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CHAP. VI.

Hebr.

8. 13.

& ce qu'il fera dans tous les fiecles: Fefus Chriftus heri, & hodie: ipfe & in facula. Sa réfurrection & fon état glorieux n'ont rien changé dans fa miséricorde ni dans fa bonté pour nous: ou s'il s'eft fait en lui quelque changement à notre égard, c'eft en ce qu'il eft devenu, ce femble, plus indulgent, plus doux, plus ouvert, &, fi on ofe le dixe, plus aimable par rapport à nous. Ses Apôtres l'avoient lâchement abandonné. Le premier d'entr'eux l'avoit renoncé trois fois devant plufieurs témoins à la feule parole d'une efclave. Aucun d'eux, excepté faint Jean, n'étoit revenu de fa premiere terreur, & n'avoit osé être fpectateur de fes fouffrances. Et néanmoins le premier foin de J. C. eft de les confoler. Il charge les pieufes femmes qui étoient venues à fon sépulcre, & en particulier Marie-Magdeleine, de leur porter la nouvelle de fa réfurrection, en les appellant fes freres : vade ad fratres meos: terme dont il ne s'étoit point fervi pendant fa vie mortelle, & qu'il fe hâte de leur donner avant le renouvellement de leur foi,avant leur pénitence, avant qu'ils l'aient mérité par leur humilité par leur amour.

3. Il fe montre à Pierre le jour même qu'il eft reffufcité, & avant que de fe maniSefter aux autres Apôtres: comme s'il étoit preffé d'effuier fes larmes, & comme s'il avoit de l'impatience de l'aflurer qu'elles avoient effacé fon péché. Il n'y a rien de plus admirable que la maniere, dont il le lui fit -réparer après la pêche miraculeufe arrivée en Galilée. Car au lieu de lui remettre devant les yeux fes trois renoncemens, & d'en exiger une humiliante confefsion, il se con

tenta de lui demander trois fois s'il l'aimoit CHAP. VI. & de couvrir fa faute, dont la crainte avoit été la caufe, par une charité dont l'efprit de grace & de liberté étoit le principe. Il en ufa de même pour le guérir de fa préfomption, & pour la lui faire expier. Car il fe contenta de la lui marquer indirectement, en lui demandant s'il l'aimoit plus que fes autres difciples ne l'aimoient: diigis me plus his ? le faisant fouvenir avec une bonté pleine d'attention à le ménager, qu'il s'étoit préféré à eux en l'affurant que quand tous les autres l'abandonneroient, il lui demeureroit fidéle. Et ce qui met le comble à l'indulgence à & la douceur de J. C. c'eft qu'il ne paroît vouloir s'affurer de l'amour & de l'humilité de faint Pierre, que pour lui confier fes agneaux, les lui recommandant à chaque nouvelle proteftation: amas me? pafce agnos meos: & ne lui difant jamais, que c'eft pour réparer les trois renoncemens qu'il exige de lui trois protesta

tions de fon amour.

4. Quiconque a lu avec attention toutes les circonftances de l'entretien de J. C. avec fes deux difciples qui alloient à Emmaus, doit avouer qu'il n'y a rien dans toute la vie de JESUS-CHRIST qui foit fi touchant, ni fi capable de perfuader & de faifaire fentir combien l'amour de JESUSCHRIST eft tendre, ouvert, fincere, familier même, & combien il prend plaifir à exciter & à raffurer le nôtre. Qu'on examine comment il fe met du voiage: comment il entre dans la converfation, après être entré dans les difpofitions de ceux qu'il vouloit inftruire: comment il ajoute des reproches de lenteur & d'incrédulité à fes

CHAP. VI. difcours perfuafifs, rien n'étant plus capable de confoler des perfonnes foibles & découragées, que de leur dire que leur bonheur eft fi réel, qu'il y a une espece de folie à le regarder comme douteux: comment il entre fecrettement dans leur cœur,en mê◄ me tems qu'il leur explique les Prophétes : comment il fe fait prier pour demeurer avec eux, afin de rendre fa préfence plus aimable par la crainte d'en être privés : comment il met un voile fur leurs yeux auffi long-tems qu'il eft néceffaire qu'il paroiffe leur égal, & que l'entretien foit femblable à ceux des amis: & comment enfin il difparoît après avoir diffipé ce voile qui avoit caché fa dignité pendant qu'il étoit appliqué à témoigner fon amour. Qu'on examine tout cela, comme de fi grandes chofes doivent être examinées, & l'on conviendra que JESUS-CHRIST ne pouvoit rien faire après la réfurrection qui fût plus capable d'établir notre confiance en lui, & de nous rendre certains de fon amour.

