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C'en eft donc fait, Comte! Je ne ferai jamais à vous: ma mere l'a juré. Oui, Mademoiselle, repartis-je, elle a juré ma mort, & je vois que vous y confentez. J'y confens, reprit-elle! Que vous êtes cruel Que puis-je oppofer à la volonté d'une mere? Celle" d'un pere, répliquai-je ; fa parole que le mien a reçûë; reçûë; la permiffion qu'il vous avoit donnée de me choifir ou de me refufer pour époux ; votre choix fait & autorife meme par cette mere,. qui n'a plus le droit de le trouver mauvais enfin votre cœur, qui vous feroit ofer davantage, s'il étoit plus touché. S'il étoit plus touché, s'écria Alix! S'il l'étoit moins, je ferois moins à plaindre. Elle ne put, dans ce mo-. ment, retenir fes larmes. Quoi ! divine Alix, lui dis-je, je vous coûte des pleurs quand je vous

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adore! Ou ceffez de m'aimer, ou aimez-moi affez pour ofer vous arracher des bras d'une mere, qui n'a plus pour vous que de la haine. Ni fa haine, me répondit Mademoiselle de Rofoi, ni fes perfécutions, ni ma tendreffe, ni la vôtre, ne me feront jamais fortir du refpect & de l'obéiffance que je lui dois: mais, Comte, efpérons tout du tems. Ma mere m'a trop aimée, elle a toujours eu trop de raifon & de vertu, pour ne pas fentir fon injuftice, & pour ne pas revenir de fon égarement. Vous l'espérez en vain, dit alors mon pere; il eft plus aifé de conferver toute fa vertu, que de revenir à elle, dès qu'on a fait un pas qui nous en a éloignez. Hé qu'a fait enco re ma mere, qui puiffe avoir bleffé fa vertu, reprit Mademoifelle de Rofoi? Ne fuis-je pas fon

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bien ? N'est-elle pas la maîtreffe de mon fort? Ne peut-elle pas me donner ou me refufer à fon gré? Non, Mademoiselle, répondit mon pere. Monfieur de Rofoi a difpofé de vous en faveur de mon fils : vous l'aimez, il vous adore ; & cependant vous voulez oublier les ordres refpectables d'un pere jufte & fage, pour ne vous fouvenir que de ceux d'une mere injufte & barbare ? Mon pere ne vit plus, répondit Mademoiselle de Rofoi; fa mort laiffe ma mere maîtreffe de ma destinée ; je dois lui obéïr, quelque effort qu'il m'en coûte pour lui facrifier mon bonheur. Vous renoncez donc pour jamais à mon fils, Mademoifelle, repartit froidement mon pere? Voilà donc la derniere fois qu'il vous verra? Hé bien! mon fils, me dit-il, faites vos adieux à Mademoi

felle; fa fermeté vous doit être une leçon pour fupporter courageufement votre malheur. Partons. Quoi dit Alix, en courant à mon pere, vous voulez

!

m'abandonner? Vous ordonnez à ce fils qui m'eft fi cher, & pour qui feul je me vois exposée à la fureur de ma mere,de m'oublier! Qui m'aidera donc à foutenir mon infortune? Hélas ! que vaisje devenir, s'écria-t'elle en verfant un torrent de larmes, tout fe déclare contre moi! Ma mere me hait, vous m'ôtez votre amitié, & tous deux vous voulez m'enlever tout ce qui m'eft cher,

Mon pere voyant Mademoi felle de Rofoi dans cet état de trouble & de crainte, crut l'in ftant favorable pour lui propofer de l'enlever dès ce moment même; mais ni toutes fes raifons, ni tout ce que put lui faire envifa

te ger Mademoiselle de Rocheville, ni ma tendresse, ni mon désespoir, rien ne put ébranler ce devoir auftere dont elle eft efclave. Enfin, je fortis auffi pénétré d'admiration, que de douleur ; & mon pere la quitta, gémissant de trouver, dans cette adorable fille, une vertu qui la lui rendoit encore plus chere, quoiqu'elle me rendît plus malheureux.

Le Château de Rofoi eft une Fortereffe par fa fituation, par fes murailles, par fes. foffez, & par d'autres défenfes. Je le fçavois ; mais je voulus encore l'examiner: je me flattois de pouvoir trouver un endroit foible, pour entrer par surprise. Mon

moi, nous fimes le tour pere &

Château; & nous le fimes, fans efpérance de réuffir dans notre deffein. Défefperé de l'impoffibilité d'enlever Mademoiselle de Ro

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