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AN. 1461.

XLVIII. Scanderberg par ordre du

nous l'avons dit, après avoir repréfenté à ce prince l'étar déplorable des chrétiens qui gémiffoient fous la tyrannie des Turcs & des Sarrafins, & lui avoir fait comprendre que n'étant pas en état de les fecourir feul, il avoit eu recours à tous les rois & à tous les princes chrétiens; il ajoute qu'il n'en avoit trouvé aucun qui pût le faire avec plus de fuccès que le roi de France, que Dieu venoit d'élever au gouvernement d'un royaume fi floriffant, après l'avoir fauvé des mains de ceux qui le perfécutoient: qu'il devoit être reconnoiffant de ce bienfait envers la divine providence, enforte qu'ayant aboli la pragmatique-fanêtion, rien ne devoit l'empêcher de s'employer entièrement au fecours des chrétiens: cette gloire lui étant comme héréditaire, parce qu'il n'appartient qu'aux François de vaincre les Turcs, de recouvrer la terre fainte, de fauver la foi, & d'honorer l'églife Romaine qu'il pouvoit d'ailleurs le faire plus commodément que tout autre, étant en poffeffion d'un royaume paifible & fi puiffant, que toute l'Europe n'avoit les yeux que fur lui, & que tous les affligés imploroient fon fecours, comme du feul défenfeur de la religion chrétienne. Le roi, peu touché de toutes ces raifons, fe contenta de faire des promeffes qu'il n'avoit aucune envie d'exécuter.

Cependant le pape agiffoit toujours en faveur de Ferdinand pour le royaume de Naples. Il donna ordre à Scanderpape vient berg prince d'Albanie, qui étoit la terreur des Turcs, de au fecours faire une trève avec Maliomet pour venir au fecours du roi nand. de Naples contre le duc de Calabre. Il y vint avec fept cents chevaux & quelques compagnies d'infanterie. Ferdinand pour comment. Pii luimarquer fa reconnoiffance lui fit accepter le gouvernement

de Ferdi

Gobelin

II. lib. 6.

de la Pouille, qu'il défendit avec fa valeur ordinaire. Mais ayant appris que Mahomet, fans avoir égard à la trève, faifoit des courfes en Albanie, il s'en retourna promptement, dans l'appréhenfion de perdre fes états en voulant conferver ceux des autres. Ferdinand ne laiffa pas de lui avoir obligation, puifque fans lui il eût été contraint de s'enfuir honteufement, ou de risquer une bataille. Ce prince trouva encore moyen de mettre dans fon parti Centiglia dont il maria la fille avec Mafco, à qui il donna toutes les places qu'il avoit conquifes, & le fit duc de Caftrovillare. Le marquifat de Coterone fut auffi rendu à ce même Centiglia par un accommodement ce qui affoiblit beaucoup le parti du duc de Calabre.

AN. 1461.
XLIX.

tre les Caf-
tillans & les

L.
Le roi de
Navarre en-

La guerre fe renouvella dans le même temps entre les Caftillans & les Maures. Mulei Hacem fils d'Ifmaël roi de Grenade, s'ennuyant de demeurer oifif, affembla à l'infçu de Guerre enfon père une armée de quinze mille hommes d'infanterie & de quatre mille chevaux, avec laquelle il ravagea les envi- Maures. rons d'Eftopa, & fit un grand nombre de chrétiens prifonniers, qu'il réduifit en fervitude. Les gouverneurs des places frontières montèrent auffitôt à cheval & poursuivirent les Maures, leur enlevèrent tout leur butin & les efclaves qu'ils avoient faits. Ifmaël, qui ne favoit rien, ou du moins qui faifoit femblant de ne rien favoir des entreprifes de fon fils, en envoya faire des excufes au roi de Caftille; mais ce prince ne voulut pas les recevoir, & fe prépara à la guerre. Les Catalans s'étant foulevés contre le roi de Navarre & la reine fon époufe, belle-mère de Charles prince de Viana, à l'occafion de la mort injufte de ce dernier qu'elle avoit fait empoifonner, ce prince eut recours au roi Louis XI, dont daigne & le il implora l'affiftance contre fes fujets ; mais il n'en obtint Rouillon à rien, qu'en lui engageant la Cerdaigne dans les Pyrénées, Mariana, & le Rouffillon avec Perpignan, pour la fomme de trois cents Hift. Hifp. mille écus d'or. Par ce traité qui fut fait à Sauveterre, où lib. 23. cap. les agens des deux rois s'étoient rendus, ils devoient fe dé- 1o. clarer l'un pour l'autre contre tous. Louis XI exceptoit les rois de Caftille & d'Ecoffe', René d'Anjou roi de Sicile, & François Sforce duc de Milan.Jacques d'Armagnac,duc deNemours, fut chargé de conduire le fecours de France. Les Catalans d'autre part fe donnèrent au roi de Caftille. Cette guerre dura près de deux ans fans qu'on en vint aux mains; on prit le roi de France pour arbitre, & pour les accorder il s'avança jufqu'à Bayonne. On verra dans la fuite quel en fut le fuccès.

gage la Cer

Louis XI.

