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loin, on trouveroit qu'il le rend avec la candeur & la fimplicité d'un homme qui ne feroit jamais forti de fon pays.

Quand le difcernement égale ainfi l'amour de la vérité, il reléve & ennoblit le courage de la dire, & c'eft ce qui fit encore jetter les yeux fur lui pour aller, sans caractére, exécuter une commiffion secréte en Ef pagne & en Portugal. L'objet principal de la commiffion étoit, fans doute, de connoître & de préparer les moyens de détacher ces deux Cours de l'alliance qui venoit de produire la révolution d'Angleterre, & qui avoit rallumé la guerre dans toute l'Europe. Malheureusement ce deffein tranfpira par quelvoie indirecte, peut-être par le feul foupçon. M. de la Loubére fut arrêté à Madrid, & n'eut la liberté

que

de revenir en France, que parce qu'on y ufoit de représailles fur tous les Espagnols qui s'y trouvoient. Ce fut au retour de ce voyage d'Espagne que M. de la Loubére qui étoit déjà en liaison avec M. le Chancelier de Pontchartrain, alors Contrôleur Général des Finances, & Secretaire d'Etat de la Marine, s'attacha entiérement à lui, pour être auprès de M. le Comte de Pontchartrain son fils, reçu en survivance de la Charge de Secretaire d'Etat. Il l'accompagnoit dans fes tournées, il mêloit à fes travaux particuliers des récits inftructifs & curieux, des lectures fçavantes, & lui rendoit le poids des affaires agréable & léger par le caractére de fon efprit qui étoit l'un & l'autre, & même un peu fingulier, ce que M. le Chancelier de Pontchartrain tour

noit toujours en éloge; & à dire le vrai, il faut nécessairement un peu de fingularité dans l'efprit, pour lui donner à tout moment cette espéce· de nouveauté qui en fait le charme.

y

Comme cet attachement paroif foit ne laiffer aucun doute fur l'envie qu'avoit M. de la Loubére de fixer fon féjour à Paris, l'Académie Françoise le nomma en 1 693. pour fuccéder à M. l'Abbé Tallemant l'aîné; & l'année fuivante il fut nommé à une autre place dans cette Compagnie, qui n'étoit encore compofée que de huit Académiciens, mais tous Penfionnaires, & tous de l'Académie Françoise: cependant, ce qu'on appelle communément maladie du pays, le gagnoit peu à peu, & foit qu'il s'en apperçût ou non, il n'en parloit que comme d'un fentiment généreux qui l'intéreffoit à la

gloire du lieu de fa naiffance. Il

commença

d'abord

par

folliciter le

rétablissement de l'Académie des Jeux Floraux, qui autrefois fi célébres à Toulouse, y avoient dégénéré depuis plus d'un fiécle en un petit nombre d'affemblées tumultueuses où l'on ne diftribuoit plus que quelques Prix modiques, peu propres à exciter l'émulation. Il rechercha avec un soin extrême l'origine de ces Jeux, & il en démontra l'utilité avec tant d'évidence, que pour les mieux rappeller à leur ancienne fplendeur, on le chargea d'en dreffer lui-même les nouveaux Statuts, les Lettres Patentes, & jufqu'à lạ lifte des Académiciens, où personne, affûrément, ne méritoit mieux lui d'avoir une place diftinguée; mais fa modeftie ne lui permit pas de fe nommer en aucun endroit, &

que

il fallut que l'Académie en corps rés parât cette obmiffion, en lui déférant d'une commune voix la premiére place qui viendroit à vacquer: à la vérité il l'accepta avec joie ; il fit plus, il alla l'en remercier, & cette démarche fut comme le fignal de fa retraite, qu'une autre impres fion de l'air natal acheva de déter, miner. Il trouva à Touloufe une parente aimable, & du nom de Bertrand; il oublia qu'il avoit près de foixante ans, il l'épousa, & ne revint à Paris, à diverfes reprises, que pour y arranger fes affaires, & s'affranchir de plus en plus des engagements qui pouvoient l'y retenir.

M. de la Loubére, rendu à fa Province, y fit longtems l'honneur & le plaifir des meilleures compa gnies; il y devint l'arbitre de ces mêmes Jeux Floraux, dont il avoit

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