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de Hongrie fe plaignant des troubles que l'empereur exciAN. 1459. toit dans leurs pays, fans avoir égard à la peine que les Turcs leur faifoient; le pape leur répondit que cette affemblée n'étoit pas faite pour fe plaindre, qu'il penseroit à établir la paix de ce côté-là & qu'ils feroient contens. Ce qui fut cause que tous conclurent à la guerre.

CXI.

guerrecontre les Turcs.

Quant aux moyens, il y eut plufieurs perfonnes qui fuOn réfout la rent d'avis d'équiper une armée navale de quarante galères & de huit gros vaiffeaux; une autre armée sur terre de cinquante mille hommes au moins, le plus grand nombre d'infanterie & le refte de cavalerie, à condition que le clergé d'Italie fourniroit la dixme de tous les biens eccléfiaftiques, les laïques la trentième partie, & les Juifs la vingtième de tout ce qu'ils poffédoient. Sur quoi les Vénitiens ayant fait beaucoup de difficultés, le pape fe fâcha contre eux, & leur reprocha le peu de zèle qu'ils faifoient paroître pour la confervation de la foi catholique & pour la défense de la religion. Les ambaffadeurs de l'empereur ne parlèrent point dans cette féance, parce que Jean Inderbach qui portoit la parole étoit malade, & qu'Antoine, évêque de Trieste, ne favoit pas s'énoncer.

CXII.

Bretagne.

Il fe répandit un bruit dans l'affemblée, que les ambassaArrivée des deurs de France étoient fur le point d'arriver ; & ils arriambafladeurs vèrent en effet dans la ville le feizième de Novembre au de France, de Sicile & de nombre de quatre, l'archevêque de Tours qui étoit un vé nérable vieillard, l'évêque de Paris, Thomas de CourcelCollect. conc. les, célèbre théologien, & le bailli de Rouen. Ils étoient Labbe, tom, 13. p. 143. accompagnés de l'évêque de Marfeille, ambaffadeur de René, roi de Sicile, de l'évêque de Saint-Malo, amhaffadeur du duc de Bretagne, des députés de Gènes, & de beaucoup de feigneurs; un grand nombre de prélats étoient allés au-devant d'eux, jufqu'à près de deux lieues à l'abbaye de Notre-Dame de Grace. Le marquis de Mantoue vint auffi au-devant d'eux, & les joignit en chemin avec fes enfans; il s'étoit fait accompagner de fes citoyens, qui avoient à leur tête des tambours & des trompettes. Le marquis falua les ambassadeurs avec beaucoup de politeffe, & fe joignit au premier, pendant que fon frère & fes enfans accompagnoient les autres. Les évêques & les domeftiques des cardinaux étoient à cheval. Tous les autres ame baffadeurs vinrent auffi, & le pape leur envoya fes officiers.

AN. 1459

CXIII.

pape leur

Narratio Nicol. Petit

Auffitôt que les ambaffadeurs François furent entrés dans la ville, la marquife de Mantoue avec fes filles fe rendit au logis de l'archevêque de Tours pour le faluer : & le pape Audience pu indiqua un jour dans lequel il leur donneroit une audience blique que le publique & folennelle; mais fa fainteté se trouvant indif- donne. pofée ce jour-là, l'audience fut renvoyée au mercredi fuivant, qui étoit le vingt-unième de Novembre. L'évêque de ad calcem Paris porta la parole, & harangua près de deux heures. Il Collect. conc. divifa fon difcours en deux parties. Il dit beaucoup de chofes P. Labbe, t. à la louange du roi de France & de fes ancêtres. Il loua 13. P. 1762. leur zèle & leur attachement à l'églife, leurs travaux pour éteindre le fchifme; vertus qui leur avoient acquis à juste titre la qualité de rois très-chrétiens. Dans le refte de fon difcours, il toucha l'affaire du royaume de Naples, & ce qui concernoit les Génois. Enfin il finit par l'obéiffance qu'il rendit au pape au nom de Charles VII, selon la coutume obfervée dans tous les temps par les rois de France.

Le

CXIV.

