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LA VIE

DE MONSIEUR

BOILEAU DESPREAUX

A MONSIEUR

ADDISON.

MON

ONSIEUR,

Le foin que quelques beaux Efprits de ce Royaume ont pris de traduire en leur Langue diverfes Pièces de Mr. Despreaux*, n'ayant fait qu'exciter la curiofité des Lecteurs Anglois pour le refte de fes Ouvrages; on a enfin refolu de les fatisfaire en publiant une Traduction complette de tout ce qu'il nous a donné. Mais comme il eft affez ordinaire que l'admiration qu'on a pour les Écrits d'un Auteur, faffe naître des fentimens avantageux pour fa perfonne, & qu'on fouhaite d'être inftruit de fon Origine, de fes Moeurs, & de fa Fortune; ceux qui ont entrepris cette Traduction Angloise des OEUVRES de Mr. Despreaux, ont cru devoir

* Le Comte de Rochester, le Chevalier Soame, Mr. Oldham,
Tome I.
a

&c.

l'accompagner de la VIE de ce fameux Ecrivain, & m'ont prié de leur fournir là-deffus quelques Memoires. Je me fuis d'autant plus facilement rendu à leurs follicitations, que je me fuis flatté qu'un Ouvrage comme celui-là ne vous feroit pas defagréable.

Je prends donc la liberté de vous l'offrir, Monfieur, non feulement pour vous témoigner, combien je fuis fenfible à toutes les marques de bienveillance que vous m'avez données; mais auffi pour vous entretenir d'une perfonne illuftre, que vous avez-connue lorsque vous étiez à Paris, & dont la Converfation n'a fait qu'augmenter l'eftime que vous en aviez déja conçue, par la lecture de fes Ouvrages. D'ail leurs comme ces Mémoires regardent la Vie d'un Auteur qui ne s'eft pas moins rendu célèbre dans les Pays étrangers que dans fa Patrie; je ne pouvois choifir perfonne dont le Caractère eût plus de rapport au fien. Votre Nom, Monfieur, eft connu de tous les Savans de delà la Mer. La Relation de vos Voyages, & les Poëfies dont vous avez enrichi le Public, ont mérité leur éloge, & vous ont justement acquis la réputation d'un des plus polis & des plus judicieux Écrivains de ce Siècle *.

Mais je ne m'apperçois pas que je m'engage infenfiblement dans un détail que votre Modeftie ne fauroit fouffrir. Je m'arrête donc ici, Monfieur, pour ne vous parler que de Mr. Despreaux. Sa manière de vivre fimple & uniforme n'a pu être fufceptible d'Evênemens fort confidérables: fes Écrits me fourniront une plus ample moiffon; & j'en parlerai avec d'autant plus de foin que quand on fait bien l'Hiftoire des Ouvrages d'un Auteur, ce qui a donné lieu de les faire, le tems de leur Compofition, & le but qu'on

* HISTOIRE des Ouvrages des Savans. Octobre 1705. page 435. & fuiv.

NOUVELLES de la République des

Lettres, Septembre 1706. page 304.

ACTA Eruditorum, Dccembre 1706. pag. 534. & feqq.

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s'eft propofé en les écrivant, on a, pour ainfi dire, la clef d'une infinité d'endroits, qui fans cela perdroient leur principale beauté, ou deviendroient même inintelligibles, fur-tout dans un Auteur étranger.

M

R. GILLES BOILEAU, Pere de notre Auteur, étoit Greffier de la Grand' Chambre du Parlement de Paris, & pendant foixante ans qu'il exerça cet Emploi, il ne fe fit pas moins eftimer par fa capacité que par une probité peu commune, & par un défintéreffement affez rare aux perfonnes de fa profeffion. Il mourut en 1653. âgé de plus de quatrevingt ans, & regretté de tous ceux qui le connoiffoient. Il eut plufieurs Enfans qu'il éleva avec beaucoup de foin, & dont trois Gilles, Jaques, & Nicolas, fe font acquis une grande réputation dans la République des Lettres.

GILLES BOILEAU naquit en 1631. Il s'attacha à l'étude de la Jurisprudence, & n'eut pas plûtôt achevé fon Cours de Droit qu'il fut reçu Avocat au Parlement de Paris. Il poffeda enfuite la Charge de Payeur des Rentes de l'Hôtel de Ville de Paris.

En 1655. il donna LA VIE D'EPICTETE ET L'ENCHIRIDION OU ABRÉGÉ DE SA PHILOSOPHIE AVEC LE TABLEAU DE CEBÈS, TRADUITS DU GREC EN FRANÇOIS. Mr. Bayle nous affure, que cette VIE d'Epictete est la plus ample & la plus exacte qu'il ait vue; & que l'érudition & la Critique y font répandues habilement. Il parle auffi d'une manière avantageufe de la Traduction du Manuel d'Epictete & de celle du Tableau de Cebès; ajoutant que tout cela fut fort bien reçu du Public. t

BIBLIOTHEQUE choifie, Tome XI. (1707.) page 198.

