Imágenes de páginas
PDF
EPUB

dont fe fert la Géométrie, arrêtent la légereté de l'imagination en frappant les yeux; elles tracent dans l'efprit les idées des chofes qu'il veut appercevoir; elles furprennent & attachent ainfi fon attention; fouvent la preuve d'une propofition dépend de quantité de principes : l'efprit n'eft-il pas alors obligé d'étendre, pour ainfi dire, fa vûe avec effort, afin de les envisager tous en même-tems.

La vérité eft difficile à découvrir dans ces Sciences; mais auffi elle femble vouloir dédommager ceux qui la cherchent, de leurs peines, par l'éclat d'une vive lumiere dont elle charme leur entendement, & par un plaifir pur & fans mélange dont elle pénétre l'ame. A force de la voir & de l'aimer on fe familiarife avec elle, & on s'accoutume à remarquer fi bien les traits lumineux qui l'annoncent & la caractèrisent toujours, qu'on eft bien - tôt capable de la reconnoître fous quelque forme qu'elle paroiffe, & de diftinguer en toute matiere ce qui ne porte pas fon empreinte,

à

Enfin perfonne n'ignore que la méthode des Mathématiciens tend plus que toute autre, rendre l'efprit net & précis, & à le diriger dans la recherche de la vérité fur quelque fujet que l'on puiffe travailler. Les Methématiciens pour fondement de leurs connoiffances, ne pofent que des principes fimples & faciles, mais certains, lumineux, féconds. Ensuite ils tirent de ces points fondamentaux les conclusions les

plus aifées & les plus immédiates, qui n'ayant rien perdu de l'évidence de leurs principes, la communiquent à d'autres conclufions, cellesci à de plus éloignées, & ainsi de fuite. Par-là il fe forme une longue chaîne de vérités, laquelle étant attachée par un bout à une base inébranlable, s'étend de l'autre côté dans les matieres les plus difficiles.

Peut-on difconvenir, qu'une application de quelques mois, donnée à la pratique d'une telle méthode, ne ferve infiniment plus que certaines questions que l'on avoit coutume de traiter fans aucun fruit, à former le jugement, & à l'accoutumer à faire ufage des regles de la Logique dans toutes les autres parties de la Philofophie, dont les routes fe trouvent même par-là fort applanies? Qui pourroit ne pas approuver les Maîtres de Philofophie qui ont banni à perpétuité de leurs Leçons des matieres vaines & étrangeres, pour y en faire entrer d'autres fi utiles, & qui y ont un droit naturel & inaliénable?

Une feconde considération auffi très-importante engage encore les Profeffeurs à faire voir les Elémens des Mathématiques, fur-tout ceux de Géométrie ; c'eft qu'ils font très-utiles, pour ne pas dire néceffaires, à l'intelligence des matieres de Phyfique. Cette raifon fait de même qu'on ne les explique pour l'ordinaire qu'immédiatement avant la Phyfique.

La Méchanique, qui eft le fondement de la

vraie Phyfique, fait un ufage continuel des principes des Mathématiques : quand je dis la Méchanique, je n'entends pas feulement cet art qui enfeigne à lever des fardeaux très péfans par le moyen d'une puiffance peu considérable: je comprens fous ce nom la Science entiere du mouvement, qui apprend à en mefurer la quantité, qui en découvre les propriétés, qui en détermine les loix : la Méchanique prise en ce fens n'eft-elle pas la bafe & le fondement de la Phyfique, dont le but est d'expliquer les effets de la nature : effets qui font toujours produits par quelques mouvemens? Or il n'y a perfonne qui ofe nier que les Mathématiques ne foient néceffaires pour traiter cette Science avec quelque exactitude. Elles ne le font pas moins pour approfondir un peu l'Aftronomie, qui eft encore une partie de la Phyfique telle qu'on a coutume de la donner dans les Ecoles, & qui eft même la plus curieufe & celle dont la connoiffance nous procure plus de plaifir & de fatisfaction: qu'y-a-t'il en effet dans les fciences naturelles de plus capable de piquer notre curiofité que de connoître les caufes de ces phénomenes remarquables qui font exposés aux yeux de tous les hommes, tels que font les éclypfes de Soleil & de Lune, la diversité des Saifons, l'inégalité des jours dans les différens Pays, le mouvement des Aftres: c'est l'Aftronomie qui nous développe les raifons de toutes ces apparences merveilleufes par les

principes des Mathématiques, & fur-tout de la Géométrie.

Ajoutons que les bons Livres qui traitent de la Phyfique, fuppofent au moins les Elémens de Géométrie : enforte que ceux qui les ignorent font obligés ou de renoncer à la lecture des meilleurs Livres de Physique, ou de paffer les endroits qui font les plus curieux & les plus intereffans.

Mais il n'est pas befoin de m'étendre davantage pour prouver une vérité dont il n'y a prefque perfonne aujourd'hui qui ne tombe d'accord: on fent affez que rien n'eft mieux dans les claffes que de cultiver les Mathématiques, tant pour procurer à l'efprit l'habitude de juger folidement, que pour préparer à la Physique. J'avois oui dire plufieurs fois à quelques Profeffeurs habiles qu'il feroit à fouhaiter que l'on eût dans un même volume un Abrégé d'Arithmétique & d'Algébre avec des Elémens de Géométrie, le tout proportionné aux befoins des Etudians en Philofophie; que parlà on éviteroit deux grands inconvéniens qui fe rencontrent à dicter des cayers de Mathématiques, la perté du tems, c'est-à-dire, près de deux heures par jour employées à écrire des chofes qu'on n'entend point; & les fautes qui fe gliffent fi aifément dans cette matiére, ou un chifre, une lettre, un trait de plume mis pour un autre, déroutent un Commençant dans les chofes les plus faciles, le défolent & l'arrê

tent quelquefois pendant long-tems, fans pouvoir paffer outre.

Ces confidérations fur l'avantage que les jeunes gens pourroient retirer d'un Ouvrage fait dans ce goût, me déterminerent à composer quelques cayers fur cette matiere. Quand ils ont été achevés, je les ai fait voir, à plufieurs perfonnes qui m'ont aidé de leurs conseils, & qui m'ont enfin engagé à les faire imprimer.

On trouvera à la fin de la Géométrie un Traité de Trigonométrie rectiligne, que j'ai ajouté pour faire voir l'utilité de la Géométrie dans la pratique, & pour montrer aux Etudians en Phyfique la maniere dont on mefure la diftance des planetes. Je ne doute pas que malgré mes foins il ne fe trouve plufieurs défauts répandus dans cet Ouvrage. Mais file fond n'eft pas défapprouvé, & qu'on le croie bon l'ufage auquel je le deftine, je m'eftimerai heureux d'avoir contribué en quelque chose à l'inftruction des jeunes Gens.

pour

« AnteriorContinuar »