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tiné à la Poëfie Latine, où effectivement il fut plus heureux.

Le voifinage de M. de Francine, l'avoit mis à portée de faire connoiffance avec Mile Mauléon, amie particuliére de M. Boffuet Evêque de Meaux. Elle fe plaisoit à élever 'des pigeons ; & tous les ans elle en envoyoit un certain nombre des plus beaux à M. de Meaux, le jour de fa fête. M. l'Abbé Boutard épia le moment de leur miffion, & perfuada fans peine à Made Mauléon de les rendre porteurs d'une Ode Latine, à la louange de fon illuftre ami. Le bouquet fut parfaitement bien reçû; M. de Meaux voulur connoître le Poëte: il lui fit accueil, & le mena paffer quelques jours à fa belle maison de Germigny. Aufsitôt nouvelle Ode, GERMINIACUM, la Defcription de Germigny; & M. de Tome III.

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Meaux vit cette feconde Piéce avec plus de complaifance encore que la premiére. Les grands hommes fuyent les louanges directes, parce qu'elles bleffent leur modeftie, fans rien ajouter à leur gloire; mais ils font charmez d'entendre louer leurs amusemens; comme s'ils avoient moins befoin d'amusemens que les autres hommes, ou qu'ils fuffent plus obligez de les justifier. Et ce qui prouve que M. de Meaux luimême penfoit ainfi, c'eft qu'il confeilla à M. l'Abbé Boutard de travailler fur le même plan à une Defcription de Marly & de Trianon, dont il fe chargea de faire les honneurs auprès du Roi. Le Poëte fentit l'importance du confeil, & le mérite de l'offre; fa Muse n'oublia rien pour y répondre : & l'Ouvrage étant achevé, M. de Meaux en fut,

comme il l'avoit promis, le pro tecteur & l'interpréte.

Cette Description, dont affurément l'Original ne perdit rien de ses graces dans l'explication qu'en fit M. de Meaux, plût extrêmement au Roi ; & M. Bontemps le pere, qui étoit Gouverneur de Marly, en fut tellement affecté, qu'il ne ceffa d'en rappeller le fouvenir à Sa Ma jesté; jufqu'à ce que d'elle-même elle demanda un jour fi l'Abbé Boutard étoit Prêtre? M. de Meaux répondit qu'il en avoit toujours eu grande envie, mais que la médio crité de fa fortune l'en avoit empê ché. Eh bien, dit le Roi, je lui donne cent piftoles de gratification pour aller dans votre Séminaire prendre les Ordres, après quoi j'aurai foin de lui.

M. l'Abbé Boutard fe rendit fur le champ à Meaux. Il y refta près

d'un an au Séminaire, & revint Prê tre. A fon retour, le Roi convertit en pension les mille livres qu'il lui avoit d'abord accordées, à titre de gratification. Il le nomma enfuite à l'Abbaye de Boisgroland, Diocèse de Luçon, & lui donna enfin, lors du renouvellement de 1701. une place dans cette Académie, où fa pension fur attachée.

Les Poëtes s'acquittent d'autant plus aifément envers leurs bienfai&teurs, qu'ils font perfuadez que leur reconnoiffance les immortalife. Celle de M. l'Abbé Boutard se signala par prefque autant d'Odes nouvelles, que la fuite du Regne du Roi lui offrit d'événemens à célébrer; & fur la fin, il s'y donna le titre de Poëte de la Famille Royale, VAT ES BORBONIDUM.

Horace fut celui des anciens qu'il
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s'attacha le plus à imiter. Il conve noit qu'il ne pouvoit choisir un meilleur modéle dans le genre de Poëfie qu'il avoit embraffé; mais il fe flattoit bien auffi de lui avoir ren du quelques bons offices dans fes imitations. Il croyoit encore lui ref fembler par les fentimens, comme par les expreffions; par la taille, par les traits du vifage, & par tout ce qui pouvoit caractériser parmi nous un de ses véritables héritiers, Venus fini pectinis hæres. C'eft ainfi qu'il s'annonce dans la plupart de fesOuvrages Lyriques.

Dés qu'il avoit mis la derniére main à une Piéce il l'apportoit à l'Académie, & dans quelque Af femblée publique, par préférence aux Affemblées particuliéres, où l'on peut être interrompu: il la lisoit enfuite dans diférentes maisons, &

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