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plus agréables ou les plus utiles. D'ailleurs il eft peu de perfonnes qui puiffent afpirer à un rang diftingué parmi les gens de lettres & parmi les Savans. Plufieurs même ne fe piquent pas d'être connoiffeurs en fciences & en littérature. Mais on fe dédommage par d'autres prétentions de celles qu'on abandonne, & l'efprit que l'on s'attribue, eft toûjours fort fupérieur à celui qu'on n'a

pas.

C'eft ce qui fait donner tant d'éloges aux trois espèces d'efprit, dont il nous reste à parler, à l'efprit de gouvernement, à l'efprit des affaires, à l'efprit de fociété. Les adverfaires que nous combattons accorderoient peut-être fans beaucoup de répugnance à quelques dévots

l'efprit des fciences & celui des belles lettres, & n'en eftimeroient guères plus la dévotion. Ils fe croiroient toûjours en droit de la méprifer, en la déclarant incompatible avec les autres genres d'efprit, & furtout avec l'efprit de gouver

nement.

Entreprendre fur ce point l'apologie de la dévotion, c'eft au gré de beaucoup de gens foûtenir une caufe déplorée. Qui ne voit que l'efprit de gouvernement ne peut s'allier avec la dévotion? Que de raifons pour prouver cette incompatibilité ! Et combien d'exemples viennent à l'appui de ces raifons! Ne nous laiffons pas néanmoins entraîner par le nombre & l'autorité de ceux qui parlent ainfi. Examinons

mûrement & de fang froid une matière où l'on ne fe détermine communément que par de premières vûes. Rien ne tient plus du préjugé, rien n'approche plus de l'erreur que ces décihons précipitées, qui paffent de bouche en bouche, fans avoir jamais été contradictoirement difcutées.

L'efprit de gouvernement plus rare qu'on ne peut le penfer quoique bien des perfonnes fe flattent de l'avoir, n'eft pas,

à proprement parler, un feul & unique talent. C'eft l'affemblage & l'heureux affortiment de plufieurs qualités, qui rendent celui qui les possède, capable de gouverner.

Cet efprit peut fe diverfifier en bien des manières fuivant les différentes espèces de gouver

nement. Autre chofe eft de gouverner en chef & avec un pouvoir illimité; autre chose, de n'exercer qu'une autorité fubalterne & dépendante. Il eft des gouvernemens vaftes, d'autres qui font très-bornés. Il en eft de confidérables par l'importance & la quantité des affaires, d'autres, dont les détails font médiocres. Enfin il en eft que les circonstances rendent difficiles, d'autres, où l'on ne rencontre que peu de difficultés. Le gouvernement eccléfiaftique ne reffemble pas au gouvernement féculier. Dans celui-ci même, quelle différence entre le commandement militaire, & le gouvernement civil? Et ce dernier pourroit encore être divifé en d'autres parties, s'il convenoit de pouf

fer plus loin cette induction. Il n'eft pas douteux que les qualités néceffaires pour gouverner ne doivent être proportionnées au gouvernement dont on eft chargé. Mais comme les diverfes espèces que nous avons marquées, fe réuniffent dans un point commun, on peut dire en général que l'efprit de gouvernement renferme la jufteffe & l'étendue de l'efprit, le difcernement des hommes, la connoiffance des chofes fur lefquelles roule le gouvernement qu'on exerce, & les vertus propres à la place que l'on occupe.

Il s'agit d'examiner fi la dévotion peut s'accorder avec toutes ces parties du gouvernement; & pour commencer par la première, on doit convenir que c'eft la nature qui la

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