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AN. 1450.

XLXVIII.
Siége de la

bourg.

let, auquel jour on commença à capituler. Les Anglois convinrent de rendre au roi la ville & le château le vingtunième du même mois, s'ils n'étoient pas fecourus jufqu'à ce temps-là. Et parce que le roi d'Angleterre avoit donné en propre la ville de Falaite au général Talbot, & que les François le retenoient prifonnier dans le château de Dreux, à caufe que le gouverneur de Honfleur avoit refufé de rendre cette place fuivant le traité de Rouen, on promit de rendre la liberté à ce général. Outre cela les Anglois devoient auffi fe retirer en Angleterre. Toutes ces conditions furent acceptées, & le roi, devenu maître de Falaife, en donna le gouvernement à Saintrailles.

Deux jours après, c'est-à-dire le vingt-troisième de Juilville de Cher. let, le roi fit affiéger Domfront, qui fe rendit le deuxième du mois d'Août, aux mêmes conditions que Falaife & Caen, Il ne reftoit plus que Cherbourg: le connétable en poussa le fiége avec vigueur; mais comme la place étoit très-forte, il employa toute fon artillerie, & fit jouer plufieurs mines, afin d'obliger la garnifon de fe rendre. Coitivi amiral de France y fut tué d'un coup de canon, & Tudual bailli de Troyes d'un coup de coulevrine: ces deux excellens officiers furent fort regrettés. On avoit fi bien dreffé les batteries fur la grève, que la marée qui montoit deux fois le jour, ne pouvoit leur caufer aucun dommage. Les Anglois qui ne croyoient pas qu'on pût jamais attaquer la ville de ce côté-là, en furent tellement furpris, qu'ils enJean Char- trèrent en compofition. Thomas Gouel, qui commandoit tier, Hiftoire de Charles dans cette place, donna son fils en ôtage avec le général VII en cette Talbot pendant la capitulation, dont l'un des articles fut

année.

XLIX. Mort de

qu'on lui rendroit ce fils: ce qui fut exécuté. Enfuite de quoi ce gouverneur remit la place au roi le vingt-deuxième d'Août. Le gouvernement en fut donné au fieur de Beuil, que le roi honora en même-temps de la charge d'amiral de France, vacante par la mort de Coitivi. Par la prise de cette ville, le roi acheva la conquête de toute la Normandie dans l'efpace d'un an ; & ce prince, pour en conferver la mémoire, ordonna qu'on feroit des proceffions générales dans le mois de Septembre; & dans la fuite tous les ans à pareil jour que Cherbourg fut rendu; on obferve encore çet ufage à Rouen.

La joie que reffentoit le roi Charles VII de ces heureux

fuccède.

11. c. 3.

fuccès, fut un peu diminuée par la perte qu'il fit cette année d'un prince qui avoit toujours été très-affectionné AN. 1449. François duc à la France, & qui en avoit donné des preuves réelles dans de Bretagne. la conquête de la Normandie; c'étoit François duc de Bre- Son frere tagne, qui mourut d'hydropifie le famedi dix-feptième de Pierre lui Juillet, dans le château de l'Hermine près de Vannes. Il Monfirelet, étoit né l'onzième de Mai 1414, & n'eut qu'un fils qui mou- vol. 3. rut jeune ainfi ne laiffant point d'héritier, Pierre II fon Argentré, 1 frère lui fuccéda, fuivant le règlement fait par Jean duc de Bretagne furnommé le Vaillant, qui excluoit les filles de la fucceffion du duché, lorsqu'il y auroit des mâles defcendus en ligne directe de la maison de Bretagne : ainfi les deux filles que laiffoit François, étoient exclues du gouvernement par cette loi. Son grand attachement à la France fut Voyez plus caufe qu'il facrifia fon frère Gilles, parce qu'on lui perfua- haut liv. 109. da que ce frère qui avoit demeuré long-temps en Angle. ". 133. terre, & qui étoit fort aimé de Henri, entretenoit avec les Anglois des liaisons préjudiciables à la France. Les deux plus puiffans ennemis qui furent caufe de la perte de cet infortuné, étoient Jacques d'Epinai évêque de Saint-Malo, & depuis évêque de Rennes; & Artur de Montauban, frère puîné du feigneur de Montauban. On dit qu'Artur fe repentant de ce qu'il avoit fait, fe fit religieux Célestin dans le couvent de Paris: & qu'enfuite Louis XI le fit archevêque de Bourdeaux, peut-être en confidération de fon frère qui devint amiral de France.

L.

