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faire cette dépense pour se débarraffer de quelqu'un fecretement. Le troifieme un Maître à danfer, qui s'habille comme un Petit-Maître, & qui a fait faire un mauvais pas à une de fes Ecolieres. Et le quatrieme, un Galant qui a été furpris la femaine paffée par la Ronda, dans le temps qu'il montoit par un balcon à l'appartement d'une femme qu'il connoît, & dont le mari eft abfent. Il ne tient qu'à lui de fe retirer d'affaire, en déclarant fon commerce amoureux ; mais il aime mieux paffer pour un voleur, & s'expofer à perdre la vie, que de commettre l'honneur de fa Dame.

Voilà un Amant bien difcret, dit l'Ecolier ! Il faut avouer que notre Nation l'emporte fur les autres, en fait de galanterie. Je vais parier qu'un François, par exemple, ne feroit pas capable, comme nous, de fe laiffer pendre par difcrétion. Non, je vous affure, dit le Diable: il monteroit plutôt exprès à un balcon, pour deshonorer une femme qui auroit des bontés pour lui.

Dans un cabinet auprès de ces quatre hommes, poursuivit-il, eft une fameuse Sorciere, qui a la réputation de fçavoir faire des chofes impoffibles. Par le voir de fon Art, de vieilles Douairieres Tome I.

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trouvent, dit-on, de jeunes gens qui les aiment but à but; les maris deviennent fideles à leurs femmes ; & les coquettes véritablement amoureufes des riches Cavaliers qui s'attachent à elles. Mais il n'y a rien de plus faux que tout cela. Elle ne poffede point d'autre fecret que celui de perfuader qu'elle en a, & de vivre commodément de cette opinion. Le Saint Office reclame cette créaturelà, qui pourroit bien être brulée au premier Acte de Foi.

Au-deffous du cabinet, il y a un cachot noir, qui fert de gîte à un jeune Cabaretier. Encore un Hôte de taver ne, s'écria Léandro ! Ces fortes de genslà veulent-ils donc empoisonner tout le monde ? Celui-ci, reprit Afmodée n'eft pas dans le même cas. On arrêta ce miférable avant hier, & l'Inquifition le reclame auffi. Je vais en peu de mots vous dire le fujet de fa détention.

Un vieux Soldat, parvenu par fon courage, ou plutôt par fa patience, à l'emploi de Sergent dans fa Compagnie, vint faire des recrues à Madrid. II alla demander un logement dans un cabaret. On lui dit qu'il y avoit à la vérité des chambres vuides, mais qu'on ne pou

voit

voit lui en donner aucune, parce qu'il revenoit toutes les nuits dans la maison un Efprit qui maltraitoit fort les Etrangers, quand ils avoient la témérité d'y

vouloir coucher. Cette nouvelle ne rebuta point le Sergent: Que l'on mè 'mette, dit-il, dans la chambre qu'on voudra. Donnez-moi de la lumiere, diz vin, une pipe & du tabac, & foyez fans inquiétude fur le refte. Les Efprits ont de la confidération pour les gens de guerre, qui ont blanchi fous le harnois.

On mena le Sergent dans une chambre, puifqu'il paroiffoit fi réfolu, & on lui porta tout ce qu'il avoit demandé. Il fe mit à boire & à fumer. Il étoit déjà plus de minuit, que l'Esprit n'avoit point encore troublé le profond filence qui régnoit dans la maifon. On eût dit qu'effectivement il refpectoit cè nouvel hôte. Mais entre une heure & deux, le grivois entendit tout-à-coup un bruit horrible, comme de férailles & vit bien-tôt entrer dans fa chambre un fantôme épouvantable, vêtu de drap 'noir, & tout entortillé de chaînes de fer. Notre fumeur ne fut pas autrement ému de cette apparition, Il tira fon 'épée, & s'avança vers l'Esprit, & lai F 2

'en

en déchargea du plat fur la tête un assez

rude coup.

Le Fantôme, peu accoutumé à trouver des hôtes fi hardis, fit un cri, & remarquant que le Soldat fe préparoit à recommencer, il se profterna très-humblement devant lui, en difant : De grace, Seigneur Sergent, ne m'en donnez pas davantage. Ayez pitié d'un pauvre Diable, qui fe jette à vos pieds pour implorer votre clémence. Je vous en conjure par Saint Jacques, qui étoit comme vous, un grand Spadaffin. Si tu veux conferver ta vie, répondit le Soldat, il faut que tu me difes qui tu

es,

& que tu me parles fans déguisement: ou bien, je vais te fendre en deux, comme les Chevaliers du temps paffé fendoient les Géants qu'ils rencontroient. A ces mots, l'Esprit, voyant à qui il avoit affaire, prit le parti d'avouer tout.

Je fuis, dit-il au Sergent, le Maîtregarçon de ce Cabaret, je m'appelle Guillaume. J'aime Juanilla, qui eft la fille unique du logis, & je ne lui déplais pas. Mais comme fon pere & fa mere ont en vûe une alliance plus relevée que la mienne , pour les obliger à me choifir pour gendre, nous fommes convenus la petite fille & moi, que je ferois

toutes

toutes les nuits le perfonnage que je fais. Je m'enveloppe le corps d'un long manteau noir, & je me pends au cou une chaîne de tournebroche, avec laquelle je cours toute la maison, depuis la cave jufqu'au grenier, en faisant tout le bruit que vous avez entendu. Quand je fuis à la porte de la chambre du Maître & de la Maîtreffe, je m'arrête, & m'écrie: N'espérez pas que je vous laiffe en repos, que vous n'ayez marié Juanilla avec votre Maître-garçon.

Après avoir prononcé ces paroles d'une voix que j'affecte groffe & caffée je continue mon carillon, & j'entre enfuite par une fenêtre dans un cabinet. où Juanilla couche feule, & je lui rends compte de ce que j'ai fait. Seigneur. Sergent, continua Guillaume, vous jugez bien que je vous dis la vérité. Je fçai qu'après cet aveu, vous pouvez me perdre, en apprenant à mon Maître ce qui fe paffe; mais fi vous voulez me fervir, au lieu de me rendre ce mauvais office, je vous jure que ma reconnoiffance.... Eh quel fervice peux-tu attendre de moi, interrompit le Soldat? Vous n'avez, reprit le jeune homme qu'à dire demain, que vous avez vu l'Efprit, & qu'il vous a fait fi grand'peur...

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Com.

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