Pape répond au dif

Lefaint père, après l'avoir écouté avec beaucoup d'attention, lui répondit en moins de mots. Son difcours roula fur fix articles. Il parla en premier lieu de lui-même, mais en cours de l'épeu de paroles, pour répondre feulement à l'éloge que l'é- vêque de Pâvêque de Paris en avoit fait. Enfuite il releva beaucoup le ris. fiége apoftolique, en ajoutant qu'il croyoit que tous les chrétiens devoient s'y foumettre. En troifième lieu il s'étendit Collect, conc fort fur la bonne volonté du roi de France, & fur fon zèle P. Labbe, t. pour prendre les intérêts de l'églife Romaine, fur-tout dans 13. P. 1751. & 1965. la conjoncture préfente; & ce fut en cet endroit qu'il loua les grandes actions des rois de France, remontant jufques au temps de Charlemagne & même de Clovis, & faifant voir combien cette même église avoit été honorée de l'appui & de la protection des rois très-chrétiens, & fur-tout du prince qui régnoit préfentement, fans lequel il étoit impoffible d'arrêter les progrès des Turcs. Il fit auffi l'éloge du royaume de France, de l'univerfité de Paris, de fes églifes & de fes monaftères. Le quatrième article concernoit le roi de Sicile ; & ce qu'il dit en faveur de René d'Anjou, irrita fi fort ceux qui tenoient le parti de Ferdinand, qu'ils voulurent rompre l'affemblée: mais le pape leur impofa filence, & refufa de les écouter. En cinquième lieu il répondit à l'article des Génois, qu'il avoua lui être fort recommandables, puifque leur affaire regardoit le patrimoine de l'église. En

fin le fixième article ne roula que fur l'obéiffance que l'évé AN. 1459. que de Paris lui avoit rendue au nom du roi très-chrétien, dont le fouverain pontife rendit de grandes actions de grâces, de même que les cardinaux.

CXV.

les ambafla

deurs de

France demandent au

pape.

CXVI.

mandes au

Après ce difcours du pape, les ambaffadeurs du roi de Sicile, affiftés des ambaffadeurs de France, lui promirent auffi obéiffance. Ceux de la république de Gènes, comme fidelles fujets du roi Charles VII, en firent de même. On lut les lettres patentes des François, qui furent traduites en latin par le confeil des cardinaux d'Eftouteville & d'Avignon; le pape en entendit la lecture avec beaucoup de plaifir : & la féance finit par l'audience que fa fainteté donna au duc d'Autriche qui voulut affifter à ce confiftoire, & combla d'honnêtetés les ambaffadeurs de France, à qui il offrit fon palais pour demeure.

Quelques jours après cette féance, les ambaffadeurs FranNouvelle au- çois allèrent trouver le pape, & le prièrent de leur accordience que der une nouvelle audience, dans laquelle ils lui propoferoient quelques affaires qui concernoient le royaume de Sicile, & qu'ils ne vouloient lui exposer qu'en présence de certains ambaffadeurs & non pas de tous. Sa fainteté y confentit, & leur promit d'y appeler ceux qu'ils voudroient. Et comme de nouveaux ambassadeurs de l'empereur Frederic étoient arrivés depuis peu, favoir l'évêque de Trente, le marquis de Bade & un autre ; qu'il y avoit un évêque & un cordelier de la part du roi de Caftille, & les ambaffaLeurs de deurs d'Alfonfe roi de Portugal; les François les prièrent tous de fe trouver à l'audience que le pape devoit leur donner : & tous ensemble se rendirent auprès du fouverain pontife, à qui le bailli de Rouen adreffa la parole. Il loua fort les grandes actions des François pour la défense de la religion, & les fervices qu'ils avoient rendus au faint fiége. Il expofa de quelle manière le royaume de Sicile étoit échu à la France, & combien il avoit coûté de fang pour le conquérir. Il ajouta que, fi Alfonfe s'en étoit rendu maître, c'étoit par la force de fes armes, fans y avoir aucun droit; que le pape s'étoit comporté d'une manière indigne en chaffant les François, pour mettre en leur place le bâtard d'Alfonfe, qui ne méritoit pas un fi grand royaume ; que c'étoit avoir agi contre toute juftice d'avoir méprifé René véritable roi de Sicile, ce que le pape Calixte n'avoit jamais vou

pape.

lu faire, quoiqu'Aragonois. Ils demandoient, en concluant leurs difcours, que puifque les François avoient fouffert cette injure, le pape révoquât avec délibération ce qu'il avoit fait fans avoir confulté perfonne, qu'il accordât ce royaume à René, & qu'il en chaffat Ferdinand.

AN. 1459.

CXVII.

