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de troupe de Bonites fe promener fur l'eau, s'élancer, & fe pourfuivre. Après-midi un calme foudain fucceda au vent de Sud & le foir un furieux vent de Nord s'éleva tout à coup. Nous fûmes toute la nuit, & le lendemain à la Cape. ce jour-là fur le foir le vent ceffa en un inftant, mais la mer, qui étoit encore fort agitée, nous fit rouler extraordinairement toute la nuit.

Le 13. nous apperçûmes deux Navires qui nous vinrent reconnoître. C'étoit la Diane Frégate du Roy armée au Havre de Grace, de l'Efcadre de M. du Caffe, & la Paix armée au PortLouis. Nous apprîmes que les roulis de la nuit précédente lés avoient prefque contraints de démâter.

Le 14. notre petite Escadre fut augmentée d'un Vaiffeau Ef

pagnol qui étoit parti de Campeche pour la Vera Crus. Ce foir là le Ciel parut fort couvert des nuées noires occupoient tous les bords de l'horifon: on apperçut en même tems des nuages verdâtres près de la mer du côté du Septentrion; ces indices joints à un calme plat, nous firent juger que nous allions être affaillis d'une furieufe tempête. Nous ne fumes. pas long-tems à l'attendre. Le Nord fe déclara tout à coup avec furie, chaque Vaiffeau prit fon parti comme il put: le Navire Espagnol, après s'être foutenu quelques heures, s'abandonna au gré du vent, & nous le vîmes courir vent arriere sous la mifaine: les deux Vaiffeaux François nous quitterent.

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Le lendemain 15. la mer fut plus agitée que jamais. Quand

notre Navire fe trouvoit entre deux lames, il nous fembloit être dans une vallée à perte de vûë,entre deux montagnes d'eau, qui nous cachoient même le haut des mâts du S. Jean-Baptiste, autre Vaiffeau dont nous n'étions éloignés que de trois portées de fufil. Le foir pendant le fouper, une vague plus forte que les autres ayant fait extrêmement pancher notre Vaiffeau, les plats, les mets, tout fut renverfé; & bien que chacun tâcha de s'accrocher à tout ce qu'il rencontroit, il nous fallut enfin tomber les uns fur les autres. Un oyfeau de la grandeur & de la forme d'une beccaffine, fut porté fur notre bord par la violence du vent.

Le 19. nous rencontrâmes les deux Vaiffeaux François dont la tempête nous avoit feparés

& nous arrivâmes ensemble le même jour à la Vera Crus. C'est là que finit notre premiere navigation de deux mille deux cens lieues. La Vera Crus, eft à 19. dégrés & 10. minutes, & à 7 heures de différence du Meridien de Paris, felon l'obfervation & l'eftime de nos Pilotes. not enq sigh 3 "Je ne fçai fi l'on doit donner le nom de Port à la rade de la Vera Crus. Les Vaiffeaux moüillent à l'abri du Fort de S. Jean Dulüace Fort a été conftruit dans une petite Ifle, que la marée couvre entierement, lorfqu'elle eft haute. Ce -fut le Vendredy Saint de l'année 1519 que Fernand Cortes débarqua près de S. Jean Dulüa, & d'eftrà l'occafion del ce faint jour, qu'il donna le nom de Vera Crus à la Ville, qu'il

fonda cinq lieues plus au Nord que la petite Iffe Dulüa. On l'appelle à prefent la Vieja vera Crus, pour la diftinguer de celle où eft maintenant le Port, qu'on nomme la Nueva vera Crus. C'est le feul Port qui foit dans le Golfe du Mexique. Cette Ville n'eft que le tiers de la Havane: elle n'eft confidérable que par le féjour qu'y font les Vaiffeaux Marchands qui viennent de Cadix, & qui s'en retournent chargés d'argent, de cacao, d'indigo, & de cochenille.

Nous en partîmes le 3. Février. Nous perdîmes de vûë la mer, pour continuer fur terre notre voïage. Comme la féchereffe étoit grande, nous primes un chemin qu'on a fait depuis quelques années, & qui eft beaucoup plus commode que l'ancien chemin, qu'on eft obligé de fuivre

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