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dans un fyftême des faveurs, une claffe qui eft la feconde fous la dénomination vague & peu réfléchie d'odeur agréable ou non agréable, comme contenant des principes analogues.

Quoi ! l'ambroifie, l'angélique dont on fait de fi agréables conferves, fe mettront à côté de la rue, dans un jardin des Plantes ufuelles; & avec la méliffe ou la citronnelle, cette plante fi agréablement céphalique, le romarin, les menthes, le jasmin, la fleur d'orange, la lavande, le thym, &c. &c. &c. &c. on rangera les férulacées, le galbanum, & l'affa-farida qu'on appelle ftercus diaboli? Le baume du Pérou, le baume de Judée, ainfi que l'afphalte, ne doivent pas non plus être réunis fous le même point de vue.

J'en refterai là, ne prétendant point à l'honneur d'être le cenfeur de qui que ce foit; j'ajouterai feulement qu'il valoit beaucoup mieux laiffer le jardin de mon père tel qu'il étoit, & tel que M. de la Serre, chirurgien & élève de mon père, l'avoit foutenu & continué pendant plus de trente ans avec fruit, que d'introduire une nouveauté qui ne fera d'aucune utilité pour les étudians, & qui peut au contraire brouiller toutes les idées de pratique & d'ufage qu'ils peuvent avoir fur les Plantes les mieux connues,

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VIE

DE M. CHO ME L.

PIERRE-JEAN-BAPTISTE CHOMEL naquit à Paris le z septembre 1671, de Jean-Baptifte Chomel, Médecin ordinaire du Roi (a), & de Françoife le Breton, fille d'un Maître Chirurgien (b) de Paris, nièce d'un Médecin (c) célèbre dans fon temps, riche, & qui la dota.

La naiffance de M. Chomel fut accompagnée d'un événement qu'il avoit coutume de raconter à fes enfans,

(a) Il avoit été reçu Médecin du Roi le 21 mars 1669, & avoit prêté ferment entre les mains de M. Vallot. Il est mort âgé de 81 ans, le 22 juillet 1720, étant né le 11 juillet 1639.

(5) Ce Chirurgien, malgré fes difpofitions & fes talens, n'a jamais pu acquérir une réputation éclatante. Il mourut encore jeune & par accident, ayant gagné un violent rhumatifme en jouant trop fréquemment à la paume, jeu dans lequel il excelloit. (Ce jeu étoit fort à la mode pour lors, même parmi les Grands.) Il voulut en guérir par les fueurs; il fe mit fous l'Archet, c'est-à-dire, qu'il fit enflammer de l'efprit-de-vin, s'enferma dans une cage de papier qu'il avoit fait luimême pour lui fervir d'étuve. Le feu prit à la cage, & il fut étouffé avant qu'on pût lui donner du fecours. Il fe nommoit Chrétien le Breton.

(c) Charles le Breton, Docteur Régent de la Faculté de Médecine, avoit été pourvu le 8 mars 1646, par le Roi (la Reine Régente fa mère préfente), d'un Brevet de Médecin ordinaire, & avoit prêté ferment entre les mains de M. Coufinot, premier Médecin. Le fept décembre de la même année, la Reine Régente mère du Roi, poffédant & exerçant la charge de Grand-Maitre, Chef & Surintendant général de la Navigation & Commerce de France, lui accorda un Brevet de commiffion de Médecin de la Marine. En 1652, le 22 juillet, il fuccéda au fieur Claude Bréget, Médecin de Monfeigneur le Duc d'Enguien. En 1674, il étoit Médecin de Madame la Princeffe, dont il fuivit la fortune, ne l'ayant point abandonnée dans fon exil. Il mourut le rer septembre 1677.

Il fit un Difcours Latin fur la néceffité de l'Hygienne, le 11 octobre 1646; &, le 14 du même mois, l'amitié lui fit prononcer publiquement le Panegyrique de Jean de Montreuil, Médecin de Monfeigneur le Due d'Enguien, premier Prince du Sang.