Ce difcours releva le courage des ennemis de la France, qui ne croyoient pas que le pape osât y répondre. Mais le Réponse que le pape fait faint père, fans s'étonner, dit en peu de mots, qu'il avoit à ces demancompris les reproches qu'on lui avoit faits,au travers de tout des. ce qu'on venoit de dire en faveur de René d'Anjou : qu'il ne croyoit pas les mériter, n'ayant rien fait dans l'affaire du royaume de Sicile, qu'après avoir confulté les cardinaux. Que fi l'on exigeoit qu'il révoquât ce qui avoit été fait, il étoit juste de demander auparavant le confeil des mêmes cardinaux, & que quand il les auroit confultés, il répondroit à leurs plaintes & à leurs demandes. Après ces paroles il congédia l'affemblée, parce qu'il étoit incommodé d'une toux violente & de grands maux d'estomac. Mais les François ayant publié que la maladie du pape étoit une maladie feinte, & qu'il n'agiffoit ainfi que pour ne leur pas répondre, parce qu'il étoit dans l'impuiffance de le faire. Le pape, informé de ces bruits, leur fit dire qu'il leur répondroit, quand il devroit mourir au milieu de l'affemblée; que la douleur re diminueroit rien de fon courage, & que fes infirmités ne l'en empêcheroient pas.

Il tint en effet fa parole; il affembla d'abord les cardinaux, auxquels il communiqua la réponse qu'il devoit faire aux ambaffadeurs de France. Il fit enfuite venir tous les ambaffadeurs des autres princes; & le fouverain pontife, quoique languiffant & fouffrant même de violentes douleurs, fortit de fa chambre, fe rendit dans une grande falle où l'on avoit élevé un trône fur lequel il monta, & ayant prié qu'on l'écoutât fans l'interrompre, il parla près de trois heures. Spicileg. Da Il parut au commencement fi pâle & fi inquiet, qu'à peine CXVIII. chery,t.VIII, pouvoit-il ouvrir la bouche; mais quand il fut un peu ani- Le pape juf mé, les expreffions fe préfentoient d'elles-mêmes. Le pape fe tifie fa conjuftifia d'abord fur la conduite qu'il avoit tenue à l'égard du duite à l'éroyaume de Sicile: il se plaignit de la manière peu mefurée dont ils l'avoient traité, fans aucun égard à fa qualité Sicile. de fouverain pontife & de chef de l'églife. Il releva beau

gard du ro

yaume de

AN. 1459. Coup la gloire des François, & ajouta qu'il avoit eu de bonnes raifons pour inveftir Ferdinand; que ce prince étoit prêt à fondre fur le patrimoine de l'églife, & que les François étoient trop éloignés pour le défendre : que d'ailleurs il avoit fait mettre dans l'acte d'inveftiture ces mots, fauf le droit d'autrui, ce qui mettoit le droit de René d'Anjou en fureté. En effet dans la réponse qu'il avoit faite publiquement à ces mêmes ambaffadeurs, ce prince avoit été qualifié roi de Sicile ce qui avoit fort choqué les ambaffadeurs de Ferdinand, qui s'en étoient plaints.

CXIX.

de la prag

fauction.

En adreffant la parole en particulier aux ambaffadeurs de fe plaint France & de René d'Anjou, il leur dit qu'il étoit furmatique- pris que la France attendît de lui une si grande grâce que celle de l'inveftiture du royaume par un prince François, tandis qu'on continuoit d'y foutenir la pragmatique-fanction, & qu'on fuivoit dans la pratique une fi damnable règle, & qu'on regardoit comme une ordonnance de l'églife l'acte le plus injurieux à l'autorité pontificale qui eût jamais été fait. Les François pouvoient répondre à ces plaintes du pape, comme ils le firent fans doute, que cette pragmatique-fanction avoit été reçue & approuvée par lui-même dans le concile de Bâle, dont il fut un des plus zélés défenfeurs & des plus forts appuis ; & qu'elle étoit l'ouvrage de ce concile. Mais Æneas Sylvius, élevé fur la chaire de S. Pierre, changea de fentiment en changeant d'état & de nom. Il n'étoit plus fimple particulier, fecrétaire du concile de Bâle, c'eft ce qui fut caufe fans doute que, parlant de la pragmatique dans ce difcours, il affura qu'il ne pouvoit dire des Epift. 2. ad François, ce que S. Paul dit des chrétiens : je vous ai Corint. cap. fiancé à cet unique époux qui est Jesus-Christ, pour vous

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présenter à lui comme une vierge toute pure; tant qu'ils porteroient avec eux la tache de cette pragmatique. Et parlant de la manière dont elle avoit été introduite, il ajouta que ce n'avoit été ni par l'autorité du concile général, ni Réponse des par un décret des pontifes Romains. On verra bientôt baffadeurs comme ce difcours du pape fut reçu en France.

CXX.

de France au difcours du

Dans la réponse que les ambaffadeurs François lui firent, pape. ils ne manquèrent pas de relever ce qu'il avoit dit de la Collect. conc. pragmatique. On reprend notre roi, dirent-ils, de foutenir Labbe, t. 13. cette loi dans fon royaume, & l'on prétend qu'elle déroge aux priviléges du fiége apoftolique, ce qui eft une tache &

ad calcem.p.

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