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doctrine qu'il nous a enfeignée, eftelle orthodoxe Ne fommes-nous point auffi dans l'erreur? Tant de Livres qu'il a composés pour nous, & qui font tous les jours entre nos mains, ne font-ce point autant de piéges pour furprendre nôtre fimplicité Tant de Sacremens qu'il nous a adminiftrés, tant d'inftructions qu'il nous a données, ne font-ce point autant de mets empoifonnez qui ont tué nôtre ame? Car enfin que peut-on attendre, & que peut-on recevoir de la main d'un homme qu'on dit être un hérétique? Ainfi raifonnoient ces pauvres Filles ; & flotantes entre la crainte & l'efpérance, entre ce qu'on disoit d'Abeillard, & ce qu'elle en avoient connu, elles ne fçavoient à quoi s'en tenir.

Abeillard qui les connoiffoit parfaitement, prévit ce trouble, qui feroit d'autant plus grand, qu'elles n'oferoient le découvrir à leur Abbeffe. Il crut que fa charité devoit s'y intereffer, & prévenir les fuites fâcheufes qu'auroient pu avoir ces imaginations fort naturelles à des filles. Dans cette vûë il dreffa une Profeffion de Foi, opposée à tout ce que lui imputoient fes ennemis, où fans entrer dans aucune dif

-pute, il déclare fimplement tout ce qu'il croit touchant les erreurs d'Arius & de Sabellius dont on l'accufoit.. comme cet Ecrit n'eft pas long, le Lecteur ne fera peut-être pas fâché de le voir, & de juger de fa beauté, de fa force de fon éloquence & de fa piété.

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XIV. PROFESSION DE FOY

Premie

re Pro frffion de Foy envoïée au Paraclet.

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D' ABEILLARD,

Envoïée à l'Abbeffe du Paraclet &
à fes Religieuses, pen
de temps
après le Concile de Sens.

MA

A Sœur, qui m'étiez chere autrefois dans le fiécle, mais qui » m'êtes infiniment plus chere en Jefus-"Christ, à préfent que vous avez l'hon-»neur d'être fon Epoufe Heloife, » c'est à vous que j'adreffe ma parole. »Vous fçaurez donc que ma Philofo

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phie m'eft funefte, & qu'on en a pris » occafion de me rendre odieux à toute » la terre. Des gens qui jugent des chofes » par leur propre corruption, & qui fe » font un plaifir de donner de finiftres » explications aux fentimens les plus or

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thodoxes, publient que je fuis un ha- e bile Dialecticien, mais un méchant « Théologien, fur-tout dans la doctrine e de faint Paul & tandis qu'ils élevent a la beauté de mon efprit, ils tâchent de « ternir la pureté de ma Religion, & « de m'ôter tout le mérite de ma Foi. Je « fuis perfuadé qu'il y a plus d'entête- « ment, que d'érudition dans le juge- « ment qu'ils font de moi; car à Dieu « ne plaife, que j'aïe jamais envie d'être « un Philofophe oppofé au grand Apôtre, ou que je faffe plus de cas de la qua- «e lité d'un fecond Ariftote dont on me « flatte, que de celle de Chrétien que je fuis par la grace de J. C. J. C. disje, dont le nom eft le feul fur la terre « qui puiffe être la fource de mon falut, « & je n'en connoîs point d'autre. Je l'adore ce Divin Sauveur, dans la ce gloire dont il joüît à préfent à la droi- « te de fon Pere. Je l'adore avec toute « l'étendue de ma Foi, lorfqu'il conver- a foit fur la terre avec les hommes; & ee que revêtu de cette chair virginale que «e Marie lui a donnée par l'opération du « faint Efprit, il attiroit les yeux de tout « le monde fur lui par la grandeur des « prodiges & des miracles qu'il faifoit. « C'eft donc pour calmer vos fraïeurs du- « rant cet orage, & celles de vos Filles, «

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» que je vous adreffe cet Ecrit. C'est en » particulier, Heloïfe, pour tranquilli» fer vôtre efprit, & faire ceffer ces trou»bles & ces inquiétudes, dont je ne dou» te point que vôtre cœur un peu trop » fenfible fur tout ce qui me regarde, »ne foit agité, que je vous envoïe ma » Profeffion de Foi. Soïez fûre, & n'ou»bliez jamais que ma confcience & l'ef pérance de mon falut, font établies fur cette pierre inébranlable, fur laquelle » Jefus-Chrift a bâti fon Eglife: en voici » les fondemens qui font le précis de ma Religion. Je croi en Dieu, Pere, Fils » & faint Esprit, vrai Dieu, dont la na»ture eft unique, quoiqu'il fe trouve » trois Perfonnes dans cette feule nature. Je croi que le Fils eft égal en toutes chofes à fon Pere, égal en puillance, » en œuvres & en durée, qui n'eft autre " que fon Eternité. J'abhorre l'impiété » d'Arius, qui séduit par un génie d'en» fer, mettoit des degrés dans la Trinité, faifant le Fils inférieur au Pere: » comme fi dès l'ancienne Loi il ne nous » avoit pas été défendu de monter à » l'Autel du Tout-puiffant par dégrés ; »car c'eft ce que fait celui qui met du plus ou du moins dans la Trinité. Je » confeffe encore que le Saint Efprit eft » confubftantiel- & égal en toutes chofes

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chofes au Pere & au Fils. C'eft de lui se dont j'ai fouvent voulu parler dans mes ee Ouvrages fous le nom de bonté in- « finie.

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Je détefte l'héréfie de Sabellius, qui par une bouche criminelle a osé affû- « rer que le Pere & le Fils n'étoient « qu'une même Perfonne, & par confe- « quent qu'on pouvoit dire que le Pere « a été crucifié, ce qui a fait donner le « nom de Patrip tiens à fes Sectateurs.

Je croi de plus que le Fils de Dieu a « été fait fils de l'Homme, en uniffant la «e nature divine & la nature humaine « dans une même Perfonne; que cet u Homme Dieu, après avoir accompli le « temps de fa miffion, a fouffert, eft « mort, eft reffufcité, eft monté au Ciel, « & doit venir à la fin des temps juger « fes vivans & les morts.

ce

Je reconnois que tous les péchés font « effacez par le Baptême, que nous avons « befoin de la grace de Jefus-Chrift pour « commencer le bien & pour l'achever; « qu'après être tombés par le péché, nous « pouvons nous relever par la pénitence. «

Je ne m'arrête pas à protefter que « nos corps reffufciteront, puifque c'eft « en vain que je me flatterois d'être Chré- « tien, fi je n'avois cette croïance. Telle « eft la Foi fur laquelle je me repose, & «

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