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"Il n'y a donc perfonne, concluoit le cardinal, qui ait » plus d'intérêt de foutenir l'autorité du concile de Conf»tance, que votre fainteté ; parce que, fi elle eft contesta»ble, vous manquerez de preuves pour montrer la vali» dité de votre élection. » Enfin, il lui dit qu'il n'a pas le pouvoir de diffoudre le concile, parce que le concile de Conftance a décidé, dit-il, que le pape même étoit obligé d'obéir aux décrets d'un concile général dans les chofes qui regardent la foi, l'extinction d'un fchifme, & la réformation de l'église dans fon chef & dans fes membres: or, ajoute-t-il, le pouvoir de condamner & de punir les rebelles, eft un figne évident de fupériorité ; être obligé au contraire d'obéir, eft une marque claire d'infériorité : donc, parune conféquence néceffaire, le concile eft fupérieur au pape dans ces trois cas, & le pape eft obligé de s'y foumettre dans ces mêmes cas. Jean XXIII a été déposé pour un de ces cas, à caufe du déréglement de fes mœurs. Benoît XIII a été déposé pour éteindre le fchifme. Or, s'il eft vrai que le pape foit inférieur au concile en ces trois cas, comment pourroit-il rompre, de fon autorité privée, un concile qui aura été affemblé, ou pour l'établiffement de la foi, ou pour l'extinction du schisme, ou pour la réforme de l'églife, comme l'ont été les conciles de Conftance, de Sienne & de Bâle ? Cependant le pape Martin V a approuvé ce décret du concile de Conftance; Eugene l'a auffi reçu: donc il n'a pu en ordonner la diffolution. Voilà à quoi fe réduit le raifonnement du cardinal Julien, qui auroit tenu un autre langage au pape, s'il eût eu plus d'égard au rang qu'il avoit parmi les cardinaux, qu'à la vérité, il prie le pape d'excufer la liberté qu'il fe donnoit de lui parler ainfi; & il l'affure qu'elle ne procédoit que d'une fincérité vraiment chrétienne, & d'une intention pure & droite. Après ces excufes il conclut ainfi : « Je l'ai dit fouvent, je le dis encore, & je le » protefte devant Dieu & devant les hommes, que fi vo» tre fainteté ne change pas de confeil & de deffein, elle fera caufe d'un fchifme, & d'une infinité de maux qui affli. » geront l'églife. »

XIV. Réponse y

Les pères du concile entrèrent dans les vues du cardinal Julien, & fecondèrent avec plaifir fes bonnes intentions, nodale du comme il paroît par la réponse fynodale qu'ils firent aux légats du pape Eugene, dans laquelle, après avoir déclaré égats du pa

concile aux

pe Eugene.

AN. 1432.

que la diffolution du concile de Bâle fcandaliferoit toute Conc. P. Lab. l'églife, & après avoir prié le fouverain pontife de ne point. 1.XII. p. 673. attrifter le Saint-Efprit, mais plutôt de fe joindre comme un

Conc, Labbe,

bon père à l'églife catholique, que le concile repréfentoit, ils répondent aux raifons que les légats avoient alléguées, pour perfuader la diffolution: & comme elles fe réduifoient toutes à établir l'autorité du pape fur le concile, les pères de Bâle s'attachent à relever l'autorité du concile fur le pape. Voici le principe qu'ils établifient d'abord, que, quoiqu'ils reconnoiffent le pape comme chef de l'églife, il eft néanmoins obligé d'obéir aux conciles généraux, légitimement établis & affemblés, dans les chofes qui regardent la foi, l'extinction du fchifme, & la réforme de l'églife, fuivant le décret du concile de Conftance. Ce principe pofé, voici quelles font leurs preuves.

I. Perfonne ne peut contefter l'autorité de l'églife, & que tout ce qu'elle reçoit ne doive être également reçu par tous les fidelles, comme l'enfeigne fi fouvent Saint Augustin : Je ne croirois point, dit-il, à l'évangile, fi je n'y étois engagé par l'autorité de l'églife. Qu'elle foit infaillible & exempte d'erreur, ce font des principes certains. Or, cette infaillibilité ne convient qu'à l'églife feule, par un privilége fpécial, qui n'a pas été accordé aux anges, puifqu'ils ont péché; ni à nos premiers pères, qui ont été prévaricateurs ; ni aux papes mêmes, puifqu'il y en a qui ont erré dans la foi. Il n'y a donc que l'églife qui puiffe faire des lois qui obligent univerfellement tous les fidelles.

