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de rien faire fans vous confulter en une affaire de cette importance. Il s'eft toutefois dés le commencement affez declaré fur ce fujet : il a toûjours reçû les nonces & les lettres du pape Alexandre avec refpect & agrément, & a souvent declaré en public qu'il n'en recevroit point d'autre. Au contraire quand la lettre d'Octavien lui fut presentée, il ne voulut pas la toucher de fa main, la regardant comme quelque chofe d'immonde : il l'a reçût fur un morceau de bois qu'il ramassa dans la pouffiere, & la jetta derriere fon dos le plus haut qu'il put en presence du nonce : ce qui fit rire tous les affiftans.

AN. 1160.

Arnoul de Lifieux écrivit auffi aux cardinaux epist. 23.

pape

p.8.

an. 1160.

qui étoient avec le Alexandre: leur marquant les diligences qu'il avoit faites, pour le faire reconnoître par le roi d'Angleterre. Il dit, qu'il cft toûjours avec les legats, pour procurer avec eux l'avantage de l'églife Romaine. C'étoit Henri de Pife Matth. Paris & Guillaume de Pavie prêtres cardinaux. Il rend témoignage à leur vertu, à leur doctrine & à la douceur avec laquelle ils traittoient les affaires. Enfuite il ajoûte: quant au fait pour lequel le roi de France a été fcandalifé contre eux, ne doutez point qu'ils ne foient excufables: car jamais on ne les auroit fait confentir à cette difpenfe, s'ils n'y avoient été engagez par une neceffité invincible, & par l'efperance de procurer un bien incftimable. On s'étoit affemblé par ordre du roi pour traiter de la reception du pape, dont on n'avoit encore rien ordonné publiquement. Les

.AN 1160.

Sup. n. 31.

An. 1100.

legats voïoient l'affaire de l'église en grand peril: parce que plufieurs n'ofant ouvertement combattre la verité, difoient par une politique humaine qu'il falloit differer, & attendre l'évenement plûtôt que d'expofer la réputation de deux fi grands princes. Que l'église Romaine avoit toûjours été à charge aux fouverains, & qu'il faloit profiter de l'occafion de fecoüer ce joug. Que la question feroit decidée par la mort de l'un ou de l'autre, & que l'autorité des évêques pouvoit cependant suffire en chaque roïaume. Les envoïez de l'empereur infistoient sur ces raifons avec les deux cardinaux Jean & Gui legats d'Octavien, & ils auroient triomphé du moindre délai : d'autant plus que tout le monde croïoit que les deux rois étoient favorables à Alexandre. D'ailleurs le roi de France se raportoit au roi d'Angleterre de la décision de l'affaire, & avoit déclaré publiquement qu'il fuivroit fon avis. Ainfi il falloit plûtôt accorder la difpenfe au roi d'Angleterre, que l'éloigner par la severité d'un refus : puisque dés qu'il s'eft declaré pour vous, vous avez gagné la France,l'Angleterre, l'Espagne, l'Irlande & en dernier lieu la Norvege.

Je ne voi point quelle pouvoit être cette dispen, se,sinon pour le mariage qui avoit été résolu entre Henri fils du roi d'Angleterre & Marguerite fille Matth. Paris, du roi de France encore enfans. Car il fut confirmé par l'autorité des legats du pape Alexandre, & il ne pouvoit l'être fans difpenfe: tant à cause du bas âge des parties, que parce que le prince étoit fils d'Alienor, qui avoit long-tems paffé pour la fem

me

me légitime de Loüis, & dont il avoit eu des en- AN. 1160. fans. Or encore que ce prince fouhaitât ce mariaêtre fcandalifé de la facilité des le

ge,

il pouvoit gats à accorder la dispense.

