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ne pafferont jamais pour exquis ni propres à une fanté ébranlée, mais qui font fuffifans pour en tretenir une fanté déja affermie.

*********************************************** CHAPITRE XX.

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Des teftacées & coquillages.

Es principaux de ces poiffons font les mou les, les huîtres, & les écreviffes, les plus licites fans doute des poiffons de Carême, fi on s'en rapportoit aux fentimens des premiers temps de l'Eglife, où bon nombre de chrétiens ne s'accordoient en Carême que de petits poiffons qui fuffent dépourvûs de fang: & peut eftre eftoitce de ces fortes de poiffons que les fauterelles dont faint Jean fe nourriffoit dans le defert, du moins fait-on certains rivages de mer, où les pauvres vivent en efté d'une espece de langouftes que le peuple appelle fauterelles. Quoy qu'il en foit, ceux dont nous allons parler avoient leur mérite dans l'antiquité grecque & romaine. Les Grecs, par exemple, ne croyoient point Les les moules indignes de leurs meilleures tables", & l'ufage en eftoit commun parmy les Romains montes du temps de Martial:

Oftrea tu fumis ftagno faturata lucrino,

Sumitur incifo mitulus ore mihi.

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On eftime fur tout les moules de mer; & parmy ceux-cy, on donne la préférence à ceux qui font moins gros", qu'on croit tres-nourriffans, & d'un fuc tres-innocent, d'une chair tendre & de bon goût. Cecy fe trouve prouvé par l'anatomie, qui fait voir que tout eft tendre & moeleux dans a Nonn. p. 383. b Nonn. p. 399. L. 3. epigr. d Gontier, p. 421. e Heyde, de mýtul. anat. Lyfter. de conchyl. ubi

de myt.

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les moules, & par leur analyfe qui y fait découvrir beaucoup d'huile & de fel volatil 4. La Médecine enfin y trouve un remede commode pour lâcher le ventre, & qui eftoit pratiqué par les Romains, Si dura morabitur alvus,

Mitulus, & viles pellent obftantia concha '. Mais rien ne prouve fi bien les bonnes qualitez du moule que les obfervations anatomiques qu'un favant médecin d'Angleterre a données fur cet infected marin. Cette forte d'analyfe qui fans alterer les parties d'un mixte, ne fait que les rendre plus fenfibles, ayant plus de certitude que les examens les plus exacts des chymiftes, doit mieux perfuader de la véritable nature du mixte qu'elle examine. Cet habile anatomifte fait remarquer que le moule abonde dans un fuc blanc, graiffeux, tendre & friable f. Il ajoûte que la grande quantité de vaiffeaux & de glandes contribue encore à ces qualitez, fi on remarque fur tout que les vaiffeaux du moule eftant piquez, rendent une lymphe tres-agréable au goût &; enfin il trouve dans le moule une pulpe délicate qui ne doit pas peu contribuer à le rendre adouciffant, agréable, & tres-amy de la fanté.

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Les huîtres fur tout avoient l'eftime des anLes ciens, & pour ne jamais manquer d'un mets buitres qu'ils croyoient fi exquis, ils avoient trouvé le fecret de faire faire voyage au poiffon le moins propre à fe promener, en le tranfportant dans des étangs creufez 'exprès, où les huîtres confervoient toute leur bonté ". C'eftoit par les huîtres que fe commençoient alors les feftins", & Ja chere eftoit entiere quand on en avoit de toutes les meilleures fortes, & qu'on en avoit

a Lemery, trait. des alim. p. 429. b Horat. 1. 2. fatyr. 4.
Heyde, anatome myfuli. d Id. in præfate Id. anat. p. 140
7d. P
18. 8 De Heyde, p. 18. b Id. p. 24. Plin. 1. 34.
C. VI. Nonn. p. 389. m Ibid. * Nonn. p. 392. 9 Athen. 1. XV,

affez pour pouvoir en manger tout fon faoul Les gourmands alloient jufqu'à en manger us cent par repas,

Canet licèt oftrea centum '. c'est qu'apparemment ils ne craignoient prefque rien d'un poiffon qui eft d'une chair également rendre & bien-faifante, qui flatte agréablement P'eftomac en aidant à fes digeftions, qui excite l'appétit, & qui pour prévenir tout inconvénient lâche le ventre. Toutes ces bonnes quali tez se remarquent en elles fur tout dans le printemps, (où fe rencontre le Carême) car alors elles font graffes & pleines d'un fuc laiteux f, d'une nature fi benigne, que les maladies même les plus difficiles y trouvent un bon remede car les huîtres nourriffent utilement les fcorbutiques, & foulagent les gouteux &, appa remment à raifon de l'huile & du volatile qui abondent en elles. Mais ce qui prouveroit cette vertu antifcorbutique dans les huîtres, c'eft que femblables aux plantes qu'on croit fpécifiques contre le fcorbut, elles font meilleures & plus efficaces crues que cuites; car le feu les dépouille de ce volatile & de fa principale vertu, qui eft de lâcher le ventre; & l'ancienne maniere de les manger crues qui s'eft 'confervée jufqu'à nous, fait voir qu'elles font plus délicates, plus tendres & mieux faifantes quand elles n'ont pas paffé par le feu, qui les rend dures, coriaces, & pefantes fur l'eftomac.