·Ces deux petits Difcours font écrits avec l'élégance dont la Faculté dé Médecine de Paris eft en possession depuis fi long-temps.

pour leur faire fentir qu'il avoit éprouvé les fecours vifibles de la Providence, dès le premier jour de fa vie, & que jamais depuis ce moment elle ne l'avoit

abandonné.

Il vint au monde jumeau d'une foeur plus forte que lui. Elle s'étoit préfentée la première, & en fortant elle s'étoit aidée de fes pieds, pouffant fortement fur fon frère. La circulation du fang en avoit été apparemment intercep rée. La fille venue, la Sage-femme s'apperçut qu'il y avoit encore un enfant, mais qu'il étoit à craindre qu'il ne fût fans vie, puifqu'il étoit fans mouvement. En effet, s'étant mife en devoir de fuppléer au défaut de la nature, elle détermina la fortie de l'enfant ; &, fans fuivre la route ordinaire, elle délivra tout de fuite la mère fans couper le cordon ombilical; après elle fit mettre le placenta dans un plat fur des cendres chaudes, & retourna à la mère pour la fecourir. Dans cet intervalle, le fang & les liqueurs ayant été raréfiées & mifes en mouvement par l'action du feu, la chaleur se fit fentir: on aida cette chaleur d'un peu de vin chaud dont on frotta les tempes, les narines & la région du cœur de l'enfant, on s'apperçut de quelques battemens; enfin, au grand étonnement des affiftans, qui rioient de toutes ces précautions, l'enfant commença à crier.

De cet accident M. Chomel avoit confervé une délicateffe de tempérament qui ne s'eft diffipée qu'à vingtcinq ans.

Il commença fes études au Collège des Jéfuites. A dix ans, fon père, déja chargé d'une nombreuse famille, l'envoya à Lyon chez un frère, Curé de S. Vincent, રે connu par le Dictionnaire Economique, & par une Communauté dite de l'Enfant Jefus qu'il avoit fondée. Il continua fes études chez les Jéfuites de Lyon, & il eut l'honneur de prononcer le compliment fait à Madame Royale qui alloit à Turin époufer Monfieur le Duc de Savoie. L'éloignement de fa famille, la vivacité de fon tempérament, l'ennui de demeurer dans un presbytère, engagèrent le jeune Chomel à demander fon retour à la maifon paternelle, âgé pour lors de près de quatorze ans. Ses études finies, il fe détermina pour la Médecine; & la partie de cette science qui parut l'attirer davantage fut la botanique.

En 1692 il fuivoit exactement les leçons & les laborieufes herborisations du célèbre Tournefort.

En 1693 des affaires de famille l'engagèrent à aller en · Auvergne, dont fon père étoit originaire (a); mais cé voyage fe fit avec fruit. Les momens de loifir étoient employés à la botanique, & les divertiffemens menoient toujours aux herborifations champêtres.

Ce fut cette année qu'arriva la difgrace de M. Daquin, auquel fuccéda M. Fagon. Jufqu'à ce jour M. Chomel père, ami de M. Daquin, avoit éloigné fon fils de fe mettre fur les bancs de la Faculté, lui faisant envifager la furvivance de fa charge de Médecin du Roi. Véritablement une charge a cela d'agréable, qu'avec quelques études fuperficielles, quelque réfidence dans une Faculté provinciale, où pour l'ordinaire on obtient affez facilement le nom de Docteur, on acquiert le droit d'exercer la Médecine à Paris, concuremment avec des Médecins dont les grades ont été ordinairement mieux mérités.

