commencemens attirérent fur lui l'attention du Miniftre de la Guerre, & firent naître d'autres idées à celui de la Marine. M. de Seignelay représenta au Roi que pour la porter à quelque degré de fplendeur, on ne pouvoit trop la remplir de gens de condition,

que le Maréchal d'Eftrées étant Vice-Amiral, il convenoit que fon fils qui avoit de la difpofition à tout, fuivît fes traces, & fe formât fous fes yeux. M. de Louvois croyoit que c'étoit facrifier à l'incertitude des événemens, un goût naturel & déja éprouvé. Le Roi décida pour la Marine, & donna au Comte d'Eftrées le commandement d'un des Vaiffeaux de l'Escadre que le Ma¬ rêchal fon pere conduifoit aux Ifles

de l'Amérique.

Cet apprentiffage, s'il en eft pour des ames d'un certain ordre, fut un apprentiffage très rude. Les mauvais tems rendirent la traverfée difficile, & bien plus longue qu'on ne l'avoit cru: on fut fur le point de manquer totalement d'eau & de vivres. Il fupporta la faim & la foif avec plus de patience qu'aucun Officier de

fon bord, & il leur donna l'exemple d'une nouvelle espéce de courage qui n'étoit pas faite pour la jeuneffe.

Au retour de cette expédition qui dura deux ans, M. de Seignelay montra au Roi le journal du Comte d'Eftrées, & fit extrêmement valoir les Obfervations qu'il y avoit faites pour le bien du Service. On ne l'y laiffa pas languir : le Printems d'après, il fut d'une autre Ef cadre que le Roi envoya contre les Corfaires de Tunis, d'Alger & de Tripoly qui troubloient le commerce des François. Ces Corfaires s'y étoient attendus, ils avoient armé de leur côté, & réuni toutes leurs voiles; ce fut la premiére bonne fortune que le Comte d'Eftrées eut à la Mer. Le plus fort de leurs Vaiffeaux, un Algérien de quatre-vingts

piéces de canon, s'attacha au fien qui n'étoit que de foixante, & il crut en venir d'autant plus aifément à bout, qu'il paroiffoit immobile & comme incertain du parti qu'il prendroit : mais, il n'en ufoit ainfi que pour se conferver l'avantage du vent, & pour donner plus de confiance au Corsaire; auffi, tout changea de face dés qu'il fe trouva bien à fa portée, ce fut un feu fi jufte, fi vif, qu'en moins d'un quart d'heure, l'Algérien, criblé & défemparé de tous fes agreilz, fut réduit à se faire fauter, abandonnant une Frégate de vingt-quatre piéces de ca-> non qui le foutenoit, & trois prifes qu'il avoit faites. Les Barbares effrayez, rentrérent précipitamment dans leurs ports; M. du Quefne alla les bombarder l'année fuivante, & le Comte d'Eftrées qui l'accompa

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