JOURNAL des Savans, Février 1709. page 348. Edit, de Holl.

a ij

+ RÉPONSE aux Questions d'un Provincial, Tome I. page 130.

L'année fuivante Mr. Boileau publia un petit Ouvrage contre Meffieurs Ménage & Coftar, fous le titre D'AVIS A MR. MÉNAGE SUR SON EGLOGUE INTITULÉE CHRISTINE; AVEC UN REMERCIEMENT A MR. COSTAR. Il fit auffi quelques Epigrammes contre le fameux Scarron, qui l'avoit attaqué; & il le pouffa fi vigoureufement qu'il le déconcerta..

Il fut reçu dans l'Académie Françoise en 1659. & la Cabale que firent fes ennemis pour l'empêcher d'être admis dans cet illuftre Corps y caufa durant quelque tems une efpèce de Guerre civile, qui fe termina par sa Reception *.

Il obtint en 1669. la Charge de Contrôleur de l'Argenterie du Roi: mais il n'en jouît que quatre Mois; la Mort l'ayant enlevé dans fa trente-huitième Année.

Il avoit deffein de nous donner un COMMENTAIRE SUR LA POETIQUE D'ARISTOTE. On publia à Paris en 1670. un Volume de Pièces de fa façon en Vers & en Profe, intitulé, LES Oeuvres de dEFFUNT MONSIEUR B. DE L'ACADÉMIE FRANÇOISE, CONTROLEUR DE L'ARGENTERIE DU ROI. La plus confidérable Pièce de ce Recueil eft la Traduction en Vers François du quatrième Livre de L'ENEIDE: & ce qui doit nous convaincre du merite de cette Traduction, c'eft qu'elle fait encore regretter aux Connoiffeurs qu'il n'ait pas pouffé fon travail auffi loin que le célèbre Mr. de Segrais.

Il paroit par fes Écrits qu'il avoit beaucoup de penchant à la Satire t. Lors qu'il étoit encore fort jeune & nouvel Avocat, il fit en plaifantant cette Epigramme, être mise au bas du Portrait de fon Pere:

pour

Ce Greffier dont tu vois l'image
Travailla plus de foixante ans,

* DICTIONNAIRE de Moreri à l'Article BOILEAU (Gilles) fuivant l'Edition de Paris de 1707.

+ Voyez la Réponse aux Questions du Provincial, ubi fupr. page 131, & fuiv.

Et cependant à fes Enfans

Il a laiffé pour tout partage,

Beaucoup d'honneur, peu d'héritage,
Dont fon Fils l'Avocat enrage.

Mais ce n'eft là, en effet, qu'une raillerie: car quoique Mr. Boileau le Pere n'eut pas amaffé du bien à proportion de fa capacité & de la réputation qu'il s'étoit acquife; il ne laiffa pas néanmoins d'en gagner affez pour établir fes Enfans dans le Monde, & pour leur affurer après fa Mort une subsistance honorable.

Mr. JAQUES BOILEAU, qui eft encore vivant, prit le parti de l'Eglife: & fon Merite l'a élevé fucceffivement aux Dignités de Docteur de Sorbone; de Doyen, Grand Vicaire & Official de l'Eglife de Sens; & enfin de Chanoine de la Sainte Chapelle de Paris *. Permettezmoi, Monfieur, de rapporter ici ce que Mr. Dupin nous apprend de ce fameux Théologien, dans les derniers Volumes de fa BIBLIOTHEQUE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES, où il parle des Auteurs vivans. Après avoir remarqué qu'il eft affez rare de trouver dans une même perfonne, beaucoup d'efprit & beaucoup d'érudition; une Science parfaite des matières de Théologie & une connoiffance particuliere des Belles-Lettres ; une grande Ledure des Peres & une Etude plus que mediocre des Auteurs profanes; il ajoûte que tout cela fe rencontre néanmoins en la perfonne de Mr. Boileau.

»Mr. Boileau, continue-t-il, Docteur en Théologie »de la Faculté de Paris, de la Maifon & Société de Sor»bone, iffu d'une ancienne famille de Paris confidérable »dans la Robe, Fils d'un Greffier de la Grand Chambre »du Parlement, Frere aîné du célèbre Mr. Boileau Desa iij

Il ne faut pas le confondre Prédicateur, mort en 1704. avec Mr. l'Abbé Boileau, fameux

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