Le roi fe

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Ce n'étoit pas affez au roi de France d'avoir chaffe les Anglois de la Normandie, il falloit encore leur enlever toutes les places qu'ils poffédoient dans la Guienne, Bour- rend Tours, & y aflemble deaux, Blaye, Acqs, Fronfac, Bergerac & beaucoup les grands du d'autres. Ce fut pour cela qu'il fe rendit à Tours dans le royaume. mois de Septembre, où il affembla les perfonnes les plus confidérables par leur naissance, afin de prendre de juftes mefures pour la conquête de la Guienne. Là il fut délibéré, qu'après avoir pris toutes les précautions néceffaires pour la confervation de la Normandie, dont on avoit confié le foin au comte de Richemont connétable, & au fénéchal de Brezé, on enverroit en Guienne le comte de Penthievre & de Perigord vicomte de Limoges auquel on joindroit Charles de Culan, feigneur de Jalognes & maréchal de France, Poton Saintrailies bailli de Berri, Geof

AN. 1450.

LI.

froi, Saint-Belin, Joachim Rouaut, Pierre de Louvain & plufieurs autres feigneurs, avec cinq ou fix cents lances & leurs archers, avec ordre de faire obferver exactement la difcipline militaire, & de ne fe point rendre odieux aux gens du pays.

Ces feigneurs partirent donc pour la Guienne, & comLe roi en mencèrent la campagne par le fiége de Bergerac, qui fe ren voie une ar- dit par compofition dans le mois d'Octobre : on en fit le

mée en

Guienne.

maréchal de Culan gouverneur. Enfuite on prit d'affaut le château de Jonfac fur la Dordogne, dont on fit la garnifon prifonnière. L'armée fe partagea après cette expédi tion: une partie alla affiéger Montferrand, dont le gouver neur fe rendit prifonnier ; de-là elle alla à Sainte-Foi, qui fe rendit à Chalais aux mêmes conditions. L'argent pour payer les troupes étant venu alors à manque, on en fit des plaintes au roi, qui fit arrêter prifonnier Jean de Xain, coins receveur général des finances & un de fes commis nommé Jacques Chartier. Il furent convaincus tous deuxde malverfation, & d'avoir détourné les deniers du roi à leur profit. On vouloit les punir felon la rigueur des lois ; On punit un mais le roi, plus porté à la clémence qu'à la févérité, fe contenta de confifquer leurs biens immeubles, & de taxer Xaincoins à foixante mille écus d'or qui fervirent à payer l'armée; ce qui étoit bien peu de chofe en comparaifon de tout ce qu'il avoit pillé & dérobé, comme il en convint de fon propre aveu.

LII.

receveur des

finances de fes malver fations.

Le dernier jour d'Octobre veille de la Touffaints, le feigneur d'Orval, troisième fils du comte d'Albret, fe rendit à Bazas avec beaucoup d'autres, d'où s'étant répandus dans le pays du Bourdelois jufqu'au nombre de quatre à cinq cents hommes, ils s'avancèrent jufqu'à Bourdeaux pour faire des courfes dans l'île de Medoc. Le lendemain étant tout prêts d'entrer dans cette île, ils apprirent qu'un corps de neuf mille Anglois & Bourdelois s'étoient mis en campagne pour les chercher. Sur cette nouvelle, le feigneur d'Orval mit fes gens en bataille, attendit l'ennemi de pied ferme, & l'on en vint aux mains. Les François, quoique de beaucoup inférieurs en nombre, fe batti rent avec tant de valeur, qu'ils laissèrent fur la place environ dix-huit cents de leurs ennemis, & firent plus de douze cents prifonniers. Ce fut la dernière action de cette

année, parce que l'hiver approchoit, & qu'il étoit temps de AN. 1450. laiffer repofer les troupes. L'année finit par l'hommage que

hommage au

Pierre nouveau duc de Bretagne vint faire au roi le troi- LIII. fième de Novembre. Il fit le ferment, non pas en qualité Le nouveau d'homme-lige, mais feulement en la manière que fes pré- duc de Bredéceffeurs l'avoient fait : au lieu qu'à l'égard du comté de tagne rend Montfort, dont il rendit auffi hommage, il ne fit point diffi- roi. culté de le faire lige; c'est-à-dire qu'il renfermoit l'obligation de faire le fervice au roi fur fon mandement, & envers tous & contre tous, fous peine de félonie & de confifcation du fief.

LIV.

Mort de

Bavière.

