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Item. Quand vous allez avec votre Avocat
Au fortir du Palais prendre du chocolat
Ou tandis que dehors vous faites bonne chere,
Votre épouse au logis retranche l'ordinaire,
Et pendant le repas, pour mieux nous engager
A fuivre fon exemple & negueres manger,
Elle fait tout exprés la fobre & la difcrette
Sur de vieux reftaurans hachez en vinaigrette.
Item. Dame Nanon revenant du caveau,
N'apporte point le vin comme il fort du tonneau.
Et dans nos galopins mettant de l'eau d'avance,
Nous fait impunément boire de l'abondance.
C'eft n'eft pas encor tout; Quand votre vin eft bu,
Et qu'au bout de neuf mois le quartaut eft fur cu,
Si l'on nous va chercher en ville de la biere,
Madame votre mere en goûte la premiere,
Et regnant chaque fois ainfi nos portions
Samire avec sujet nos maledictions."

convient que vos Cleres fe donnent de la peine,
Et pour vous enrichir foient toûjours en haleines
Mais auffi convenez qu'il eft de l'équité,
Qu'unClerc qui vous fert bien,foit un peu mieux traité
Si par un argument fi jufte & veritable,
Un Procureur pouvoit devenir plus traitable,
A force de raifons nous pourrions efperer

Quelque remede aux maux qu'il nous faut endurer.
Mais non: les Procureurs ont tous l'ame trop dure,
L'avarice eft en eux un peché de nature;

Et leurs femmes toujours pleines d'ambition
Suivant de leurs époux la noire paffion.

་༡

Quand pour leur jeu,leur fafte elles font fans reffources
Amaigriffent leurs Clercs pour engraiffer leurs bourses,
Sans en aller chercher un exemplebien loin,

Je m'en tiens à celui, dont je fuis le temoin,
D'abord fans trop donner dans l'efprit de fatire,
Sans rien exagerer, fans mentir, j'ofe dire
Qu'il n'eft point dans Paris femme de Procureur,
Qui ne doive en malice à la nôtre l'honneur.
Eprife pour le jeu d'une fureur étrange
Pendant les jours entiers des cartes elle arrange,
Et comme fon époux ne fonce point au jeu,
A nos propres dépens elle paffe fon feu.
Tandis qu'à notre dam elle ferre la mute,
Le Dimanche elle porte à tel point le fcrupule,
Qu'un crime à fon avis qu'on ne peut pardonner
C'eft lors qu'avant la meffe on ofe déjeuner.
D'ailleurs le Procureur défendant que perfonne
Abandonne l'étude avant que midi fonne,
Les Clercs tous d'une voix lui remontrent en vain,
Qu'on entend leurs boyaux gronder, crier la faim,
Il entre dans l'efprit qui gouverne fa femme;
Manger avant la meffe! ah, dit-il, c'eft infame
Et l'on devroit punir quiconque mange ou boit
Avant que de payer à Dieu ce qu'il lui doit.
Chacun donc à midi fort avec pétulance,
Tous courent s'habiller en grande diligence,
Efperant, au defu.t d'un mauvais déjeuner
Venir faire bien-tôt un excellent dîner.
Aux plus proches Couvens les meffes étant dites,
Nous avons fur le champ recours aux Barnabites

Bijl

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Où l'appetit vainqueur de la devotion
Nous jette à tous momens dans la distraction.
Preffez par les accez de notre faim canine,
Nous fortons de l'Eglife, & gagnons la cuifine
Où l'on nous donne avis que Madame a grondé
De ce qu'à revenir nous avons trop tardé.
En effet l'expolé n'eft que trop veritable ;'
Nous trouvons les plats nets, le deffert fur la table.
La Procureufe alors commence à s'emporter:
Quel accident, dit-elle, a pu vous arrêter ?

Faudra-t-il donc, Meffieurs,tous les jours vous attendre,
Aux heures du repas pourquoi ne pas vous rendre?
Pour moi je n'entens rien à votre procedé.

