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»teur, empêche aujourd'hui l'ef » fet de mes finceres intentions. On me traite publiquement d'en» nemi du Sénat; on cenfure ma » conduite ; on me fait un cri» me de vous avoir abandonné les dépouilles de nos ennemis, » & fur tout de vous avoir abfous » du ferment militaire. Je fçai de

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quelle maniere dans la force de » mon âge j'aurois repoussé de pa»reilles injures; mais on méprise » un Vieillard plus que feptuage» naire: & comme je ne puis ni me » venger, ni vous rendre justice, » j'abdique volontiers une dignité qui vous eft inutile. Si cependant » quelqu'un de mes Concitoyens » veut encore fe plaindre de l'ine» xécution de ma parole, je lui a»bandonne de bon coeur le peu » de vie qui me reste; il peut me » l'ôter fans que je m'en plaigne, » ni que je m'y oppose.

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Le peuple n'écouta ce difcours qu'avec des fentimens de respect & de vénération : tout le monde lui. rendit la juftice qui lui étoit dûë, & il fut reconduit par la multitude jufqu'en fa maison, avec autant de louanges que s'il eût prononcé l'a

bolition des dettes. Le Peuple. tourna toute fon indignation contre le Sénat qui l'avoit tant de fois trompé. On ne garde plus alors au cunes mefures ; les Plébéïens s'affemblent publ quement, & les avis les plus violens font les plus agréables à la multitude. Les deux Confuls qui tenoient encore les foldats engagez par leur ferment, fous prétexte d'un avis qu'ils s'étoient fait donner que les ennemis armoient de nouveau, fe mirent en campagne de concert avec le Sénat. Le Peuple qui fentit l'artifice, ne fortit de Rome qu'avec fureur; les plus emportez propoferent même avant que d'aller plus loin, de poignarder les Confuls, afin de fe dégager tout d'un coup du ferment qui les tenoit attachez fous leurs ordres. Mais les plus fages, & ceux qui avoient la crainte des Dieux, leur ayant représenté qu'il n'y avoit point de ferment dont on pût fe dégager par un crime, ces foldats prirent un autre parti. Ils réfolurent d'abandonner leur patrie, & de fe faire hors deRome un nouvel établissement. Ils leven: auffi

me. 259.

tôt leurs enfeignes, changen leurs Officiers, & par les confeils &

An de Ro- fous la conduite d'un Plébéïen appellé Sicinius Bellutus, ils fe retirent, & vont camper fur une montagne, appellée depuis le Mont Sacré,fituée à trois milles de Rome, & proche la riviere de Té

veron.

D. H. 1.6. Une défertion fi générale, & qui paroiffoit être le commencement d'une Guerre civile, caufa beaucoup d'inquiétude au Sénat. On mit d'abord des Gardes aux portes de la Ville, tant pour fa fûreté, que pour empêcher le refte des Plébéïens de fe joindre aux mécontens. Mais ceux qui étoient chargez de dettes, les plus mutins & les plus féditieux, s'échaperent malgré cette précaution ; & Rome vità fes portes une Armée redoutable composée d'une partie de fes Citoïens, & qui pouvoient faire craindre qu'ils ne tournaffent à la fin leurs armes contre ceux qui étoient reftez dans la Ville.

D. H. 1.6.

Les Patriciens fe partagerent auffitôt les uns à la tête de leurs Cliens & des Plébéïens qui n'as

voient point voulu prendre de part à la fédition, occupent les poftes les plus avancez ; d'autres fe fortifient à l'entrée de la Ville; les vieillards fe chargent de la défense des murailles, & tous montrent é-◄ galement du courage & de la fermeté.

Le Sénat, après ces précautions, députe aux mécontens pour leur offrir une amniftie, & les exhorte à revenir dans la Ville ou fous leurs Enfeignes. Mais cette démarche faite trop tôt, & dans la premiere chaleur de la fédition, ne fervit qu'à faire éclater l'infolence du foldat. Les députez furent renvoyez avec mépris, & on leur donna pour toute réponfe; Que les Patriciens éprouveroient bien tôt à quels ennemis ils avoient à faire.

Le retour de ces envoyez augmenta le trouble dans la Ville. Les deux Confuls dont la Magiftrature expiroit, indiquerent l'affemblée pour l'élection de leurs fucceffeurs; perfonne dans une conjoncture fifâcheuse ne se préfenta pour deman- An de Roder cette Dignité; plufieurs même me 260,ou la refuferent. Enfin on obligea

261.

Pofthumius Cominius, & Spurius Caffius Vifcellinus, perfonages Confulaires, de l'accepter, & le Sénat fit tomber fur eux les fuffrages, parce qu'ils étoient également agréables aux Nobles & aux Plébéiens, & que Caffius fur-tout s'étoit toûjours ménagé avec beaucoup d'art entre les deux partis.

Les premiers foins des nouveaux Confuls furent de convoquer le Sénat, pour délibérer fur les moyens les plus prompts & les plus faciles de rétablir la paix & l'union entre les différens Ordres de l'Etat.

Ménénius Agrippa perfonnage Confulaire, illuftre par l'intégrité de fes moeurs, auquel on demanda le premier fon avis, opina qn'il falloit renvoyer de nouveaux députez aux mécontens, avec un plein pouvoir de finir une affaire auffi fâcheufe, aux conditions que ces Commiffaires jugeroient les plus utiles à la République. Quelques Sénateurs trouvoient que c'étoit commettre la dignité du Sénat que de députer de nouveau à des rebelles qui avoient reçu fi indigrement fes premiers envoyez.

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