LI.

Louis XI

deurs

Gobelin

Louis XI, pour répondre à la lettre que le pape lui avoit écrite, lui envoya une célèbre ambaffade compofée des per- envoie des fonnes de la première distinction, du cardinal d'Arras, qui ambaffaavoit trouvé le secret de se rétablir dans la faveur de fa majefté; des évêques d'Angers & de Saintes, de quelques abbés au pape & quelques feigneurs, à la tête defquels étoit Pierre comte comment. de Chaumont, autant recommandable par fa probité que par fon âge. Ils arrivèrent tous à Rome le troifième de Mai de l'année 1462, & y furent très-bien reçus. Le cardinal d'Arras porta la parole. Après avoir promis obéiffance au fouverain pontife de la part du roi fon maître, & confirmé l'a

Pii II. lib. 7

bolition de la pragmatique, il demanda qu'on rendit juftice AN. 1461. à René d'Anjou, qu'on le rétablit dans le royaume de Sicile, & qu'on remît la ville de Gènes fous l'obéiffance du roi. Il fe plaignit beaucoup en particulier des fecours que le pape accordoit à Ferdinand & à ceux d'Aragon contre les François, qui avoient rendu au faint fiége des fervices beaucoup plus confidérables que les autres. Pie H répondit que, s'il avoit fecouru Ferdinand, c'étoit parce que René d'Anjou avoit fait tous fes efforts pour chaffer celui qui avoit reçu l'inveftiture du faint fiége de qui ce royaume dépendoit, fans l'avoir auparavant confulté ; mais il promettoit de ne le plus fecourir, pourvu qu'on cefsât de fe fervir de la voie des armes, & que René d'Anjou, qui fe croyoit bien fondé, poursuivit fon droit en justice réglée.

LII.
Le roi de

Gobelin,

comment.

Cependant Louis XI reçut plufieurs lettres de Rome, où France écrit on lui mandoit que depuis que le pape avoit reçu l'aboliau pape & tion de la pragmatique, il fe déclaroit plus ouvertement fe plaint de contre lui, & qu'il preffoit avec plus d'ardeur la guerre de fon procédé. Sicile. Mais ces lettres en impofoient un peu au pape. Louis XI naturellement crédule n'en fit point examiner la vérité, Pii II. lib. 8. & dans fa colère il écrività Pie II. J'avois cru, faint Père, vous vaincre par mes bienfaits; j'ai abrogé la pragmatique; je vous ai promis librement une obéiffance entière; j'ai offert du fecours contre les Turcs ; j'ai répondu durement à ceux qui m'ont demandé, foit une affemblée, foit quelqu'autre chofe qui auroit pu être préjudiciable au faint fiége: je n'ai rien fait en un mot qui dérogeât à votre dignité. Qui n'auroit pas cru que tant de marques de mon affection & de mon respect pour vous, auroient dû vous fléchir & vous adoucir? Je croyois au moins que, fi vous n'en deveniez pas plus traitable, ils ne vous irriteroient pas davantage. Je me fuis trompé. Vous vous acharnez contre le duc d'Anjou qui eft de mon fang; vous voulez le chaffer de fon royaume. Je ne fais plus que faire pour apaifer votre efprit inquiet. Prendrois-je une voie contraire à celle des bienfaits, que j'ai fuivie jufqu'à préfent? Non: l'efprit de J. C. ne me permet pas de chagriner fon vicaire : j'agirai envers vous comme j'ai commencé ; je n'écouterai point les confeils de ceux qui me preffent de m'élever contre vous. Peut-être que ma patience & ma complaifance vous vaincront enfin, que vous vous repentirez de m'avoir haï, &

qu'enfin vous deviendrez mon ami & celui de mon fang. L'ambaffadeur en dit plus que la lettre de fa majefté n'en AN. 1462. contenoit ; il accufa le faint père de manquer à fes promeffes, il le menaça de faire rappeler en France tous les François qui étoient à Rome. Mais le pape ne fut point ébranlé de ces difcours.

LIII:

Comment.

Il représenta aux ambaffadeurs qu'il feroit conftant dans Le pape ré fes réfolutions, tant que René d'Anjou continueroit la guerpond à fesamre, ou le duc de Calabre fon fils, quand même il devroit baladeurs af encourir l'inimitié du roi, & que les François avoient toute fez forteliberté pour fe retirer de Rome quand il leur plairoit. Les car- ment. dinaux, qui craignoient qu'ils ne fe retiraffent en effet, al- Pii II. loc lèrent trouver le pape, & le fupplièrent d'empêcher cette fuprà cit. retraite, qui pourroit, dirent-ils, faire un grand préjudice à fes propres intérêts & à ceux de l'églife. Ils lui repréfentèrent que la cour de Rome feroit déferte fi les François se retiroient, & qu'elle perdroit en eux un de fes plus beaux ornemens. Plusieurs autres perfonnes fe joignirent aux prières des cardinaux. Mais le faint père répliqua, que les menaces qu'on lui faifoit de la colère du roi, n'étoient que des paroles; que les François ne viendroient pas aux effets, & qu'ils demeureroient à Rome, quoiqu'ils fiffent femblant de vouloir s'en aller.