II. Les conciles généraux font d'une autorité égale à celle *.XII. p. 673• de l'églife. Le concile de Conftance a décidé expreffément, qu'un concile général, légitimement affemblé, représente l'églife catholique, & tient fa puiffance immédiatement de Jefus-Chrift; &: Martin V a dit dans une de fes lettres, que ce qui a été dit dans le concile de Conftance, de l'autorité de l'églife, doit être appliqué au concile général qui la repréfente; parce qu'autrement la repréfentation ne croit pas fidelle, fi le concile qui repréfente, n'avoit pas la même autorité que l'églife qui eft repréfentée. D'où il fuir que les conciles généraux font infaillibles, puifqu'ils font l'églife même. Quand les autres preuves manqueroient, ajoute-t-on, celle-ci feule fuffiroit pour établir l'autorité des conciles généraux.

III.

AN 1432.

Ibid.

673.

III. Quoiqu'il foit vrai que le pape foit le chef miniftériel de l'églife, pour parler avec les pères du concile de Bale, il n'eft pas cependant au-deffus de tout ce corps mystique; la raison, l'expérience & l'autorité nous font voir le contraire. La raifon, car ce corps myftique, qui eft l'églife, même fans compter le pape, ne peut pas errer dans les chofes de foi. L'expérience auffi a fouvent fait voir que le pape, quoique chef de ce corps, a crré, & que ce corps ayant toujours perfévéré dans fon infaillibilité, a condamné & dépofé des papes convaincus d'erreur dans la foi & dans les mœurs; & qu'au contraire le pape n'a Conc. Labbe, jamais condamné, ou excommunié, ou dépofé le refte om. x. p. du corps de l'églife. Ainfi quoique le pape & l'églife aient reçu le pouvoir de lier & de délier, le pape toutefois n'a jamais exercé ce pouvoir contre l'églife; mais l'église l'a quelquefois exercé contre le pape. L'autorité enfin nous prouve la même chofe: car ces paroles de Jefus-Chrift dans l'évangile: Si votre frère a péché contre vous, dites-le à l'égli- Matth. 18: fe, & s'il n'écoute pas l'églife même, qu'il foit à votre égard comme un Payen & un Publicain, comprennent tous les hommes, faint Pierre auffi bien que fes fucceffeurs. Que Galat, caps faint Pierre ait été compris dans ces paroles, faint Paul nous en fournit une preuve évidente, lorfqu'il réfifta en face à cet Apôtre devant tout le monde, parce qu'il étoit, dit-il, repréhenfible. Or, qu'a-t-il fait autre chofe, en réfiftant à faint Pierre, en préfence de tout le peuple, que découvrir fa faute à toute l'églife? Que fes fucceffeurs y foient compris auffi, il eft aife de le prouver par les exemples des papes Anaftafe & Libere, qui furent regardés par route l'églife de Rome, comme des papes dans l'erreur; par la conduite du concile de Conftance, qui a déclaré que les crimes des papes contre la foi, leur fchifme, & le déréglement de leurs mœurs, peuvent être déclarés à l'églife, & qu'ils font tenus de fe foumettre à fes décifions. Que fi par opiniâtreté ils refufent d'y obéir, ils peuvent être condamnés à une pénitence proportionnée, & l'on peut recourir à d'autres remèdes marqués dans le droit; par conféquent on peut les excommunier. Cela étant, ils feront regardés comme des hérétiques & des Pu

&

&

blicains.

Le lettre ajoute: le pape fe plaint que nous ayons ap- Ibid.

Tome XV.

B

AN. 1432.

673.