Henri duc de Bavière, dit le Riche, fils de Frederic de Landshut, mourut cette année, & laiffa fes états à fon fils Louis, dont on loue beaucoup l'obéiffance & la foumiffion Henri duc de envers fon père, quoiqu'il lui eût été très-févère, jufqu'à le Trith. Chron. priver à l'âge de trente ans des chofes les plus néceffaires à Sphan. ann. fa condition. Quand fes ennemis lui confeilloient d'aban- 1445. donner fon père, & de se retirer secrétement en Autriche chez fon oncle Albert, fa réponse étoit qu'il ne quitteroit jamais celui qui lui avoit donné la vie, & qu'il ne l'offenferoit jamais, tant qu'il fauroit faire ufage de fa raison. Il ne fut pas cependant fi prudent ni fi fage, quand après avoir fait fa paix avec le marquis de Brandebourg, à condition que ce marquis lui remettroit les édits que l'empereur avoit portés contre lui, il les reçut, & les déchira publiquement, Cette action irrita tellement l'empereur qu'il le déclara criminel de lèfe-majefté, rompit le traité fait avec le marquis, & excita les autres princes contre lui, qui ne cefsèrent de le perfécuter qu'après l'avoir entièrement accablé.

res ducs de

L'accord fait cette année, entre les deux frères Frederic LV. & Guillaume de Saxe, fut plus heureux. Ces princes, après Accord entre s'être fait long-temps la guerre pour la fucceffion de leur les deux frèpère, étoient encore animés à la prolonger par de lâches Saxe. courtisans qui y trouvoient leur intérêt mais Frederic An. Sylv. de Eur. c. 31. voulant profiter de l'absence de celui qui en étoit le principal moteur, & que le jubilé avoit attiré à Rome, fit prier fon frère de le venir trouver: afin de s'accommoder enfemble & de faire la paix. Guillaume monta auffitôt à cheval, pour se rendre à l'invitation de fon aîné, malgré les inftances que fes confeillers firent pour l'en empêcher : l'as

furant que cette démarche de fon frère n'étoit point fincère AN. 1451. & que c'étoit un piège qu'on lui tendoit pour le faire périr. « Je mourrai volontiers, lui répondit-il, quand je vous » aurai vu tués, vous qui vous plaifez à femer à entretenir » la divifion parmi des frères.» Sa démarche eut un heureux fuccès: les deux frères s'accordèrent, devinrent bons amis, & s'unirent pour exterminer les auteurs de leurs difcordes & de leurs divifions.

LVI. L'empereur

refufe aux

avoient élu

roi,

Les Bohémiens ayant élu pour leur roi le jeune Ladiflas, qui étoit déjà roi de Hongrie, prefsèrent l'empereur FredeBohemiens, ric de le leur envoyer; il avoit alors près de douze ans': Ladifasqu'ils mais à cet âge n'étant pas encore capable de gouverner par lui-même, & de plus l'empereur n'ofant pas confier ce jeune prince à des peuples auffi légers & auffi inconftans qu'étoient les Bohémiens, il ne fe rendit point à leurs inftances, & refufa toujours conftamment de leur envoyer Ladiflas. Ce refus irrita tellement les Bohémiens, qui favoient que fa majesté impériale devoit mener leur roi en Italie pour affifter à fon couronnement, qu'ils convoquèrent une affemblée dans le deffein d'élire un autre roi. Cette réfolution inquiéta l'empereur; il leur envoya des ambaffadeurs, qui furent Æneas Sylvius alors évêque de SienAn. Sylvius. kift. Boh. c. ne, & Procope Robeftin chevalier de Bohême. Le pre58. & epift. mier les harangua en latin, & juftifia fi folidement la conduite de l'empereur, en gardant le jeune Ladiflas auprès de lui, que non-feulement les Bohémiens fe rendirent à fes raifons, mais encore ils convinrent entre eux d'envoyer quelque jeunes gentilshommes de Bohème pour accompagner Frederic en Italie, pour former la cour de leur jeune roi.

130.

tes.

LVII.

Eneas Sylvius fit une relation du voyage qu'il avoit fait Defcription en Bohème, qu'il adreffa au cardinal Carvajal, qui y avoit qu'Æneas Sylvius fait été légat, & dans laquelle il lui raconte les différentes avendes Thabori- tures qui arrivèrent à lui & à fon collégue chez les Thaborites, & qui leur fervirent à mieux connoître le génie & An. Syl. cp les mœurs des Bohémiens. Il mande à ce cardinal, que craignant les voleurs & les embûches fur les chemins, fon. compagnon & lui aimèrent mieux fe fier aux Thaborites, plus rufés à la vérité que les autres, mais moins cruels: ce qui fit tant de plaifir à ces fectaires, qu'ils leur jurèrent fidélité, & promirent qu'on ne leur feroit aucun mal, Rien

130.

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