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AN. 1457.

toit parler à un fourd, qui n'étoit occupé que de la chaffe, où il avoit pensé périr depuis peu en poursuivant un fan- du fecours glier. Il lui étoit toutefois facile d'accorder le fecours qu'on aux Honlui demandoit, ayant une flotte toute équipée de plus de rois. Aneas Sylv. trente galères, & de fept grands navires, avec beau- epift. 163. coup d'autres petits bâtimens. Il publioit qu'il partoit avec 266.278.282. cette flotte pour la Catalogne, afin d'en revenir plus fort, & agir enfuite plus efficacement contre les Turcs. Mais les Génois, les Florentins, les Siennois appréhendoient qu'il ne voulût agir contre eux; & la crainte des premiers étoit bien fondée, puifque cette flotte s'empara d'abord d'un navire de Gènes richement chargé, qui venoit de Chio. La république, pour s'en venger, envoya Jean-Philippe de Fiefque avec quatre vaiffeaux pour brûler ceux du roi d'Aragon dans le port de Naples; mais ce deffein fut fans fuccès.

XXIX:

Guerre entre Alfonfe

L'armée navale d'Alfonfe ayant remis à la voile, prit fix navires Génois à la hauteur de Monte-Crecelli. Ces commencemens étoient les préludes d'une plus grande guerre. & les GéLes confédérés, pour en prévenir les fuites, eflayèrent d'ac- nois. commoder le prince avec la république, mais ils n'y trouvèrent aucune difpofition. Alfonfe follicité par les bannis de Gènes, réfolut d'affiéger la capitale de cet état; & quelques propofitions que lui pût faire Perrein Fregoffe qui en étoit alors doge, il ne voulut écouter aucune voie d'accommodement, qu'auparavant Fregofe ne fe démît de l'autorité fouveraine, & ne la remit aux Adornes. Le doge ne fe voyant pas en état de réfifter, fit réfoudre la république à fe mettre fous la protection de Charles VII roi de France, auquel elle remit le château & les autres places importantes. Ce qui caufa dans la fuite une guerre qui dura très-longtemps.

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XXX.

Zèle du pape engager les princes à la guerre contre

Le pape de fon côté ne négligeoit rien pour la défense de la religion contre les Turcs, quoiqu'il ne manquât pas d'affaires en Italie, ayant à s'oppofer aux vexations de Pifcinin & de quelques autres ; il ne laiffa pas d'envoyer en Orient au cardinal d'Aquilée de l'argent & deux galères, les Turcs. pour se joindre aux feize autres que ce cardinal y avoit déjà conduites. Il invita tous les princes chrétiens, & principalement ceux d'Espagne, à fe croifer contre les infidelles. Les rois de Caftille & de Portugal firent publier la croifa

AN. 1457.

Juflification

epifl. 371.

de dans leurs états. Alfonfe roi d'Aragon, pour montrer à tout le monde qu'il s'y difpofoit, employa l'or qui lui venoit de la Guinée nouvellement découverte par fon oncle D. Henrique, à frapper des pièces de monnoie qu'il fit nommer Loz Cruzados, comme qui diroit les croifés. Mais voyant dans la fuire que le roi de Caftille & les autres princes chrétiens ne fe difpofoient pas beaucoup à farisfaire le pape, il fuivit leur exemple, y étant affez naturellement porté, & tourna fes armes contre les Maures d'Afrique.

XXXI. Pendant que le fouverain pontife s'employoit avec tant dupapefurles de zèle, & toutefois fi peu efficacement, à arrêter les proplaintes des grès des Turcs, les Allemands continuoient à fe plaindre Allemands, avec beaucoup d'amertume: 1. qu'il les opprimoit ea Eneas.Sylv. exigeant beaucoup plus d'argent qu'il ne devoit, fous prétexte de pourvoir aux frais de la guerre fainte. 2. Que le concordat étoit violé dans les élections des évêques & des abbés, & dans les réferves des bénéfices. Le pape chargea Æneas Sylvius de répondre à l'empereur fur ces plaintes, ce qu'il fit. Sa lettre eft du trente-unième Août.

XXXII.

aux plaintes

des Allemands.

