P OUR remplir d'une manière curieuse & fatisfaisante l'objet qu'on s'est proposé, il est nécessaire d'entrer dans les plus grands détails, & de former plusieurs comparaisons; la première servira à constater laquelle de ces trois Généralités renferme la population la plus nombreuse par rapport à l'étendue du terrain. La seconde, quelle est celle où les Villes, Bourgs & Paroiffes font les plus peuplés. La troisième, quelle est celle où l'on se marie le plus. féconds. La cinquième, quelle est celle où les naissances sont les plus nombreuses, par proportion au nombre des habitans. La sixième, quelles font les proportions qui existent entre chaque classe d'habitans. La septième comparaison fera connoître dans laquelle des trois Généralités la population est le plus augmentée depuis la fin du dernier siècle. Mais avant de former toutes ces comparaisons, qui doivent faire connoître les avantages & les désavantages de ces trois provinces comparées entre elles, par rapport à la population, on exposera ce qu'on croit caractériser une population florifsante. On peut considérer la population, 1.o par rapport au nombre des habitans; 2.o par rapport aux proportions qui existent entre les différentes classes d'habitans qui composent la population d'une province; 3. enfin, par rapport à ce qui peut contribuer à entretenir ou à détruire la population : & c'est sous ces différens points de vue qu'on va examiner ce qui ca ractérise une population florissante. On ne peut décider qu'une population est nombreuse, qu'en la considérant relativement à l'étendue du terrain qu'elle occupe; par conféquent, plus une province contient d'habitans par lieue, plus sa population est nombreuse & plus elle est florissante. Les habitans se divisent par sexe, par âge, & par état. En général, il naît plus de mâles que de femelles; mais les armées de terre & de mer, & le commerce maritime enlèvent un grand nombre d'hommes; l'espèce mâle est d'ailleurs exposée à des fatigues & à des métiers qui en abrègent la vie, & dont les femmes sont exemptes par le genre de leur occupation, & c'est par ces raisons que le nombre des mâles en général est inférieur à celui des femelles, tant dans les villes que dans les campagnes. Mais comme il seroit à desirer, pour l'accroissement de la population, que les mâles & les femelles fussent égaux en nombre, on peut dire que plus le nombre des mâles est approchant de celui des femelles, plus la population est flo rifsante. On peut diviser les habitans d'une province en 5 classes : SÇAVOIR, 1.re Les hommes mariés ou veufs, & les femmes mariées ou veuves. Les garçons & filles au-dessus de 14 ans. 2. 3. Les garçons & filles de 14 ans & au-dessous. 4. Les domestiques mâles & les domestiques femelles. 5. Les ecclésiastiques mâles & les ecclésiastiques femelles. Les hommes mariés ou veufs & les femmes mariées ou veuves, ne paroiffent former dans la société qu'un seul ordre de citoyens. Mais comme la mortalité des hommes est plus grande que celle des femmes, il y a en général plus de veuves que de veufs. Les garçons & les filles au-dessus de 14 ans, forment la classe des citoyens la plus près de l'état de mariage & des professions utiles. L'uniformité de nombre entre les uns & les autres est nécessaire pour rendre la population florissante. Les garçons & les filles de 14 ans & au-dessous, passent insensiblement dans la classe précédente, & y remplacent ceux que le mariage en fait fortir. Comme Comme l'espèce des mâles est moins nombreuse au - dessus de 14 ans que celle des femelles, & que la consommation des hommes est plus considérable que celle des femmes, par les raisons qu'on a alleguées précédemment; on peut dire que plus le nombre des mâles de 14 ans & au-dessous est supérieur à celui des femelles du même âge, plus la population est florissante. L'état de domefticité dans les Villes est en général nuisible à la population; le plus grand nombre de ceux qui y vivent, restent dans le célibat, sont des bras inutiles à l'Agriculture, aux Manufactures, au Commerce : les domestiques de la campagne font à la vérité dans un cas différent, puisqu'ils aident leurs maîtres à la culture des terres; mais le plus grand nombre d'entre eux vit dans le célibat: par conféquent moins les domestiques font nombreux, plus il y a d'avantage pour la population. L'état ecclésiastique est sans doute nécessaire, mais il sera toujours avantageux à la population qu'il soit le moins nombreux possible; par conféquent moins une province à d'ecclésiastiques plus la population doit y être florissante. La population se soutient & s'accroît par le moyen des naissances. Les mariages produisent les naissances; les mariages & les naissances influent donc essentiellement sur la population. Pour connoître les avantages ou les défavantages d'une province par rapport à la population, il faut examiner le nombre des mariages & leur fécondité: s'ils font nombreux, il y aura peu de célibataires; & s'ils font féconds, ils donneront beaucoup de naissances: par conféquent le grand nombre de mariages & leur fécondité est une marque certaine que la population est florissante. La Providence en donnant à l'espèce humaine les moyens de se multiplier & de se perpétuer, a assujetti les hommes à la destruction: cette destruction a sans doute ses loix; il n'y a que la connoissance de la durée de la vie moyenne des hommes qui puiffe les faire connoître. Il y a lieu de croire que la destruction de l'espèce humaine est proportionnée aux moyens qu'elle a de se multiplier; s'il en étoit autrement, la population dépériroit ou se multiplieroit trop ; mais tant qu'on ignorera 1.o la durée de la vie moyenne des hommes ; 2.o fi cette vie moyenne est la même pour les hommes de tous les climats, il restera toujours quelque chose à defirer sur la population ; & cette connoissance est absolument nécessaire pour fixer un jugement certain sur les avantages & les défavantages de la population d'une province, comparée à la population d'une autre province. Tout ce qui doit constater une vérité exige les recherches les plus exactes & les plus étendues. Peu de personnes se sont occupées de celle dont il s'agit ici, & quelques unes font tombées dans de grandes erreurs : on se servira des recherches qu'on a faites sur cet objet dans les Généralités de Lyon & de Rouen pour acquérir la connoifsance de la vie moyenne des hommes de ces deux provinces, & des périodes les plus sujettes à la mortalité. On pourroit suppléer en quelque forte à la connoissance de la durée de la vie moyenne des hommes, par la comparaison des morts d'une province aux habitans qu'elle renferme; mais le défaut d'exactitude des Curés de la province d'Auvergne & de la Généralité de Lyon, a déterminé de supprimer dans cet Ouvrage la recherche qu'on avoit faite des morts de ces deux Généralités, & empêche par conféquent la comparaison du nombre des morts à celui des habitans. Ce défaut d'exactitude des Curés est d'autant plus fâcheux, que cette comparaifon auroit donné de grandes lumières pour connoître dans |