LIV.

Le pape pref fe le roi de

donner du fc

& 9.

Pie II avoit tant d'ardeur pour déclarer la guerre aux Turcs, que voyant que les princes s'en éloignoient de plus en plus, il réfolut de l'entreprendre de fon chef. Dans ce France & le deffein il s'adreffa à Louis XI, & il lui demanda dix mille duc de Bourhommes de troupes réglées ; il preffa le duc de Bourgogne gogne à lui d'accomplir le vœu qu'il avoit fait de fe trouver en personne cours. à cette guerre : & parce qu'il étoit perfuadé qu'il n'obtien- Comment. droit rien des François & des Bourguignons, tant que les Pii II. lib. 8. Vénitiens qui tenoient la mer ne feroient pas de la partie, il voulut les fonder auparavant. Les Vénitiens répondirent qu'ils étoient difpofés à accorder tout ce qu'on exigeoit d'eux, & fur cette réponse le pape envoya en France Laurent, évêque de Ferrare. Ce prélat trouva le roi fort irrité, & il ne put en rien tirer, finon qu'il enverroit dans peu fes ambaffadeurs au pape pour traiter avec lui de cette affaire & de celles qui regardoient la Sicile. Le même évêque alla trouver le duc de Bourgogne qui étoit convalefcent: il en fat plus fatisfait que du roi de France; ce prince l'affura

qu'auffitôt qu'il auroit recouvré fa fanté, non-feulement il AN. 1462. accompliroit fon vou, mais encore qu'il fe prêteroit avec plaifir à tous les bons deffeins de fa fainteté. Toutes ces belles promeffes ne difoient rien, cependant le fouverain pontife en parut content, & en témoigna fa reconnoiffance au duc de Bourgogne.

LV.

battupar l'ar

Gobelin in

Paul. Joy. in clog.

Louis XI envoya fes ambassadeurs à Rome comme il l'a Le duc de voit promis à l'évêque de Ferrare. Ils étoient chargés de Calabre eft traiter d'une trève & fufpenfion d'armes dans le royaume mée de Fer- de Naples. Mais parce que fur ces entrefaites Jean, duc de dinand. Calabre fut battu dans un grand combat auprès de Troïa, comment. Pii ville de la Pouille; & que le prince de Tarente, qui l'avoit II.1. 10. & 11. porté à entreprendre cette guerre, fans vouloir toutefois Pental. 1. 8. qu'il fût roi, afin d'être toujours l'arbitre, avoit fait fa paix avec Ferdinand après cette victoire, le pape ne voulut plus entendre parler de trève, & se laiffa gagner par le roi de Naples pour lequel il avoit toujours beaucoup d'inclination. Ainfi la guerre continua toujours: Piscinin, grand capitaine du parti d'Anjou, prit plufieurs places fur Ferdinand; & le pape voyant les progrès de ce général, fe repentit de n'avoir pas accepté la trève. Mais il fut bientôt après confolé par la défertion de ce même Pifcinin, qui s'accommoda avec Ferdinand; ce qui défefpéra tellement les affaires du duc de Calabre, qu'il fut contraint de fe retirer dans l'île d'Ischia, n'ayant plus que quelques petits forts en terre ferme. PisciPlatina in nin fut pris à Naples par Ferdinand, & mis en prifon, où on le fit mourir peu de temps après; & l'on fit courir un bruit qu'il s'étoit caffé une cuiffe lui-même en tombant dans sa prifon, & qu'il étoit mort de cette chute.

Paul. 11.

LVI.

voie des am

Huffit. l. 14.

Dès le commencement de cette année, Pogebrac, roi Le roi de de Bohême envoya une célèbre ambaffade à Rome. Elle Bohême en- étoit compofée de Procope Rabaftein, chancelier du royau badadeurs au me, & de quelques barons, docteurs & autres perfonnes du pape. clergé de Bohême. Le motif que Pogebrac avoit dans cette Cochlée hift. ambaffade, étoit de tâcher de rétablir fa réputation parmi les catholiques à qui il étoit toujours fufpect, fur-tout à ceux de Breflaw, qui par cette raison refufoient de lui faire hommage. Il chargea donc fes ambaffadeurs de promettre en fon nom une entière obéiffance au faint fiége, & de demander fa communion & celle de toutes les églifes catholiques, à condition néanmoins que le pape de fon côté accordéroit

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