On voit encore mieux ce qui fe paffa en Angleterre fur l'affaire du fchifme, par les lettres de Jean de de Sarifberi, qui étoit alors chapelain & fecretaire de Thibaut archevêque de Cantorberi. Ce prelat, ou plûtôt Jean fous fon nom, écrivit donc au roi d'Angleterre en ces termes : Le fchifme de l'église Romaine excite ceux qui aiment la nouveauté & encourage les audacieux. Car chez nous les uns pretendent aller trouver Alexandre, les autres Victor. Pour nous, nous ne favons lequel des deux a la meilleure cause : nous ne pouvons retenir ceux qui vont par legereté vers l'un ou l'autre, & nous ne croïons pas permis de reconnoître l'un des deux dans vôtre roïaume fans vôtre confeil, tandis que la chofe eft en fufpens. Que ferons-nous done, nous qui fommes plus foûmis à vos ordres que les autres & plus engagez à l'église Romaine, étant obligez par nôtre ferment à la vifiter en certains tems? C'eft que l'on prenoit alors ferieufement la promesse que font les évêques, d'aller à Rome tous les trois ans ou tous les cinq ans, fuivant la diftance des lieux, qui n'est plus regardée que comme de style. L'archevêque continue: Or il feroit dan gereux pour nous d'être prévenus auprès du pape qui l'emportera, par ceux qui ont reçû moins d'ho neur que nous de l'églife Romaine. Nous attendons & defirons fur tout cela vôtre confeil & vôtre se

Lettres de Jean
Sarifberi.

XLVII.

ap. F. Sarift.

epift. 44.

AN. 1160

cours. En cette lettre l'archevêque Thibaud témoigne qu'il n'a plus guere à vivre, à cause de son grand âge & de fes infirmitez.

Le roi Henri étoit absent d'Angleterre, comme l'archevêque le dit expreffement dans une autre lettcc: c'est-à-dire qu'il étoit en Normandie, où il faifoit fa refidence ordinaire, Dans cette autre lettre l'archevêque dit : Nous avons appris certainement que l'églife Gallicane a reçû Alexandre & rejetté Octavien, & autant que l'on peut connoître humainement, il femble qu'elle a pris le meilleur parti: car tout le monde convient qu'Alexandre a plus de réputation, de prudence, de lettres, d'éloquence : tous ceux qui viennent de là difent que fa caufe eft la plus jufte ; & quoi que nous n'aïons encore reçû ni nonce ni lettres de l'un ni de l'autre, nous favons que tous les Anglois ont plus d'inclination pour Alexandre, fi vous y joignez vôtre confentement. Or nous avons oüi dire que l'empereur s'éforce de vous attirer au parti d'Octavien. Mais à Dieu ne plaife, que dans un fi grand peril de l'église vous faffiez par refpect humain autre chofe que ce qui lui doit être agréable, en foûmettant toute l'église de vôtre roïaume à un homme, qui, comme on le dit publiquement, a envahi le faint fiége, fans élection, fans vocation divine par la faveur de l'empereur foul. Car prefque toute l'églife Romaine eft du côté d'Alexandre. Or nous avons apris par la lecture, qu'en cas pareil ceux que l'églife Gallicane a reçûs ont prevalu: comme de nôtre tems Innocent con

tre Pierre, Caliste contre Bourdin, Urbain contre AN. 1160. Guibert, Pascal contre trois antipapes; & plufieurs autres du tems de nos peres. Mais vous ne devez rien faire en une affaire de cette importance fans le conseil de vôtre clergé.

Quand on eut apris en Angleterre ce qui s'étoit paffé à Pavie, Jean de Sarifberi en écrivit ainsi à un docteur Anglois de fes amis nommé Raoul de 59. Serre, qui étant à Reims lui avoit écrit au sujet du fchifme. Nous craignons extrêmement, dit-il, que l'empereur d'Allemague ne furprene nôtre prince par les artifices: mais il me femble que le conventicule de Pavie loin de toucher une perfonne raisonnable, affermit l'élection d'Alexandre, par le témoignage de fes adverfaires. Car, pour ne point parler de la témérité d'avoir osé juger l'église Romaine refervée au jugement de Dieu feul, ni des autres nullitez de la procedure, tout ce qui s'est fait à Pavie cft contre l'équité, les loix & les canons. On a condamné des abfens, fans avoir examiné la cause, qui devoit même l'être ailleurs & par d'autres. Mais dira-t-on, ils ont affecté de s'abfenter. C'eft ignorer ou diffimuler le privilege de l'église Romaine, Qui a foûmis l'église universelle au jugement d'une église particuliere ? Qui a établi les Allemans juges des autres nations? Qui a autorifé des hommes brutaux & impetueux pour donner à leur fantaisie un chef à tous les hommes ? Mais je sai le deffein de l'empereur, car j'étois à Rome fous le pape Eugene, lors qu'à la premiere ambaffade que ce prince envoïa au commence

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