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foi, dès qu'elle s'y opposoit, je pris la réfolution de venir à force ouverte, l'arracher des bras de fa mere; mais mon pere, à qui je communiquai mon projet, me dit, que je ferois en vain cet éclat; que malgré l'amitié, & même le refpect que toute la Nobleffe avoit pour lui, il ne fe flattoit pas de mettre dans mon parti les Gentilshommes de la Province, dont Madame de Rofoi étoit adorée, & qui même, pourroient bien prendre les armes pour elle. J'en revins à chercher les moïens d'enlever Alix: je dis à mon pere, que fi Mademoiselle deRocheville vouloit être d'intelligence avec nous, nous pourrions réuffir. Nous lui parlâmes; je la preffai, je la conjurai de m'accorder fon fecours, mais inutilement : elle ne vouloit m'aider que du confente

ment d'Alix, dont la ferme réfiftance ne me laiffoit aucun efpoit. Hé bien dit brufquement mon pere, il faut confondre Madame de Rofoi. Que vous importe, Mademoiselle, qu'elle ait à vous reprocher une infidélité qui vous fait honneur ! Que craignez-vous? Rethel eft un azile où vous pourrez braver... Hé ! que devient Mademoiselle de Rofoi, s'écria cette tendre amie, fi je ne fuis pas entr'elle & fa mere? Je puis feule détourner,ou du moins fufpendre, tous fes projets,& vous en avertir en un mot, la malheureuse Alix eft perdue, fi Madame de Rofoi, découvrant que j'ai trahi fa confiance, fe trouve dans fon premier tranfport, maîtreffe de s'y abandonner. Hé bien Mademoifelle, lui dit

mon pere, que votre tendrffe même pour Alix, vous faffe con

defcendre à ce que je veux: ar-
rachons cette infortunée des bras
d'une mere dont vous me faites
tout craindre. Si Mademoiselle
de Rofoi y confent, repartit Ma-
demoiselle de Rocheville, je me
prêterai à tout; mais n'attendez
aucun fecours de moi fans fon
aveu. Si vous aimiez Alix, lui ré-
pliqua mon pere, vous vous prête-
riez, malgré elle, au feul fecours
qui peut la mettre en état de n'a-
voir plus rien à redouter: votre
timidité lui coûtera peut-être
cher, & ne me laiffe d'autre voie,
que celle de confondre Madame
de Rofoi. Ah! Monfieur, s'écria
Mademoiselle de Rocheville
que voulez-vous faire? Vous
perdez Alix
pour jamais, & vous
Ï'immolerez à la fureur de Ma-
dame de Rofoi, fi cette mere
malheureuse, car je ne puis m'em-
pêcher de la plaindre,eft une fois

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déclarée laRivale de fa fille. Craignez de lui arracher ce qui lui refte de honte & de remords. Au nom de cette infortunée fille ajoûta-t'elle, gardez-vous de faire connoître à fa mere, que vous fçavez un fecret, que vous devez paroître ignorer, pour les interêts même, & d'Alix, & du Comte votre fils. Si par un éclat il étoit découvert, vous verriez auffi-tôt Madame de Rofoi ne plus garder de mesures: comme elle n'auroit plus rien à craindre, elle n'auroit plus rien à ménager. D'abord, & malgré tout ce que vous pourriez faire, elle difpoferoit de fa fille en faveur d'un autre. Si elle ne l'a encore ofé, c'est qu'elle craint que fa fille étant mariée, le Comte, ardent à chercher les occafions de lui reprocher fa légereté, ne foit inftruit, par elle, qu'elle eft, comme lui,

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la victime des artifices de fa mere. D'un côté, Madame de Rofoi appréhende d'être haïe, méprifée du Comte, & de lui être pour jamais un objet odieux: de l'autre, elle penfe pouvoir triompher un jour, à l'aide de fes charmes & de fes artifices. Elle fe flatte que les mépris apparens de fa fille, révolteront le pere, & rebuteront le fils: ces idées flatteufes nourriffent dans fon cœur un efpoir, qui l'empêche de prendre aucune réfolution violente. Je me rends, Mademoiselle, à vos raisons & à vos craintes, repartit mon pere; je ne dirai rien à Madame de Rofoi, capable de lui faire naître le moindre foupçon, que le motif odieux de fa conduite m'eft connu. Cependant je pourrai bien ôter à fon artifice, l'excufe du prétendu changement de fa fille alors nous

verrons

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