5. Pourquoi demande-t-il à Marie-Magdeleine quel eft le fujer de fes larmes ? & pourquoi les rend-il plus abondantes par cette question, finon parce qu'elles font un témoignage de l'amour de Magdeleine, auquel il prend plaifir, & parce qu'il aime luimême, puifqu'il defire d'être aimé ? Pourquoi fe cache-t-il à elle dans le tems même qu'il le montre, pour augmenter fon defir, pour fe faire chercher avec plus d'ardeur, & pour la confoler d'une maniere plus fenfible, en ajoutant la furprise à fa manifeftation Qui peut exprimer ce que produifit dans le cœur de Magdeleine le ton de voix auquel elle reconnut fon maître,

finon

CHAP. VI.

* C'eft le

fens litteral de ces paro

pour

& fon ancienne bonté? Douta-t-elle un moment qu'il n'eût pour elle, & par conséquent pour les autres difciples, les mêmes fentimens qu'elle lui avoit connus avant fa mort? & lorfqu'elle voulut fe jetter à fes pieds dans la pensée qu'il alloit lui être enlevé, & qu'elle ne pourroit plus ni le voir ni l'entendre, combien fut-elle confolée en * apprennant de lui-même que fon retour vers fon Pere étoit différé, & qu'elle auroit long-tems le bonheur de le voir dans les, nondum la Galilée, où il l'avoit délivrée de la pof- afcendi, &c. feffion de fept démons, & où il la chargeoit mi es felon le de dire à fes Apôtres de s'affembler. langage hébreu 6. L'hiftoire de la pêche miraculeufe ar- nondum af rivée dans ce pais, eft encore pleine de cir- cendo. conftances pareilles. JESUS-CHRIST paroît le matin fur le rivage de la mer, après le travail inutile de fes Apôtres durant la nuit. Et pour être plus en état de fe familiarifer avec eux, & d'être pris par eux pour leur égal, non-feulement il fe cache par un miracle paffager qui empéche qu'il ne foit connu, mais il ajoute à ce voile extérieur celui d'un langage familier & populaire. « Enfans, leur dit-il, n'avez-vous rien à ce manger? Pueri, numquid pulmentarium ha betis? Qui fe feroit attendu, dans une telle gloire & dans un état fi élevé au-deffus de nous, que J. C. feroit capable d'une fi aimable bonté? Mais plus nous avions besoin d'être raffurés contre le préjugé, que deformais nous lui ferions moins chers; ou qu'il feroit pour nous moins acceffible plus il affecte de defcendre jufqu'à nous, & de jetter un voile fur fa majefté, pour nous perfuader qu'il eft toujours le même à no tre égard. Il n'attend pas que fes Apôtres

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CHAP. VI. tirent le filet à bord, qu'ils allument du

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feu, qu'ils y mettent une partie de leur pêche, qu'ils aillent chercher du pain. Lui même leur prépare tout cela : & pour comble de bonté, il les fert lui-même, leur diftribue le pain & les poiffons qu'il avoit préparés, & leur prouve d'une maniere qu'il eft plus aisé de fentir que d'exprimer, qu'il eft tel après fa réfurrection qu'ils l'ont connu avant fa mort, & qu'il eft encore parmi eux plûtôt comme ferviteur, que comme maître.

7. Mais rien ne prouve plus efficacement, que fon nouvel état n'a rien changé dans fa charité, &, fi je l'ofe dire, dans fon humilité, que le miracle qu'il a fait pour conferver fes plaies dans fon état immortel & impaffible, & pour les conferver,non par le seul veftige, ou par une cicatrice apparente, mais par les ouvertures profondes faites par les cloux & par la lance, capables de recevoir le doigt & la main, & d'être réellement fondées. Ce prodige, que l'amour feul a pu inventer, & dont le defir d'exciter notre confiance a infpiré le deffein à l'amour, n'a été connu par aucun Prophéte, ou pour le moins n'a été prédit par aucun 'd'eux. Nous en devons la certitude & la claire connoiffance à l'incrédulité de faint Thomas, ou plûtôt à la charité du pasteur pour une brebis indocile. Mais combien cette charité eft-elle admirable ? C'est après avoir guéri l'incrédulité, qu'elle exhorte à n'y pas retomber. Les paroles de faint Thomas ont été entendues: on le lui fait connoître indirectement, en lui demandant qu'il mette fon doigt dans les ouvertures des mains, & fa main dans celle du côté.

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