Sur le premier article il dit, que le fouverain pontife Aneas Syl- n'a rien exigé ni demandé en fon nom, que les annates font vius répond dues d'un droit fort ancien : qu'il étoit vrai que le pape n'avoit pas refufé l'argent qui lui avoit été donné pour les frais de la guerre contre les Turcs, mais qu'il ne l'avoit point mis dans fes coffres, qu'il ne l'avoit pas employé à fes plaifirs; que l'ufage qu'il en avoit fait, étoit pour la défenfe de la foi contre ceux qui la vouloient ruiner: ce qui demandoit des dépenfes exceffives, foit pour fournir à Scanderberg les fecours néceffaires, foit pour l'entretien des nonces & des légats en différens pays, foit pour aider les Grecs & ceux d'Afie à fe défendre contre les invafions de Mahomet. Enfin il repréfente que cette dépense n'a point été inutile; que le faint père peut fe glorifier en JesusChrift d'avoir beaucoup affoibli la puiffance du Turc, malgré la lâcheté de prefque tous les princes chrétiens, & rendu fes efforts inutiles dans la Hongrie, lorfque la religion chrétienne étoit menacée d'une ruine entière; que fans les vaiffeaux qu'il avoit envoyés à Rhodes, à Chipre, à Mitylène & dans d'autres îles, les chrétiens n'auroient pu

réfifter aux infidelles; & ce qui eft à remarquer; que fon AN. 1457legat, par fa bonne conduite, par la force de fes armes, les avoit non-feulement défendues, mais encore avoit converti un grand nombre d'habitans qui faifoient auparavant profeffion du Mahométifme; que l'Albanie eût été perdue

fans l'argent qu'on avoit envoyé à Scanderberg. Voilà, dit Eneas SylEnée, l'ufage que le pape a fait de ces grandes fommes qui vius, ep. 371. font le fujet des plaintes des Allemands. Convenoit-il de tit. 22. cap. laiffer le Turc fouler aux pieds le nom chrétien? & le faint 14. in fine. Bofius, tom. père n'y pouvant fuffire feul, tous les autres n'étoient-ils pas obligés d'y contribuer & d'y fournir à la défenfe de la caufe commune ?

Quant au fecond chef de plaintes, que le pape violoit le concordat dans les élections des évêques, Enée répond aux Allemands; que le fouverain pontife n'étoit pas obligé par ce concordat de confirmer toutes fortes d'élections, mais celles-là feules qui avoient été faites canoniquement; qu'il n'en avoit refufé aucune qui fût canonique ; & que s'il y avoit eu quelques évêques de récufés, c'étoit, ou parce qu'ils n'avoient pas été élus dans les formes, ou parce qu'ils n'étoient pas des fujets qui convinflent aux églifes auxquelles on les avoit nommés. Que pour ce qui regarde les réferves & les provifions des autres bénéfices, le pape ne fait pas qu'il s'y foit rien paffé contre le concordat; que quoique fon autorité fût très-libre, toutefois à caufe de fon amour pour la paix, de l'amitié qu'il porte à l'empereur & à la nation Allemande, il ne fouffriroit jamais qu'on violat aucun article du concordat; que quand même il y auroit quelque chofe à reprendre en la manière dont s'étoit conduit le faint fiége, il ne convenoit ni aux évêques, ni à toute autre perfonne, de vouloir ufer d'autorité préférablement au chef de l'églife, ou de méprifer fes ordres, à la deftruction de la hiérarchie eccléfiaftique, à la confusion du corps myftique de Jefus-Chrift, & à la perte des ames: qu'il falloit plutôt avoir recours au faint fiége, lui expofer fes griefs, le prier d'appliquer le remède au mal, s'il y en avoit, & que l'églife Romaine n'auroit pas manqué de déférer aux défirs de fes enfans pour ce qui regarde leur falut.

2. lib. 7.

XXXIII.

L'on trouve plufieurs lettres du même pape & d'Æneas Ecrits d'ESylvius à différentes perfonnes fur le même fujet; & particu- neas Sylvius

fenfe des

AN. 1457 lièrement de ce dernier à Martin Meyer, jurifconfulte & chan-
pour la dé- celier de l'archevêque de Mayence. Ces lettres rapportant
droits du S. en termes exprès les conditions du concordat, font voir
fiége.
qu'on accufoit fans raifon le pape de l'avoir violé: ce qu'Enée
expofe encore plus amplement dans un traité qu'il adreffa
l'année fuivante au même Meyer, touchant les mœurs de
la nation Allemande, & l'autorité du faint fiége, de fes
bienfaits envers les princes tant eccléfiaftiques que fécu-
liers, & de fa puiffance. Il tâche d'y réfuter les objections
que les Allemands tiroient des conciles de Conftance & de
Bâle. Il y parle d'une pragmatique fanction établie par quel-
ques princes prélats d'Allemagne contre l'intention de l'em-
pereur, à ce qu'il dit, afin d'abaiffer l'autorité du faint fiége.
XXXIV. Il reproche à la nation d'avoir réfolu de ne point porter
Reproches d'argent à Rome, d'en exclure les appellations, d'avoir
Allemands. décidé qu'il falloit renvoyer les élections des prélats aux

