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éloignez de l'efprit de penitence, qui ne peut être veritable fans cette fainte trifteffe, & qui attire fur nous les graces de Jefus-Chrift, à proportion que nous prenons part à fes douleurs.

Il ne faut pas même borner notre compaffion aux feuls defordres des grands pecheurs; mais il faut l'étendre encore jufqu'aux miferes fpirituelles, dont la vie des ferviteurs de Dieu n'eft que trop pleine, car elle est une tentation & un combat perpetuel pour les plus juftes: & ceux que Dieu tient dans fa maifon, ne laiffent pas d'être expofez à mille dangers, d'être environnez de précipices, de trouver des pieges partout, & de recevoir tous les jours des playes dangereufes. Comme chacun de nous eft obligé de gemir continuellement de fes propres chûtes, de craindre les tenebres qui l'aveuglent, & d'implorer fans ceffe la mifericorde divine,dans l'extrême foibleffe où il fe trouve, il eft obligé de concevoir les mêmes fentimens, & de faire les mêmes chofes pour fes freres, puifqu'ils portent auffi bien que lui un corps de peché, & qu'ils vivent dans un exil où leur perte eft infaillible, s'ils ne veillent toûjours fur eux

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mêmes, s'ils n'ont foin de fe faire une violence continuelle, & s'ils ne travaillent fans ceffe à attirer le fecours de Dieu par des prieres également humbles & ferventes.

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DU PEU DE REFLEXION que les hommes font fur euxmêmes.

I.

ES hommes depuis le peché font dans un déreglement, qui les met en quelque maniere au-deffous des créatures. Les cieux font reglez dans leurs mouvemens; la terre ne manque jamais à produire des fruits; la mer n'eft agitée qu'autant qu'elle le doit être ; & les vents qui forment les tempêtes font neceffaires pour purifier l'air, pour raffembler les nuées & en faire defcendre la rofée & la pluye; le fòleil est destiné pour donner au monde la lumiere & la chaleur; les bêtes en fuivant leur instinct font conduites par une fouveraine raison, & les êtres les plus infenfibles font tous également la volonté de Dieu.

1 1.

Mais les pecheurs après s'être révol tez contre leur fouverain, font abandonnez à eux-mêmes & livrez à leur convoitife: ils agiffent felon leurs fens & felon leurs paffions, ou plûtôt ils font emportez par le torrent de la corruption, qui découle inceffamment de leur propre volonté dans toutes leurs œuvres. Les avares font attirez par l'argent; les ambitieux par l'éclat d'une fauffe gloire : leur ame ayant perdu fa vraie liberté, qui confiftoit à être foumise à Dieu, fuit aveuglément fes defirs, & elle croit être maîtreffe de toutes chofes, lorfque fans réfiftance elle eft en proie à mille objets differens, dont chacun, à fon tour, la conduit au déreglement.

III.

Pour fe convaincre de ces veritez, il ne faut que tenir les yeux ouverts, & regarder ferieufement ce qui fe paffe parmi les hommes;ils penfent moins à eux-mêmes qu'à tout autre objet ; ils font prefque tout occupez d'un nom

bre infini de bagatelles, qui ne leur fervent de rien, & ils oublient ce qui leur eft plus important. Combien y a-t-il de gens qui ne font attentifs qu'à de vains amusemens & à des plaifirs criminels; qui découvrent les moindres pailles dans les yeux de leurs freres, & qui ne voyent pas les poutres qui les aveuglent; qui ne penfent point à regler leur ame; qui ne s'acquittent jamais de ce qu'ils doivent à leur prochain; qui cenfurent toute la terre; qui negligent toute action de pieté; qui ne travaillent point à se procurer la paix de leur confcience, & qui ne réflechiffent jamais fur leurs miferes: Nullus eft qui recogitet corde. Jerem.

I V.

En quelque âge où nous foyons; nous faifons fi peu d'ufage de notre raifon, que nous l'employons pour l'ordinaire à nous perfuader les maximes qui nous font les plus oppofées. Nous n'avons d'inclination dans nos premieres années qu'à une fauffe liberté, qu'à l'indépendance,qu'à une vie déreglée; nous avons un extrême éloignement d'apprendre ce qui nous ferviroit toute

13. 11.

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