Si vos Clercs à la meffe ont un peu trop tardé,.
Prenez-vous-én, Madame, à la lenteur des Prêtres:
Eh bien, quoiqu'il en foit, vous pafferez tous maîtres,
Par-là vous apprendrez à vous diligenter,
Quand pour fortir en villeil faut vous ajuster.
Si par grace daignant moderer la fentence,
Elle nous fait fervir le quart de la pitance,
Il faut patiemment fubir ce rude échec,
Ou nous déterminer à manger du pain fec.

Mais de ma Procureufe un fi fameux exemple
Ne donnant pas peut-être une idée affez ample,
mbitieux que rien ne manque à fon portrait,
Je veux de fon humeur citer encor ce trait.
Dans les jours de plaifir, quand cette femme avare,
Va manger en famille (accident affez rare,)
Ille met ordre à tout, & de fa propre main,
A hacun de fes Clercs elle coupe du pain,

Puis fans examiner de leur faim la mefure,
L'enferme fous la clef dans une armoire fûre.
Or, un jour foit qu'en tête elle eût quelque embarras,
Soit par pure malice, elle n'en laiffa pas;

De forte qu'au fouper notre troupe étonnée,
Et d'un fi trifte oubly rude ment confternée,
Ne fçavoit, comme on dit, à quel faint fe voüer;
Quand par un tour d'efprit qu'on ne peut trop loüer
L'un de nous s'avisa d'un rusé stràtagême,
Dont l'execution fuivit à l'heure même.
C'eft un tour, dira-t-on, anciennement cité ;
Qu'importe ; il fut pourtant chez nous executé ;
Dailleurs c'est une hiftoire agréable & plaifante,
Qui doit pour un lecteur être divertiffante.
Aprés nous être donc cotizez pour les frais,

Nous appellons à nous un puiffant portefaix,
સે

Nous lui contons l'affaire, & lui faifons comprendre,
Que comme du plaifir fa part il pourra prendre,
Il doit pour fon falaire exiger moins d'argent,
Et qu'il n'y perdra pas s'il fe montre obligeant,
Moins dans l'efpoir du gain qu'à deffein de bien rire
S'accordant volontiers à ce qu'on lui peut dire
D'un bras fort & nerveux feul il fçait fe charger
D'une espece d'armoire, ou d'un garde-manger,
Ou depuis quinze jours, où même un plus long terme
Moififfoient à loifir huit pains de pâte ferme,
Qui faifant refiftance au tranchant du couteau,
Quelquefois ne cedoient qu'aux efforts du marteau,
Nous payons le porteur & nous le faifons boire ;
Arrivez dans l'endroit nous déchargeons l'armoire,

Erpleins de confiance en notre heureux deftin,
Nous entrons dans la fille où fe fait le feftin.
L'inventeur d'un tel tour (comme roy de la fête)
Chargé de prononcer notre grave requête,
Prévient la Procureufe, & la harangue ainfi :
Vos chers & feaux Clercs que vous voyez ici,
Viennent tres-humblement vous remontrer, Madame,
Qu'attenuez de faim, tout-piê sà rendre l'ame,
Ils ofent au milieu de leur perplexité

Attendre leur fecours de votre charité.

Vous qui n'ignorez pas que tous brulans de zele,
Nous vous fervons d'un coeur & d'une main fidele,
Avez vous pu, Madame, ainfi vous échaper
Sans laiffer au logis du pain pour le fouper ?
Comme nous avons cru que faute de memoire
Vous n'aviez pas ouvert la falutaire armoire,
Voulant vous épargner le foin de revenir,
Avec nous à nos frais nous la faisons venir.
Mettez y donc la clefd'une main favorable,
Dans nos preffans befoins montrez-vous fecourable;
Et quand vous aurez fait ce digne effort pour nous,
Vous verrez redoubler notre zéle pour vous.
A ces maux nos époux jurent, tempêtent, crient,
D'autres n'en difent rien; quelques autres en rient.
Pour nous, ne remportant qu'un menaçant refus,
Nous nous en retournons confternez & confus.

Mais, ma Mufe, pourquoi traitant cette matiere,
En chacun de fes points l'épuifer toute entiere?
Laiffons-là la lezine, & de peur d'ennuyer,
Pailons aux autres maux qu'un Clerc doit effuyer,

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