Malgré toutes ces bonnes qualitez des huîtres, quelques-uns les ontblâmées comme eftant d'un mauvais fuc, épais, groflier, fujet à crudité, & peu nourriffant; d'autres en ont fait un chetif a Macrb. lib. 3. Juvenal. Galen. plin. d Nonnius, pag. 389. e Plin. f Villis, de brut. anim. cap. 3. paffim. Lifter. conchyl. ana om. pag. 62. g Mund. pag. 286. h Lemery, trait. des alim. p. 431. i Ibid. Nonn. p. 392. Macrob. 1. 35.

Gontier P. 419.

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aliment, auffi peu bon à la fanté que les fucs limoneux, difoient-ils, dont elles fe nourriffent. Seneque fur tout les traite ainfi, perfuadé qu'il eftoit qu'une huftre eft plus propre à flatter le goût qu'à nourrir le corps, & qu'elle pouvoit mieux entretenir le plaifir que la vie des hommes. Ciceron en portoit un jugement affez femblable, lorfqu'il témoigne qu'il favoit fe paffer d'huître, apparemment comme d'un mets trop délicieux pour un homme plus fenfible au plaifir des lettres qu'à celuy de la table. Le même Se neque enfin s'eftoit fait une loy de ne jamais goûter d'huîtres; cependant par une bizarrerie prefque incroyable, d'autres ont cru les huîtres d'une dangereufe conféquence & pour les fages qui auroient voulu vivre dans la continence. Mais la contrarieté de ces opinions en fait voir la fauffeté; c'eft trop ou trop peu dire des huîtres, elles ne font ni fi capables de tant échauffer, ni fi capables de morfondre. Si elles peuvent exciter les paffions, il ne faudra s'en prendre qu'au poivre qu'on y mefle. Il faut donc s'en tenir à. ce que l'ufage en a fait connoiftre qu'elles font temperées, & plus capables de bien que de mal.

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Les Quelques-uns ont aufli mal parlé des écrevifcre- fes, ils trouvent leur chair dure, groffiere, falée, par conféquent de difficile digeftion & proviffes. pre à ferrer le ventre, Mais pour en juger, il ne faut que fe rappeller ce que difent d'excellens auteurs des écreviffes de mer & des langouftes, qui font encore une espece d'écreviffe, mais inférieure à celle de riviere. Un médecin de réputation du temps de Galien, loue les langouftes pour les eftomacs foibles ou malades. Les Grecs & qui ont fuivy ce prince de la Médecine ont efté 2 Senec. b Cicer. 1. 7. epift. famil. Senec. d Nonn. P. 393. Sebis, p. 1038. © Sebis, p. 1038. f Archigenes, apud Galens 1.&. de compof. phar. & Trallian, Simeon Sethi

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peu près du même fentiment, & Celfe fi habile en matiere d'aliment pense encore de même la-deffus on trouvera enfin qu'on n'a point eu moins bonne opinion a des écreviffes de mer. Mais laiffant à part toute autorité ancienne ou étrangere, l'ufage juftifie fuffisamment les bonnes qualitez des écreviffes de riviere; on ne s'apperfoit point de tout ce qu'on leur reproche, on les trouve au contraire nourriffantes, de bon goût, tres-amies de la fanté, jufques-là qu'on s'en fert à propos pour redonner de l'embonpoint", pour purifier le fang, rétablir les digeftions, &c. & il n'eft guere de maladies fâcheufes ou difficiles où les écreviffes ne trouvent place. On les croit même capables de refifter aux corruptions qui fe font dans l'eftomac, & on trouve que cette faumure legere qu'on fent en elles eft comme un préfervatif pour les autres alimens : c'ett que ces fels innocens dont elles font pleines, excitent l'eftomac fans l'agacer, & arreftent la fougue du volatile de la bile ou des alimens fans trop le déprimer, ne faifant qu'empêcher par ce moyen le trop de développement ou d'exaltation des principes qui compofent ces nourritu res. On leur attribue par une raison femblable la vertu d'appaifer les fermentations, de calmer les efprits, d'appaifer les douleurs, enfin de procurer le fommeil f.

Ce ne feroit donc pas des mauvaises qualitez des moules, des huîtres & des écreviffés dont on devroit fe plaindre, on auroit plus fujet de croire ces fortes de poiffons trop délicats pour un temps de pénitence, tel qu'eft celuy du Carêmes, & defquels on auroit trop à craindre pour la piété chrétienne; fur tout fi on s'en faifoit

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a Sim. Sethi. b Mund. p. 285. c Bruyerin. p. 1084. d Konig reg. anim. p. 131. Bruyerin. p. 1081. f Meff Spagyric. Hoffman. in fchroder. p. 633. & Brugerin. p. 1080,

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