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la fuite ces Religieux ne les voulurent jamais admettre. Surquoy Raoul de Tongres dit qu'il eft plus fûr de les imiter; Securius videtur in illis (Profis) fequi Carthufienfes & Ciftercienfes. Et c'eft auffi le party qu'on a cru devoir pren dre dans le projet de Réformation du Miffel de l'Ordre de Clugny.

L'Eglife de Rome a semblablement esté sur ce point, des plus difficiles & des plus circonfpecte, & encore actuellement elle n'avoue & ne reconnoit que quatre Profes. Celle de Pafques (Victima Pafchali), celle de la Pentecofte ( Veni fanite Spiritus) celle du faint Sacrement (Lauda Sion) & celle des Morts (Dies ira). Gaftaldus, Clerc régulier regarde cette derniere Profe) comme plus convenable aux Vivans qu'aux Deffunts; & s'eftonne qu'on y ait ait ajouté à la fin ces paroles, Pie Jefu Domine dona eis requiem, qui ont rapport à des Morts, dont jufques là dit cet Auteur, il n'eft fait aucune mention dans toute la Profe.

Bien plus, à Bourges on n'admet que les trois premieres & point celle des Morts; & à Arles elles eftoient toutes rejettées vers le milieu du xiv. fiécle. Et en effet la plupart des anciennes Profes eftoient fi obfcures, fi remplies de termes & d'expreffions dures, fauvages & inintelligibles, que, loin d'inftruire & d'édifier, elles ne fervoient qu'à deshonnorer V.Grimaud, la majefté de nos Mysteres. Verba nova, incoLiturg. p.2. gnita, inufitata, dit Durand. Crevit earum nuLiturg, 1. 2. merus, dit auffi le Cardinal Bona & irrepfe

c. 9.

c. 6.

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runt nonnulla prorfus inepta. Ce qui pouvoit provenir de ce qu'au lieu qu'en toute autre ef

péce de chant, on compofe d'abord les paro-
roles aufquelles on ajufte enfuite la note, qui
ne doit eftre en effet qu'acceffoire à la lettre ;icy
au contraire,parceque la note de l'Alleluia faifoit
le fond & pour ainfi dire le cannevas de la com-
pofition, il falloit de néceffité y affujettir &
y faire cadrer la lettre : enforte que contraint
d'ailleurs par la rime que demandoit la Prose,
on n'eftoit pas tout à fait maiftre des expref-
fions ni du choix des paroles, en un mot il y
avoit peu de liberté pour la locution; joint
à cela le gouft & le caractere gothique de ces
temps là.» Génébrard dit, qu'en plufieurs
lieux les Profes font obfcures & peu Latines."
Ce qui eft advenu de propos déliberé, afin «
que le ton, le chant & la rithme, fuffent «
plus harmonieux & plaifants à l'oreille; car «
elles ont efté proprement inventées pour la ce
mufique & mélodie, d'où au commencement <<
elles s'appelloient Jubilations. SEQUITUR
jubilatie, dit l'Ordre Romain, quam Sequen-
tiam vocant. Car l'Abbé Nogerus avoit tranf-
feré en féquence ou Profe mefurée & rith-«
mée, l'antique Pneume, qui s'appelloit an- «
ciennement Jubilum & Halleluia jubilatum,«
l'Alleluia fredonné & chanté fans parole avec « foufle.
Pneume, & jubilation, qui eft une longue «
traifnée de voix fans autre parole. Les Mu-«
ficiens & Chantres, obfervent cela principa- «
lement en toutes langues & ne fe foucient «..
pas beaucoup de la latinité & congruité de «
la grammaire. Le Concile de Cologne de 1536.

laiffe la liberté d'obmettre & de retrancher la
plufpart de ces Profes: Profas indoctas nuperius

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Pneume c'est-à-dire,

Miffalibus coco quodam judicio invectas, pratermittere per nos licebit. » Celuy de Cambray de 1565. recommande de revoir & de corriger celles qui fe trouvoient gauches & mal faites,

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I.

REMARQUE XVI.

Sur le JUBE DOMNE BENEDICERE.