qu'il fait aux

métropolitains, de réferver les collations des bénéfices aux ordinaires, & de défendre l'exaction des annates. Il s'applique à montrer que c'eft une ingratitude énorme de la fille envers la mère, ce qui caufe beaucoup de dommage, nonfeulement au faint fiége, mais à toute la religion chrétienne, & ce qui ôte la plénitude de la puiffance au fouverain pontife qu'on veut rendre pauvre & fans nulle autorité. Les Allemands ne manquèrent pas de répliquer. On trouve une réponse d'un certain Jacques Wimphile pour la défense de Ext. tom. 2. la nation. Jean évêque de Wirtzbourg fut un des plus oppofés au pape: il contraignit même les nonces à fe fauver & Freh. à prendre la fuite, comme le fouverain pontife s'en plaignit En. Sylvius, en écrivant à Thierry archevêque de Mayence, qui s'intèepift. 387. reffoit beaucoup pour cet évêque.

retum

German. edit.

Quelque zèle qu'eût Æneas Sylvius à faire l'apologie du faint père, on ne peut nier cependant qu'il ne fe glifsât de grands abus dans l'emploi de l'argent deftiné à la guerre contre les Turcs. Le roi de Caftille en réserva la moitié dont il fe fervit dans la guerre contre ceux de Grenade, qu'il contraignit dans cette année à lui payer un tribut à des conditions honteufes. Chriftiern roi de Danemarck en fit autant, & leurra le nonce Martin fous prétexte d'employer les levées contre les fchifmatiques qui étoient aux confins tit. 22. cap. de fes royaumes. Saint Antonin reproche auffi à la France d'avoir fait la même chofe, dans le befoin où fe trouvoir

5. Antonin,

108. §. I.

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AN. 1457

Charles VII de continuer la guerre contre les Anglois; ce qui n'eft pas vraisemblable, puisque Meyer qui n'étoit point du tout favorable à la nation Françoise, ni Æneas Sylvius lui-même qui ne lui vouloit pas beaucoup de bien à caufe des affaires de Naples, n'ont rien dit de cette accufation. Tout ce qu'on trouve dans ce dernier auteur, eft que le cardinal d'Avignon équipa vingt-quatre galères de l'argent levé fur la France; mais que Jean, fils de René roi de Sicile, employa ces galères contre Ferdinand roi de Naples. Un autre auteur ajoute que ce cardinal voulant exiger en Comment, France les décimes pour la guerre fainte, fuivant l'ancienne Pii II. lib. 4. valeur des bénéfices, & non felon la taxe du temps, le roi ne voulut jamais le lui permettre.

in princip. Aut. anonym. apud Meyer.

XXXV.

Cependant on continuoit toujours des levées de ces décimes; & parce qu'il étoit de la dernière importance, pour Le pape tradéfendre la Hongrie contre les Turcs, d'apaifer les ancien- vaille à rẻnes querelles qui fembloient fe renouveller entre l'empe- l'empereur

concilier

n. Sylv.

reur Frederic & Ladiflas roi de Hongrie & de Bohême: le & le rol de pape fe flattant qu'on pourroit aifément vaincre les Turcs, Hongrie. fi ces deux princes étoient unis & joignoient leurs armées, epift. 282. en écrivit exprès au cardinal de faint Ange fon légat en Allemagne, afin de s'unir avec Louis de Bavière, & de l'enga- Id. ep. 2258 ger à être le médiateur de cette réconciliation; & le char- & 239. gea en même temps de donner, de la part de fa fainteté, la bénédiction au mariage que le même Ladiflas devoit contracter à Prague avec Magdeleine fille de France, & pour lequel ce roi avoit déjà envoyé une célèbre ambaffade en France, afin d'y aller prendre la princeffe fon épouse. Le roi Charles VII reçut les ambaffadeurs de Ladiflas à Tours, & leur fit des honneurs extraordinaires. Le jeune prince de fon côté, âgé feulement de dix-huit ans, & l'un des plus accomplis qu'il y eût alors en Europe, partit de Vienne, & arriva à Prague pour y faire les préparatifs de fes noces, qui toutefois ne furent pas accomplies.

XXXVI.
Le roi de

Hongrie va à

Prague pour époufer Magdeleine de

Il étoit fur le point de faire fon entrée dans cette capitale, lorfque Roquefane, qui faifoit les fonctions d'arche. vêque fans en avoir obtenu les bulles, vint au-devant de lui avec un grand nombre de Huffites qui l'efcortoient, pour féliciter fa majefté fur fon heureux retour dans fon royaume. Ladiflas qui haïffoit les hérétiques, reçut l'archevêque hift. Boheme avec un air très-froid, & qui lui fit affez connoitre qu'il cap. 69.

France.

An. Sylv.

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