abattit quelques maisons qui rendoient le paffage du pont AN. 1450. trop étroit.

remarqua.

Boët. l. 18.

XXVII. Le pape reçut beaucoup de perfonnes d'une grande conPerfonnes fidération, qui vinrent à Rome par un motif de piété pour Bles qui vien participer aux indulgences. On compte entre autres Jacques nent en pé archevêque & électeur de Trèves, qui obtint du fouverain lerinage à pontife la permiffion de fonder une univerfité à Trèves; Rome. Conrad évêque de Metz, & Guillaume comte de Duglas, Buch. 1. 11. feigneur d'Ecoffe, qui ayant été accufé en fon abfence d'avoir voulu fe rendre maître du royaume, fut obligé de s'en retourner promptement dans fon pays pour fe juftifier; mais il le fit avec tant de hauteur, que quelques hiftoriens difent que le roi le tua de fa propre main ; & d'autres qu'il lui fit trancher la tête. Quoi qu'il en foit, fa mort fut caufe d'une guerre civile, que le roi ne termina que par les confeils & la fageffe de Jacques évêque de Saint-André, qui l'aida à ranger les rebelles à leur devoir. On vit auffi à Rome le comte de Cilley en Styrie, fur les confins de la Carniole, qui fit ce voyage, quoiqu'il fut âgé de quatreEn. Sylv. vingt-dix ans. Ce prince avoir toutes fortes de vices: il de Europ. c. étoit cruel, impudique, voleur, impie, & faifoit peu de

21.

Canonifation

cas de la religion; il revint de Rome comme il y étoit allé, & mourut en vrai Sardanaple, c'eft-à-dire de la même manière qu'il avoit vécu.

Le grand nombre & l'éclat des miracles qui s'opéroient au tombeau de Bernardin de Sienne, mort le vingtième de Mai de l'an 1444, réunirent tous les habitans de la ville de Sienne, avec ceux d'Aquila où il étoit décédé, pour demander fa canonifation. On en avoit commencé les informations dès le temps du pape Eugene IV, qui avoit été témoin de beaucoup de faintes actions de Bernardin à FerraXXVIII. re, à Florence & à Rome. Nicolas V fit continuer les prode S. Bernar- cédures par les foins du bienheureux Jean de Capistran, avec din de Sien- tant de diligence, qu'ayant été terminées à la fin de 1449, ce pape célébra folennellement fa canonifation le jour même de la Pentecôte vingt-cinquième de Mai de cette année 1450, & l'on en fit la fête le treizième Juin fuivant. L'année d'après, le pape ayant appris que les habitans d'Aquila s'obstinoient à ne vouloir pas rendre le corps de ce faint que l'on confervoit dans le monaftère des religieux conventuels de faint François, il en accorda au moins la garde & la

112.

Bull, to. 2. Nicol. V. confi. 2.

difpofition aux Obfervatins, qui le regardoient comme leur fecond inftituteur & leur patron fingulier, jufqu'à ce qu'ils lui euffent bâti une églife qui fut achevée vingt ans après: & l'on y tranfporta le corps du faint le dix-feptième de Mai, fous le pape Sixte IV. Neuf ans après il fut mis dans une châffe d'argent que Louis XI, roi de France, donna pour marque de fa vénération envers le faint.

AN. 1450.

Jean de Capistran, dont on vient de parler, étoit alors XXIX. Eneas Sylvicaire général des Cordeliers. Le pape l'envoya cette an- vius eft fait née en Allemagne, à la perfuafion d'Æneas Sylvius, afin évêque de d'y rétablir la règle de faint François dans fa première vi- Sienne. gueur. L'empereur Frederic envoya Enée lui-même en qualité d'ambaffadeur auprès d'Alphonfe roi d'Aragon, à l'occafion du mariage qu'il avoit deffein de contracter avec Eleonore fœur du roi de Portugal, & nièce d'Alphonfe par fa fœur. Ce mariage ayant été arrêté, Enée le déclara au pape fur la fin du jubilé en plein confiftoire, & affura fa fainteté que dans l'année fuivante l'empereur comptoit de venir à Rome pour y recevoir la couronne. Il demanda auffi au pape, de la part de cet empereur, que le concile qu'on devoit tenir en France, fût plutôt convoqué en Allemagne. Le même Enée fut fait enfuite évêque de Sienne fa patrie.

