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femme, & Madame Rindekly ma fille, également inquiétes pour leurs Maris, s'étoient déterminées d'autant plus facilement à nous envoyer mon fils, qu'en partant pour l'Afrique je ne l'avois laiffé à Londres qu'à regret, & pour ceder aux allarmes d'une mere trop tendre. Elles s'imaginerent que dans une abfence qui devenoit beaucoup plus longue que je ne me l'étois propofé, il me feroit doux d'avoir près de moi un enfant qui m'étoit fort cher. Effectivement fa vûe, à laquelle je m'attendois fi peu, me caufa une des plus vives fatisfactions que j'aye jamais reffenties. Je le trouvai fi formé pour fon âge, & d'une figure fit prévenante, que je formai, dès les premiers jours, un deffein qui me réüffit fort heureufement pour fa fortune. M. Thorough, notre Facteur à la Jamaïque, & le dépofitaire du tréfor que nous avions rapporté de la Côte d'Afrique, avoit une fille un peu plus âgée, mais qui ne faifoit qu'entrer néanmoins dans fa feizième année. Elle étoit fon unique enfant, & par conféquent l'héritiere d'un bien fort confidérable qu'il avoit

amaffé depuis trente ans par le commerce. Comme il nous logeoit chez & qu'à l'arrivée de mon fils il lui avoit fait la même politeffe, je ne doutai point que la familiarité où nous allions vivre enfemble ne fît naître des ouvertures qui favoriferoient mon deffein. Je le communiquai même à M. Rindekly, qui l'approuva beaucoup; & mon fils, qui avoit déja du goût pour les femmes, me confessa que depuis quinze jours qu'il étoit arrivé, il s'étoit fenti quelque inclination pour Mademoiselle Thorough.

Tous les Négocians de SpanishTown & de Port-Royal, avec lefquels nous avions fait quelque liaifon, furent étonnés de nous voir arriver,après un long voyage, dans l'état à peu près où nous étions partis. Cependant ils n'ignorerent pas long-tems que nous avions fait une defcente à la Marguerite, dont nous avions tiré de grands avantages; & cette opinion,joint à celle des richeffes que nous avions rapportées d'Afrique, nous fit regarder comme des gens d'une opulence extraordinaire. Les gens de notre Equipage, attachés à nous par notre douceur, autant

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que par l'utilité qu'ils avoient déja trouvée à nous fervir, contribuoient encore à nous faire cette réputation en relevant beaucoup l'eftime & l'affection qu'ils avoient pour nous. Le Gouverneur, & M. Thorough, furent les feuls à qui nous nous ouvrîmes entiérement. Nous avions confervé un assortiment de fort belles perles pour un collier & des bracelets, dont nous fîmes préfent à la Gouvernante. Sir Nicolas Lawes fon mari nous marquoit beaucoup d'affection & plus mécontent que jamais des Espagnols, depuis le refus que le Commandant de Trinidado, dans l'Ile de Cuba, avoit fait pendant notre abfence de lui rendre Eton & Winter, deux Voleurs Anglois qui s'étoient réfugiés dans cette Ville, il auroit fouhaité qu'au lieu de la Marguerite nous euffions pû piller dans notre route Carthagene & Vera-cruz. Il fit bien-tôt éclater cette difpofition. Le Capitaine Chandler, Capitaine d'un de nos Vaiffeaux de guerre nommé le Lanceston, s'étant faifi d'un GardeCôte Efpagnol monté de 56 hommes, qui avoit pris nouvellement, fous les

prétextes ordinaires, une Barque richement chargée pour quelques Marchands de la Jamaïque, le Chevalier Lawes joignit au reffentiment qu'il avoit de l'affaire de Trinidado celui qu'il avoit conçu des réponfes que nous lui avions rapportées de la Havana, de Carthagene & de la Veracruz. Dans une affemblée du Confeil de guerre, il condamna au gibet quarante trois de ces Prifonniers Espagnols, à titre de Voleurs & de Pyrates. La Sentence fut exécutée avec la derniere rigueur, & M. Lawes me protefta que fi les rebelles de fon Isle ne l'euffent mis dans la néceffité de garder auprès de lui toutes fes forces, il les auroit employées, pendant le refte de fon Gouvernement, à exterminer jufqu'au dernier Garde-Côte.

En effet, les Négres révoltés, dont on avoit méprifé les reftes, recomçoient à fe rendre redoutables dans les Montagnes. Ils avoient conftruit dans une des Montagnes bleues, qui s'appelle Nanny, un Fort dont l'accès étoit fi difficile qu'il pouvoit être défendu par un petit nombre de foldats contre une armée. Ils avoient fait plu

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fieurs defcentes dans le plat Pays, & tout récemment ils s'étoient fi fort prochés de Spanih - Thwn, qu'ils y avoient jetté la terreur. Les troupes qu'on avoit fait marcher contr'eux, ne pouvant s'engager prudemment dans leurs retraites, ils fembloient fe confirmer de jour en jour dans la poffeffion de nous outrager impunément.Le Gouverneur avoit déja penfé à faire venir à fon fecours un corps de Mufchetos ou Mosquites, Nation Indienne qui étoit plus propre que nos gens à les forcer dans leurs montagnes. L'aveu que nous lui fîmes du deffein que nous avions eu de nous approcher de Truxillo, lui renouvella cette idée, & lui fit croire qu'il nous rendroit fervice en nous chargeant de l'exécution de fon projet.

Les Mufchetos habitent cette partie du continent qui eft entre Truxillo & Honduras. Ils fe foumirent aux Anglois dans le tems que le Duc d'Albermarle étoit Gouverneur de la Jamaïque, & n'ayant jamais été conquis par les Espagnols, on peut dire qu'ils confervoient le pouvoir de fe choifir les Maîtres pour lefquels ils avoient le plus d'inclination. Ainfi

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