M. Fagon, parvenu à la place de premier Médecin, s'étoit déclaré ouvertement contre tous les Docteurs étrangers. I regardoit comme un abus pernicieux que des Médecins, qui n'ont pas même le droit d'exercer la Médecine dans les Villes où ils font reçus Docteurs, euffent le droit de venir à Paris faire impunément effai de leur ignorance, aux dépens des perfonnes les plus confidé rables & au mépris de toutes les lois. Ces Médecins Ubiquiftes d'Univerfités provinciales avoient formé une chambre Royale que, peu après fon élévation à la place de premier médecin, M. Fagon fit fupprimer avec éclat. Le jeune Chomel, bien informé de la façon de penser de M.Fagon, termina promptement les affaires qui l'avoient appelé en Auvergne, & vint fe mettre fur les bancs de la Faculté. En 1694 il fut reçu Bachelier. Depuis ce mo ment il s'abandonna à la paffion qu'il avoit pour les Plantes. Il n'épargna ni foins, ni veilles, ni fatigues, ni fanté même pour la fatisfaire. Il faifoit quelquefois fept à huit lieues aux environs de Paris à pied, & revenoit chargé de Plantes qu'il arrangeoit le foir felon leur genre & leurs claffes, fyftême favori de fon maître. Ce travail, fouvent pouffé à l'excès, avec un tempérament plein de feu, occafionnoit des fauffes pleuréfies, des maux de

(a) M. Chomel le père étoit de Ganat. Cependant le nom des Chomel vient du Vivarais où ils font regardés comme nobles. On trouve dans Rivière quatre obfervations que François Chomel, Médecin d'Annonay, lui avoit communiquées. Page 561, édition de Lyon, 1690.

gorge, des douleurs de tête aiguës. Quelques faignées bruiquement faites & réitérées, le rendoient plus léger & plus difpofé à retourner à l'herborifation. Son inclination pour la Botanique étoit encore aidée & fortifiée par de fort bonnes railons. M. Fagon n'étoit point ami de M. Chomel père, attaché à M. Daquin, & étranger à la Faculté de Paris. C'étoit donc un obftacle à furmonter pour parvenir à la furvivance de la Charge de Médecin du Roi. En ce temps-là les Médecins de quartier étoient d'exercice, avoient les mêmes honneurs & prérogatives que le premier Médecin, les grandes entrées, voyoient le Roi dans fes maladies, le fuivoient à l'armée; enfin il n'y avoit point encore de Confeil de fanté, qui n'a été établi que dans le temps de la Régence de Monfeigneur le Duc d'Orléans. M. Fagon aimoit les Plantes, les connoiffoit, & faifoit cas des Botaniftes. Il falloit donc cultiver la Botanique pour faire fa cour à M. Fagon. D'ailleurs, dans le projet que M. Tournefort avoit de faire Hiftoire générale des plantes du royaume, M. Chomel devoit fe charger de l'Auvergne, du Bourbonnois & des montagnes voifines, fi fertiles en Plantes médicinales. Ceft ce qui engagea M. Chomel en 1700, de partir au mois de mai pour l'Auvergne muni de tout ce qui étoit néceffaire pour faire l'analyfe des Eaux minérales du Bourbonnois & de l'Auvergne, fur les lieux mêmes. Il paffa par Ganas, & y fit connoiffance avec un Médecin célèbre (M. Charles), dont il tira de grands fecours & de grandes lumières pour la connoiffance des Plantes.

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En attendant la fonte des neiges, il commença fes recherches fur les Eaux minérales, par la,Limagne. En deux mois il parcourut la haute & baffe Auvergne. Il fit une ample récolte de Plantes, dont plufieurs étoient inconnues & dont il a donné depuis des descriptions dans les Mémoires de l'Académie des Sciences.

Il vifita les Eaux de Vic en Carladois, celles de Chaudes-aigues, perfectionna fes obfervations fur quarante espèces d'Eaux minérales. Le fommet du Cantal d'où l'on découvre cinq ou fix provinces, n'échappa ni à sa curiofité ni à fes travaux. Il alla rendre compte à M. Tournefort, qu'il regardoit plutôt comme fon Maître que comme fon Confrère. Quel plaifir pour lui de pouvoir joindre fon travail à celui d'un auffi grand Maître, & d'enrichir les Herbiers de M. de Tournefort!

Auffitôt après il alla à la Cour rendre compte à M.

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