XXX. Bulles du

contre les

Comme on délibéroit alors fur les mefures qu'il falloit prendre pour envoyer du fecours à Demetrius Paleologue pape Nicolas prince du Péloponèfe, & frère de Conftantin empereur en faveur des de Conftantinople, & à Scanderberg duc d'Albanie, qui chrétiens étoient en guerre avec les Turcs, & qui s'étoient adreffés Turcs. particulièrement au pape, à Alphonse & aux Vénitiens; le Mariana, , L. fouverain pontife, afin qu'on trouvât moins d'obftacles à la 22. c. 10. guerre qu'on alloit entreprendre contre les infidelles, renouvella le vingt-troifième d'Août de cette année les bulles de fes prédéceffeurs, contre ceux qui fourniroient aux Turcs des armes, du bois, des chevaux, & autres chofes dont ces ennemis du nom chrétien pourroient se fervir contre les fidelles, & contre ceux qui leur donneroient du fecours en quelque manière que ce fût.

Le pape Nicolas, qui avoit rétabli le cardinal d'Arles dans toutes fes dignités, lorfqu'Amedée fit fa ceffion, pour lui donner des marques authentiques de fa confiance & de fon eftime, le fit légat du faint fiége dans la baffe Allemagne.

dans la bafle

Allemagne.

Ce ne fut pas fans beaucoup d'obftacles que ce cardinal exéAN. 1450 cuta fa commiffion: on lui dreffa des embûches dans fon XXXI. Le cardinal chemin, on exerça fur lui & fur les gens de fa fuite plufieurs d'Arles légat hoftilités, on pilla fouvent fon bagage; & les contradictions qu'il rencontra au rétablissement de la bonne discipline, ne furent pas les moindres peines qu'il eut à fouffrir. Mais Dieu le garantit de tous les dangers où il fe vit expofé dans cette difficile légation, & il revint heureusement à Arles dans cette année. Il y travailla avec plus d'ardeur que jamais, à réformer les mœurs de fon peuple, & à rendre l'état de fon église floriffant. Il fit de grandes aumônes aux pauvres, qui le regardoient comme leur père: il bâtit ou entretint divers hôpitaux, & il ne faifoit point de difficulté d'y aller fervir lui-même les pauvres. Enfin étant à Salon, ville de fon diocèse, entre Arles & Aix, il tomba malade, & prévit que Dieu vouloit le retirer de ce monde. Il fe prépara à ce paffage par le renouvellement de fa pénitence, pour mourir comme il avoit vécu; il demanda avec empreffement le facrement de l'extrême-onction ; & après l'avoir reçu avec de grands fentimens de piété, il expira tranquillement le feizième de Septembre de l'an 1450, âgé d'environ foixante ans.

XXXII.

cardinal.

Quelques auteurs ont prétendu qu'il étoit mort dans Mort de ce l'abbaye de Haute-Combe en Savoie, qui n'étoit pas fort loin du lieu de fa naiffance. D'autres veulent que ç'ait été dans un autre lieu de Savoie près du lac de Genève, & qu'il ait été enterré d'abord à Lausanne. Mais tous conviennent que fon corps fut transféré, très-peu de temps après fa mort, dans l'église cathédrale d'Arles ; il y a beaucoup de vraisemblance que cette tranflation fe fit de Salon. L'opinion que l'on avoit eue de fa fainteté dès fon vivant, s'accrut après fa mort, au bruit qui fe répandit des miracles que Dieu opéroit à fon tombeau. Ils firent tant d'éclat, que les partifans des conciles de Ferrare & de Florence, & du feu pape Eugene, en demeurèrent fort interdits : & ceux qui firent difLe pape Cle- ficulté de fe rendre d'abord à la voix publique des peuples, ment VII le ne purent enfin réfifter à l'autorité du fiége apoftolique ; déclare bien- car le pape Clement VII le déclara bienheureux avec le car

XXXIII.

keureux.

dinal Pierre de Luxembourg. Dans la bulle de leur béatification, qu'il publia le neuvième d'Avril de l'an 1527, il témoigne que les peuples invoquoient depuis long-temps le

bienheureux Louis Aleman comme un puiffant interceffeur auprès de Dieu.

Ce témoignage ne s'accorde guère avec celui que le pape Eugene rendit de ce cardinal, lorsqu'il fulmina une bulle d'excommunication contre lui; & que le regardant comme le principal auteur & l'unique appui du fchifme & de l'élection de l'antipape Felix, il ne fait point difficulté de le qualifier enfant de perdition, nourriffon de l'iniquité, qui, pour fa rebellion & pour divers crimes dont il étoit coupable, avoit déjà été condamné par les conciles de Ferrare & de Florence, dégradé & privé de toutes fes dignités.

AN. 1450.

