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auroit forcé avec la même violence d'entrer dans la prémiere rade fi le deffein que nous avions de mettre à terre notre Prêtre le plus près qu'il nous feroit poffible de quelque petit Port Efpagnol, ne nous eût fait louvoier au Sud avec toute l'habilité de nos Matelots. Nous gagnâmes ainfi la Baye de Camaren, à l'entrée de laquelle nous trouvâmes une grande Barque Efpagnole que la vûë de notre Pavillon fit trembler. Mais de quelque reffentiment que les derniers procédés de cette Nation euffent achevé de nous remplir, l'occafion étoit fi belle pour nous délivrer de notre Prêtre, que nous raffurâmes par notre douceur huit Efpagnols, qui étoient dans la Barque avec autant d'Indiens pour rameurs. Ils portoient leur cargaifon de ce bois que nous nommons logwood, & qui fe coupe fur la Côte de Honduras & de Campêche. Leur route étoit vers la petite Ifle de Santa Catharina, ou la Providence, d'où ils devoient fe rendre à Carthagene. En leur confiant le Prêtre Efpagnol, qu'ils reçurent avec beaucoup de refpect pour

fa

fa profeffion, nous leur fîmes quelques préfens, pour leur ôter la penfée que nous cherchaffions à leur nuire, ou que nous euffions formé quelque deffein contre leur Nation,

Après les avoir quittés, nous remontâmes au long de la Côte, fuivant les inftructions que nous avions reçues d'un vieux Pilote de Port-Royal, & nous découvrîmes bien-tôt une autre Baye, qui portoit, dans la Carte du même Pilote, le nom de SpawnBay. C'étoit la route qu'il nous avoit confeillé de prendre pour trouver les premieres Habitations des Muschetos. Nous abordâmes au fond de la Baye,' dans un endroit fi marécageux que nous fentîmes le befoin que nous avions eu des leçons du Pilote, & la vérité de ses recits fur la fituation des Mufchetos. Ce bon peuple ayant été forcé par les Efpagnols d'abandonner un fort beau Pays qu'il habitoit anciennement, s'eft retiré dans des Montagnes & des bruyeres, qui font environnées, de tous les côtés de la terre,par des marais inacceffibles. Elles ne font pas moins défendues du côté de la Mer par la difpofition du rivage. Tome II.

B

Le terrain en eft fi humide, & coupé par tant de ravines & de précipices, que les plus hardis n'oferoient s'y engager fans en connoître parfaitement les détours. La Carte du Pilote. les marquoit par des lignes fi exactes, qu'en la portant à la main nous nous trouvâmes tout-d'un -coup familiers dans des lieux où nous venions pour là premiere fois. M. Rindekly fit mouiller l'ancre fur un bon fond, & me laiffant le foin des premieres découvertes avec dix hommes que je pris pour m'accompagner, il me promit d'attendre mon retour avant que de quitter fon bord.

Je marchai l'efpace de deux lieues dans le terrain que j'ai reprefenté, avec de l'eau quelquefois jufqu'aux genoux, mais toujours guidé par ma Carte, où je trouvois, dans des mefures de la derniere précision, une régle fure pour me conduire. Etant arrivé au pied d'une colline qui avoit borné ma vûë depuis le rivage, je fus tenté d'abandonner la direction du Pilote, parce qu'elle marquoit autour de la colline un chemin fort humide & fort long, & que je croyois pouvoir l'éviter

en remontant directement une pente fort douce & fort féche. Mais la confiance que je devois à mon Itineraire m'ayant fait renoncer à mes propres lumieres, je reconnus bien-tôt que je n'avois pû prendre un meilleur parti, puifqu'après avoir tourné l'efpace d'un quart d'heure, je tombai dans une Habitation de Mufchetos, dont je n'apperçus les premieres cabanes qu'en y

entrant avec mon escorte. Ils entendirent les questions que je leur fis dans ma langue; & quoique ceux à qui le hazard me faifoit parler ne la fçuffent point affez pour me répondre, ils comprirent fi bien que j'étois Anglois, qu'après m'avoir comblé de careffes, ils s'emprefferent de faire venir un de leurs Chefs, qui lia un entretien plus clair avec moi. Il avoit fait le voyage de la Jamaïque en 1720, & la langue Angloife qu'il avoit apprife dans le féjour qu'il y avoit fait pendant cinq ou fix mois, lui étoit encore familiere. Il me dit que je trouverois dans fa Nation plufieurs Anglois qui y avoient épousé des femmes Indiennes, & qui s'étoient accoutumés aux ufages du Pays. Je lui demandai fi le

Roi ou le principal Chef des Muschetos faifoit la demeure dans un lieu fort éloigné. Il me répondit qu'on y pouvoit aller,& revenir,dans l'efpace d'un jour; mais que la distance me devoit caufer peu d'inquiétude, puifqu'un Anglois étoit auffi furement dans fa Nation qu'à la Jamaïque.

Il étoit tard. Je pris confiance à ce difcours, & ne voyant aucune néceffité de retourner le même jour au Vaiffeau, je me contentai d'y renvoyer deux de mes gens, pour informer M. Rindekly du projet que je formai pour le lendemain. C'étoit d'aller à Ramajen, principale Habitation des Mufchetos, où leur Roi tenoit fa Cour, & de me charger ainfi, non-feulement de toutes les formalités de notre Commiffion, mais encore d'examiner quels avantages nous pourrions tirer du Pays pour notre commerce. Je paffai la nuit dans l'Habitation où j'étois, & j'y fus traité avec beaucoup d'amitié par tous les Mufchetos de l'un & de l'autre fexe. J'y trouvai, comme on me l'avoit dit, un Anglois nommé Luke Haughton, qui avoit époufé une femme de la Nation, &

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