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CHAP. V. l'art & l'ignorance, l'édifice ancien avec des ouvrages de terre & de boue.

S. IV.

JESUS-CHRIST feul pouvoit démêler ces deux chofes, & re

tracer fon image en nous. Mais

jamais l'ange ni l'homme n'au

roient penfé au moyen qu'il a

emploié pour cela. Ce moyen, en

prouvant fon amour pour nous,

marque auffi la noblesse de notre origine, & la grandeur de notre chute.

1. IL n'y avoit que la Sageffe éternelle, qui pût, au milieu de cette confufion & de ce mélange, difcerner ce qui venoit d'elle, & ce que l'erreur & l'ignorance y avoient ajouté, retranché, défiguré, perverti. Il n'y avoit qu'elle qui connût fon def fein & fes vûes, & à quoi il lui avoit plû de destiner l'homme. Il n'y avoit qu'elle qui fut capable de réédifier un temple que les ruines & la profanation avoient réduit à une retraite de bêtes impures. Il n'y avoit qu'elle

A

qui pût retracer un tableau que fon CHAP. V. ennemi avoit rendu difforme par l'effet d'une haine encore plus grande contre le modéle, que contre fon expreffion & fon image.

2. Mais avant que les penfées de cette divine Sageffe nous fuffent manifeftées par le mystere de la croix, il ne nous feroit jamais venu dans l'efprit qu'elle dût emploier autre chofe que fa volonté & la puiffance, pour réformer ce que fa volonté & fa puiffance feules avoient fait. Jamais l'homme, jamais les efprits cé· leltes n'auroient imaginé le moyen qu'elle a choifi. Avant la révélation, ni l'œil, ni l'oreille n'avoient vû ni entendu rien de pareil. Jamais un tel excès de charité n'auroit paru vraifemblable, ni à l'efprit, ni au cœur de l'homme; & par conféquent ni l'homme, ni l'ange n'étoient de juftes eftimateurs de la grandeur de l'homme, ni de l'excès de fa mifere. Il falloit être Dieu pour connoître à fond l'un & l'autre. Il falloit être la fin de l'homme, & fon fouverain bien, pour juger de fa haute élévation, & de la chûte qui l'avoit brifé. Il fal

CHAP. V.

loit être la grandeur même & la miféricorde même, pour avoir fait l'homme fi grand, & pour le délivrer d'une fi profonde mifere par un tel excès de bonté.

3. O mon Dieu, de qui j'avois tout reçû, & qui me rendez tout après que j'ai tout perdu, je n'ai qu'à confiderer le prix que vous paiez pour moi, pour connoître ma dignité paffée, & combien j'étois incapable de la récouvrer; combien vos dons étoient grands, & combien j'étois devenu infolvable; combien j'avois dû à votre bonté, & combien je devois à votre juftice. Vous m'aviez fait fi grand, que vous étiez feul audeffus de moi : & dans ma plus grande mifere, vous avez été fi touché du reste d'une grandeur que j'avois deshonorée, que vous l'avez préféré à votre vie, à votre félicité, à votre gloire, & que vous ne vous êtes pas contenté de me relever en vous abbaiffant pour moi jufqu'à la mort, jusqu'au tombeau, jusqu'aux enfers : mais qu'en confentant à vous unir à moi pour me reffembler, vous m'avez uni éternellement à vous, afin

que je devinfle votre image d'une CHAP. V. maniere infiniment plus parfaite que le premier homme dans le tems de fon innocence & de fa juftice.

S. V.

la

Cette nouvelle image eft plus parfaite & plus glorieuse que premiere, puifqu'elle nous unit à Dieu même. Ainfi rachetés &réparés par JESUS-CHRIST, nous lui appartenons par un nouveau titre encore plus puiffant que le premier.

1. IL étoit alors votre image, mais il n'étoit pas vous. Il n'étoit pas uni à votre perfonne. Il n'étoit pas Dieu par cette union qui m'étoit réservée, & ce qui eft inconcevable, qui m'étoit réfervée dans le tems de ma plus grande mifere. Je me confole, o fouveraine bonté, de la perte d'une reffemblance moins parfaite & plus éloignée, quoique je fois très-coupa ble de l'avoir perdue. Celle que vous me rendez est bien d'un autre prix; & ce n'eft même que par rapport à

CHAP.

v. elle que je juge que le prix qu'elle vous coute n'eft point exceffif: car une dignité infinie, mérite d'être achetée par un prix infini; & rien n'eft exceffif ni dans les abaiffemens, ni dans les douleurs, ni dans la mort d'un Dieu, quand il s'agit de porter l'homme jufqu'à ce dégré de gloire, qu'il foit avec Dieu une même perfonne, & qu'il le foit toujours.

2. Je fçai que l'union perfonnelle de l'homme avec Dieu n'eft que dans vous feul, & pour vous feul, ô mon Sauveur, & qu'elle n'a jamais pû être méritée du côté de l'homme. Mais nous pouvions n'y avoir aucune part, & nous étions très-indignes d'y en avoir; & c'eft pour nous y affocier , que vous avez fouffert tant de tourmens & tant d'opprobres. Vous nous avez communiqué la gloire, que votre fainte humanité a reçue, comme vous l'avez dit vousmême à vos Apôtres. Vous nous avez rendu participans de votre divinité, quoique dans un degré très

*

*Et ego claritatem:

quam dedifti mihi, dediis, ut fint unum, ficut & nos fumus. Joan. 17.21.

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