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Le Senat ordonne que les foldats qui jufques alors avoient fervi à leurs dépens, feroient entretenus par la République, & &que pour fournir à cette dépenfe, il fe feroit une impofition dont perfonne ne feroit exempt. Ce Senatus Confulte eft confirmé par un Plebifcite malgré les plaintes & les proteftations des Tribuns.

Es deux Confuls fe difpoferent à marcher contre les Sabins, les Eques & les Volfques. Mais avant que de fortir de Rome, ils expoferent publiquement les dernieres Loix des Decemvirs gravées fur des tables de cuivre. Ils fe mirent enfuite chacun à la tête de leur Armée. L'un & l'autre remporta une victoire complete fur les ennemis. Ils demanderent à leur retour que fuivant l'usage on en rendît des actions de graces folemnelles aux Dieux, & qu'ils fuffent enfuite reçus dans Rome en triomphe. Mais la plûpart des Senateurs qui ne pouvoient leur pardonner l'attachement qu'ils avoient fait paroître pour les interêts du peuple, fse firent un plaisir

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fecret de leur refufer un honneur qui jufques alors n'avoit dépendu que du Senat. C. Claudius leur D. H. fub. reprocha même qu'ils étoient com- fin. 1. 11. plices de la mort d'Appius fon neveu que les Tribuns avoient fait étrangler en prifon avant qu'il eût été entendu dans fes défenfes. Ne nous aviez-vous pas promis folem- « nellement, leur dit-il, que l'abdica- « tion des Decemvirs feroit fuivie « d'une amniftie generale? Cependant nous n'avons pas plûtôt obligé ces Magiftrats à fe dépofer eux-mê- « mes, que les uns ont été égorgez, « & les autres contraints de fe bannir « de leur patrie pour fauver leur vie. « Appius le chef de la maison Clau- « dia, le premier des Decemvirs, a « été étranglé en prifon fans aucune forme de Juftice, & fans qu'il ait été entendu dans l'Affemblée du « peuple, de peur que ce peuple ge- « nereux, touché des larmes & de la défolation d'une famille qui a fi bien « merité de la République, ne lui fit ce grace. Et nos Confuls, les chefs & les protecteurs du Senat, eux qui ce devroient expofer leurs vies pour la «e confervation de fa dignité, ont diffi- «

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» mulé lâchement l'affaffinat du mal» heureux Appius, & n'en ont fait » aucune pourfuite.

Le Senat irrité contre les Confuls par le difcours de C. Claudius, les déclara indignes des honneurs du triomphe,-& on leur fit entendre qu'ils étoient bien heureux qu'on ne les punît pas de leur intelligence criminelle avec les meurtriers d'Appius. Valerius & Horatius outrez d'un refus qui les deshonoroit, en porterent leurs plaintes dans l'Affemblée du Peuple, & le Tribun Icilius lui demanda en leur faveur les honneurs du triomphe. Plufieurs Senateurs fe trouvèrent fur la place pour traverser cette brigue: C. Claudius étoit du nombre.Quoiqu'il eût toujours été oppofé au gouvernement des Decemvirs, cependant il ne pouvoit pardonner aux deux Confuls, d'avoir abandonné fon neveu à la fureur des Tribuns. Il reprefenta au peuple avec beaucoup de courage, qu'il n'avoit jamais pris connoiffance, ni décidé des honneurs du triomphe; que ce droit appartenoit uniquement au Senat, & que la Répu

blique ne demeureroit jamais libre & tranquile qu'autant qu'un des Ordres de l'Etat n'entreprendroit point fur les droits & les privileges des autres.

Mais malgré la juftice qu'il y Tit. Liv. avoit dans ces remontrances, le Dec.1.1.3. peuple décerna le triomphe aux Confuls: nouvelle entreprise des Tribuns fur l'autorité du Senat: ils n'en demeurerent pas-là. Ces Magiftrats Plebeiens, qui par la complaifance des deux Confuls,avoient une autorité abfolue dans la République, réfolurent entr'eux de fe perpetuer dans le Tribunat, & de continuer les deux Confuls dans leurs Charges: autre efpece de conjuration contre la liberté publique, peu differente de celle des Decemvirs. Ils couvroient leur ambition de la neceffité qu'il y avoit de continuer les mêmes Magiftrats, dans un tems que les Loix nouvelles n'étoient pas encore folidement établies. Mais pour éloigner le foupçon qu'ils vouluffent fe rendre seuls maîtres du gouvernement, ils infi- ) nuoient au peuple qu'il devoit continuer Valerius & Horatius dans le

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Confulat. Heureufement pour la République il fe trouva un Tribun affez noderé & affez habile pour faire tomber ce projet ambitieux. C'étoit ce même Duillius qui venoit d'arrêter par fon autorité la poursuite de fes Collegues contre les partifans des Decemvirs. Il préfidoit ce jour-là à l'affemblée qui fe devoit tenir pour l'élection des nouveaux Tribuns. Il représenta aux deux Confuls, que la liberté étoit perdue fi on laiffoit les dignitez de la République plus d'un an dans les mêmes mains. Valerius & Horatius lui donnerent parole de n'accepter jamais aucune continuation dans le Confulat. Duillius pour s'en mieux affurer, leur demanda publiquement & en pleine affemblée,quelle conduite ils tiendroient fi le peuple Romain, en consideration de la liberté qu'ils avoient rétablie, vouloit les continuer dans leur dignité. L'un & l'autre déclarerent que pour la confervation de la même liberté, ils refuseroient toute prolongation du pouvoir fouveAn de rain, comme contraire aux Loix. Rome 305 Duillius en ayant tiré cet aveu, leur

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