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duffe, en moins de fix mois, être témoin de fon retour à la Cou

ronne:

Par zele il confent à reprendre Un Empire qu'il fçut quitter par pieté,

Du Thrône par vertu nous le vîmes defcendre,

Et par vertu l'y voilà remonté.

Dans toute notre traversée depuis Cadis, jusqu'à l'Ifle de France, il ne nous arriva nulle avanture extraordinaire ; & fans un Phenomene Marin qui attira pendant quelque tems notre attention, nous n'euffions rien découvert de fingulier.

Le fixiéme de Fevrier 1725, à 24 degrez so minuttes de latitude Meridionalle, & à 20 degrez de longitude, fur les deux heures après midi, nous vîmes fur l'eau une infinité de petites pierres difperfées ç'a & là. Elles

étoient de couleur blanche, affez legeres pour furnager, affez fermes pour ne pas fe fondre, mais affez peu folides pour ce der lorfqu'avec la main on vouloit les rompre. Officiers, Pilotes, Matelots, tout le monde fut d'abord furpris à la vûe de ces pierres, & l'alarme fuccéda bientôt à la surprise, parce que nous crûmes appercevoir des Brifans à un quart de lieuë de nous. Si ces Brifans avoient été auffi réels que les obfervateurs le prétendoient, il y auroit eû d'autant plus de danger que le vent, que nous avions en poupe, nous y portoit avec beaucoup de force. Mais la fonde nous calma. On ne trouva point de fond. Nulle apparence de rocher ne parut 3 plus nous avancions, plus la mer se montroit unie, ce qui n'arrive point dans les lieux où elle cache

des écueïls. M d'Albret, M. de la Farelle, M Okart, & moi, nous allâmes dans un canot à la découverte de la fource des pierres ; & nous nous arrêtâmes en un endroit où elles étoient en plus grand nombre qu'ailleurs. Nous en vîmes de groffes comme la tête d'un bœuf, & cette mefure alloit en diminuant dans les autres, jufqu'à la petiteffe des grains de gros fable. D'intervalle en intervalle nous en rencon

trions des pelotons comme fi c'eût été de la neige. La fonde ne nous apprit rien, cette mer blanche fembloit toûjours être fans fond.

De retour au vaiffeau, tout le monde raisonna beaucoup fur la nature & l'origine de ces pierres. Nous en mîmes au feu,nous en trempâmes dans l'eau forte, elles fe maintinrent. Sur cette

double épreuve, nous les déclarâmes Pierres-Ponces, & nous décidâmes que quelque Volcan les vomiffoit Nous osâmes même placer ce volcan dans les Ifles de Tristan d'Acugna, fondés fur ce que M. de la Feüillée qui commandoit la Badine,nous afsûra qu'ayant côtoié ces Ifles, il y avoit vu une plus grande étendue de mer chargée de ces pierres flotantes, que n'étoit celle que nous avions traversée. Nous étions à cent trente lieues de ces lles, ou environ.

Cinq mois dix-huit jours depuis notre départ d'Espagne, je mis pied à terre à l'Ile de France, apellée ci-devant l'Ile Maurice. Elle eft à l'Orient de Madagafcar, à 19 degrez 35 minutes de latitude méridionale,& à 80 degrez 47 minutes de longitude. Les Portugais, & les Hollandois

en ont joui les uns après les autres. Les cerfs, les cabrils, les cochons fauvages qu'on y trouve, les orangers, les citronniers, &c. font d'utiles preuves du féjour qu'y ont fait les premiers.

Cette Ifle a deux ports:le Port Bourbon au Sud-Eft, & le Port Louis au Nord-Eft. Le Port Bourbon eft le plus beau; fa largeur eft d'une lieuë. Trois Paffes y introduisent facilement les vaiffeaux, mais le vent prefque toûjours contraire leur en deffend fouvent la fortie. Au milieu de ce port, votre Compagnie a fait jetter les fondemens d'une magnifique Citadelle,qui est déja élevée jusqu'au premier cordon, par les foins de M. de Nion,habile Ingénieur qui commande pour elle dans l'Ifle.

L'Ile de France charme, de quelque côté qu'on l'éxamine.

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