Juftification

Bâle.

de

Si les défenfeurs du pape Eugene fuppofent que le cardi- XXXIV. nal d'Arles a fait pénitence des excès qu'on lui attribue, c'eft de fa condui une fiction qui n'a été imaginée que pour adoucir le chagrin te dans le d'une palinodie mortifiante, à laquelle fe font trouvés ré- concile duits ceux qui, après avoir eu la témérité de le déchirer comme un fcélérat, un rebelle, un perfide, un auteur de fchifme, prédicateur de l'hérésie, ont été contraints d'acquiefcer aux témoignages visibles que Dieu a rendus de fa fainteté aux hommes. Perfonne n'a encore pu produire aucune preuve du repentir de tant de crimes qu'on lui impute, & il paroît au contraire qu'il avoit toujours perfévéré dans les mêmes fentimens; puisque quand les pères du concile de Bâle où il préfidoit, fe réunirent à Laufanne au pape Nicolas V, ce ne fut point en reconnoiffant qu'ils euffent mal fait, ni de résister à Eugene, ni de le déposer, ni d'élire Amedée ce fut au contraire en proteftant qu'ils n'avoient rien fait que pour le bien de l'églife. Ils déclarèrent qu'ils ne s'uniffoient à Nicolas V, qu'en l'élifant de nouveau après la ceffion volontaire de Felix V. Et l'union fe fit fans qu'on les obligeât à rien défavouer de tout ce qu'ils avoient fait. D'un Saints de M. Baillet au autre côté, Nicolas V confirma ce qui avoit été fait à Bâle, 16 de Sep& témoigna approuver toute la conduite que le cardinal tembre. d'Arles y avoit tenue, par la manière dont il voulut honorer fon mérite & fa vertu.

Vies des

XXXV. Prife de Honfleur par

Après que le roi de France fe fut rendu maître de Harfleur, qui capitula le premier de Janvier de cette année, & dont le gouvernement fut donné au comte de Dunois; ce le comte de feigneur eut ordre d'aller affiéger Honfleur, qui, quoique Dunois, compris dans la capitulation de Rouen, n'avoit point été rendu, à caufe de la réfiftance du gouverneur nommé

Jean Char

Courfon, qui s'y étoit renfermé avec quatre cents Anglois AN. 1459. bien réfolu de fe défendre; on y mit le fiége le dixième de tier, hifl. de Janvier. Renaud Guillaume Bourguignon, bailli de MonCharles VII. targis, y fut tué avec beaucoup d'autres; mais les Anglois furent enfin obligés de fe rendre le dix-huitième de Février, ne pouvant cípérer aucun feccurs du duc de Sommerfet, qui n'avoit pas affez de forces pour ofer rifquer une bataille, & qui n'ofoit quitter la ville de Caen où il s'étoit retiré, de peur que les François ne s'en emparaffent. Le roi pendant Jean Char- ce fiége étoit dans l'abbaye de Jumièges, ordre de faint BeCharles VII. noît, à cinq lieues au-deffous de la ville de Rouen fur la ri

tier, hift. de

XXXVI.

de Beauté.

vière de Seine: & ce fut là où il perdit une demoiselle qu'il aimoit dans toutes les bornes de l'honnêteté, felon Chartier. Elle fe nommoit Agnès Soreau.

Elle étoit née à Fromenteau, village de Touraine, dans Mort d'Agnés le diocèfe de Bourges, & étoit dame de ce lieu. Le roi CharSoreau,dame les VII, qui l'avoit connue lorsqu'elle étoit au service de la reine, auprès de laquelle elle demeura environ cinq ans, lui fit beaucoup de bien, & lui donna le château de Beauté fur Marne. Agnès reprochoit fouvent au roi fon indolence; & pour l'animer contre les Anglois, elle l'affura qu'un aftrologue lui avoit prédit que le plus grand roi du monde l'honoreroit de fon amitié; mais que cette prédiction ne le regardoit point, puifqu'il négligeoit de s'étaMonftrelet. blir dans un état que fes ennemis avoient ufurpé; & que, Du Haillan. pour l'accomplir, elle fe verroit obligée de paffer à la cour La chronique du roi d'Angleterre. Ces reproches touchèrent le roi, qui fir Charles prit les armes, & fe mit en état de chaffer les Anglois du

de S. Denys,

royaume.

Agnès fut attaquée d'une dyffenterie, dont elle mourut le jeudi neuvième de Février fur les fix heures du foir dans le château du Ménil, à un quart de lieue de Jumièges; & non pas à Jumièges, comme beaucoup d'auteurs l'ont écrit. Elle étoit encore jeune, n'ayant que quarante ans. On mit fon cœur & fes entrailles à Jumièges, & fon corps fut porté au château de Loches où elle fut enterrée au milieu du chœur de l'églife collégiale de Notre-Dame, fous une tombe de marbre noir. Sa figure y eft en marbre blanc avec des anges qui tiennent un carreau fur lequel elle repofe fa tère, & deux agneaux à fes pieds. Elle avoit fait de grands biens à cette églife.

Le