"J

] UBE. Ce mot eft icy pour velis. Tout de mefme à la Préface, noftras voces ut admiti JUBEAS, pour admitti velis ; & encore in electorum tuorum JUBEAS grege numerari, pour velis grege numerari, dans la priere Hanc igitur Oblationem ; & enfin JUBE hac perferri, pour velis hac perferri dans le Supplices te rogamus. De mefine encore, en quelques Oraifons qui fe difent pour les Morts, fanctorum tuorum JUBEAS (id eft velis) effe confortem, ou jungi confortio. Diony fuum JUBEO falvere, dit Ciceron, pour volo ou opto falvere; à la lettre, Je fouhaite que Denis fe porte bien « JUBEO Chremetem falvere. dit auffi Térence, dans la mefme fignification. Si JUBES, vadam in agrum, difoit Ruth à fa belle mere ; » fi vous l'agréez, fi vous le permettez, fi vous le voulez bien, j'iray « dans quelque champa. Saint Benoift prend auffi affez fouvent ce mot au mefme fens dans fa Regle.

II. DOMNE ou DOMINE. 1 Domne n'eftant icy que par fyncope ou contraction, pour Do

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mine; comme on dit compoftus pour compo fitus; repoftus pour repofitus. Il y a des Eglifes où on dit Domine, d'autres où on dit Domne, à Mets ils difent Jube benedicere Reverende Pater. On demande dans les Couvents des Religieufes, s'il faut dire Jube Domna. Mais peut-on douter qu'on ne doive féminifer les termes mafculins qu'on applique aux fem

mes ?

BENEDICERE.] Benir, prier pour quelqu'un, 'demander pour luy les graces qui luy font néceffaires. Abeuntes benedicite mihi, difoit Pharaon à Moyfe & à Aaron, en les preffant de fortir d'Egypte ; » En vous en allant priez pour moy. A la lettre, Jube, Domne, benedicere, faites moy, Moufieur, la grace de me benir; ayez la bonté de prier pour moy. Telle eft la formulle dont fe fert le Diacre à la Meffe haute, pour demander la bénédiction au Preftre ; c'eft-à-dire , pour fe recommander à fes prieres avant que d'entreprendre la lecture de Î'Evangile. Formule que le Preftre, par pure adhérence à cette Meffe, retient infenfiblement à la Meffe baffe, quoiqu'il n'ait perfonne alors au deffus de foy, à qui il puiffe addreffer ces paroles, Jube Domne benedicere,ni à qui le Domne convienne, à moins que par une feconde intention, on ne veüille détourner l'idée de ce mot & rapporter icy à Dieu, ce qui, à la Meffe haute, s'addreffe précisément au Preftre. Auquel cas, on doit, felon quelques Rubricaires, dire icy Domine & non Domne; ces Rubricaires trouvant cette différence entre Dominus & Domnus, que le premier, difentils, eft un titre réservé à Dieu feul. Surquoy

ils rapportent communement ce vers:

Cœleftem Dominum, terreftrem dicito Domnum (1).

Mais conftamment il n'y a de différence entre ces deux expreffions, que celle que nous avons marquée plus haut; au fond il n'y en a pas plus, pour citer encore d'autres exemples, qu'entre extit & exiftit, dixti & dixifti. Ce n'eft par tout là qu'une fyncope de l'i. Auffi les Carmes, en difant ces mots à la Meffe baffe, Jube Domne, & non Domine) benedicere, n'hefitent-ils pas à les addreffer à Dieu, vers lequel ils levent en mefme temps les yeux.

C'est encore en ce mefme fens de demander bénédiction ou fe recommander aux Prieres, que le Pontife defcendant autrefois de fon fiége après la Meffe, on employoit ces mefmes paroles pour luy demander fa bénédiction & fe recommander à fes prieres, Jube Domne benedicere. Ayez la bonté, Monfieur, de nous benir, de prier pour nous ; & le Pontife répondoit, Benedicat vos Dominus, que le Seineur vous beniffe. Jubete ( pour velitis) Domini mei orare pro me, difoit le Lecteur, felon la regle du Maistre avant que de commencer la lecture de Table; Ayez la bonté, Meffieurs, de prier pour moy, de me benir. L'on voit par tous ces endroits & par tout ce que

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(1) On ne laiffe pas, malgré cette diftinction, de trouver dans un Miffel Manufcrit de l'Abbaye de Vendofme de 1457. le titre de Domnus appliqué à Dieu mefme Dompri Dei fui. C'est ainfi qu'autrefois on écrivoit Dompnus pour Domnus, comme on écrivoit Pampaum pour Damnum,

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