pelé les Bohémiens au concile : on ne l'a pu faire, dit-il, Conc. Labbe, fans offenfer le concile de Constance qui les a condamnés. tom. XII. p. On répond: dans quel décret de ce concile avez-vous lu, que l'églife ne doive pas appeler les Bohémiens pour les inftruire? Nous ne fommes pas furpris, continue-t-on, fi l'on a pris occafion des termes dont s'est servi notre orateur, lorsqu'il a invité les Bohémiens au concile, pour avoir un prétexte de diffoudre le concile même, puifque l'on a fait un pareil ufage des lettres que nous avons écrites, quelque ménagées qu'elles fuffent. Plût-à Dieu que, pour l'honneur du fouverain pontife, il n'eût pas inféré cette raison dans fes lettres, qu'une femblable convocation des Bohémiens eft injurieuse au faint fiége, aux conciles, aux décrets des faints pères & aux lois de l'églife! Mais fi le pape défapprouve l'audience qu'on accorde aux Bohémiens, pourquoi ne veut-il pas qu'on agiffe de même avec les Grecs; puifque les uns & les autres font féparés de l'unité de l'églife? Si le concile eft indiqué à Boulogne pour les Grecs; pourquoi les Bohémiens n'auront-ils pas le même avantage à l'égard du concile de Bâle? Leur héréfie n'eft-elle pas plus dangereufe; & n'eft-ce pas une raison qui nous oblige à nous y appliquer plus fortement ? La même lettre montre enfuite l'importance d'écouter les Bohémiens; les conféquences facheufes pour l'églife, fi on leur refufoit une audience; la conduite qu'on y tiendra, n'ayant d'autre vue que de les inftruire & les convertir, s'il eft poffible: & que cette conduite a été pratiquée par beaucoup de pères & de docteurs de l'églife, dans tous les fiècles. Elle conjure en finiffant & fupplie le pape avec toutes les inftances poffibles, pour le falut de fon ame, & pour la confervation de l'églife, d'adhérer au concile de Bâle, & de ne point penfer à le diffoudre. Cette lettre eft datée de Bâle dans une congrégation générale, le troifième de Septembre.

Les prélats qui étoient allés trouver le pape & les cardinaux de la part du concile, étoient l'évêque de Lauzanne & le doyen d'Utrecht: on les chargea de demander avec inftance au pape Eugene la révocation de fon décret. Ces députés s'acquittèrent de leur commiffion avec beaucoup de fidélité, & l'empereur joignit même fes prières aux leurs; mais ils ne gagnèrent rien encore fur l'efprit d'Eugene. Les députés revinrent fort chagrins du mauvais

fuccès de leur députation; & le concile voyant qu'Euge

ne vouloit toujours maintenir fon décret, & que le concile AN. 1432+ fut diffous, celui-ci, fans avoir égard à ce décret, oppofa fon autorité à la fienne.

XV.

Troisième

Pour cet effet, on tint la troisième feffion dans l'églife cathédrale de Bâle, le vingt-neuvième d'Avril de l'an 143 2. feflion du On commença par le rapport de tout ce que le concile concile de avoit fait, pour fupplier le pape & les cardinaux de venir Bale. Labbe, à Bâle, & y examiner, avec les autres membres affem- concil. tom. blés, les affaires importantes qu'on avoit à y traiter : du xi. p. 479. refus qu'ils avoient toujours fait de s'y rendre, & de l'opiniâtre résistance d'Eugene, qui vouloit absolument que ce concile fût diffous. Après ce rapport on renouvela les décrets du concile de Conftance touchant l'autorité du concile général, que l'on avoit déjà publiés dans la précédente feffion. On fit enfuite un autre décret, par lequel le présent concile légitimement affemblé, gouverné par le Saint-Efprit, & ayant toute l'autorité d'un concile général, avertit, prie, conjure, & fomme expreffément le pape Eugene de révoquer abfolument & de fait, le décret qu'il avoit donné pour diffoudre le préfent concile; de faire publier fa révocation par tout le monde; & non-feulement de ne pas empêcher, mais même de donner toutes fortes de fe cours pour la tenue & la liberté du concile; & de s'y trouver en perfonne dans trois mois, fi fa fanté le lui permettoit, ou du moins d'y envoyer des perfonnes qui euffent un plein pouvoir d'agir en fon nom : & en cas qu'il négligeât de le faire, le concile protefte qu'il pourvoira aux néceffités de l'église, felon que le Saint-Esprit lui dictera, & qu'il procédera par les voies de droit. Il exhorte aufii & avertit les cardinaux de fe trouver au concile dans le même terme de trois mois, à l'exception de ceux qui avoient quelque empêchement canonique, & du cardinal de SainteCroix qui étoit médiateur de la paix entre les rois de France & d'Angleterre : mais à l'égard des cardinaux de Plaifance, de Foix, & de Saint-Euftache, qui étoient plus près du concile, il reftreint le terme à deux mois. Enfin, on ordonne à tous les prélats de publier ce décret, de le notifier au pape, fi cela fe peut, & de le faire afficher; & le concile déclare que, dès qu'il aura été lu, publié & affiché à la porte de l'église de Bâle, il fera cenfé fignifié au pape.

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