nous revêtir de tout ce qu'il eft; comme pour devenir notre frere & notre fauveur, il s'eft couvert de nos foibleffes & des apparences mêmes du peché mais pour fe procurer ces : avantages, il faut participer à fon humilité, & s'en remplir fi abondamment, qu'on ne manque jamais de courage dans les plus grandes afflictions; il faut boire jufqu'aux dernieres gouttes de fon calice, & être tellement morts au monde, que quoiqu'il nous arrive de la part des hommes, nous ne regardions jamais leurs violences, ni leurs injuftices, mais la feule volonté de Dieu, qui nous doit tenir lieu de tous les biens.

XX.

Les humiliations, les travaux, les fouffrances, les croix du fauveur parlent un langage très-intelligible toute la terre ; & elles nous difent,que file Fils unique & bien-aimé de Dieu a été traité fi feverement par fon Pere parce qu'il avoit pris la reffemblance de la chair du peché, & qu'il s'étoit chargé de nos iniquitez: de miferables efclaves, dont la vie n'eft qu'un

tiffu de crimes, ne doivent pas prétendre que Dieu les traite plus favorablement felon cette parole de Jefus-Chrift même: Si l'on a traité de la Luc, 25, forte le bois verd, comment le bois fec31. fera-t-il traité ?

XXI.

Détournons donc nos yeux de deffus nous-mêmes; tenons-les fixement arrêtez fur le faint des faints; confiderons qu'il a fouffert comme un feditieux, comme un ennemi de la loi, & comme un blafphemateur; employons tout ce que nous avons de raifon & de foi à imiter ce divin modele: & alors nos plus fenfibles afflictions, & les plus grandes injures ne nous paroîtrons plus rien. Il faut que nous ayons tant de foin d'entrer dans les interêts de Jefus-Chrift, & de ne vivre que de fa vie, qu'il n'y ait plus rien de nousmêmes en nous, & que nous n'ayons jamais d'autres fentimens que les fiens. On ne fauroit le confiderer attaché à la croix, qu'on ne s'y regarde comme dans une chaire toute extraordinaire, d'où il nous inftruit & nous dit : c'eft ton peché qui m'a réduit en cet état, & c'eft pour te racheter que je meurs :

ma doctrine confifte à favoir porter la croix, & c'est le feul heritage que je laiffe à ceux qui m'appartiennent : Hac à te paffus fum: hac pro te paffus fum, hac docui, hac promifi.

X XII.

Mais pour entrer dans ces difpofitions, il faut fortir du monde, fuir le tumulte & l'agitation;fe rendre fourds, muets & aveugles au regard de ce qui fe paffe dans le fiecle; il ne faut point nous arrêter au bruit que les hommes font autour de nous, ni à rien de ce que nous pouvons voir, ou fouffrir de leur part, non plus que nous embaraffer de leurs affaires, ni de leurs difputes; il faut meprifer également leurs careffes & leurs outrages, leurs faveurs & leurs perfecutions; enfin il faut que nous foyons fi étrangers fur la terre, que rien de ce qui y arrive ne nous touche; que nous y foyons comme n'y étant pas, & que nous regardions tout ce qui s'y paffe, comme les faints le voyent du haut du ciel.

XXIII.

Si nous fommes veritablement chrétiens pour pouvoir nous affurer que nous ne fommes plus de ce monde; nous devons dire fur toutes les chofes qui caufent tant d'inquietudes, de peines & de mouvemens au refte des hommes, qu'elles ne nous regardent point; Quid hoc ad chriftianum? Comme nous ne vivons ici que pour entendre les inftructions de JefusChrift, & pour le fuivre, nous devons apprendre de lui à méprifer tous les biens & tous les maux du monde.

XXIV.

L'obligation que nous avons de Rom. 6. mourir & de reffufciter avec ce divin fauveur, auffi-bien que de monter au ciel avec lui, & de prendre part au Coloff. bonheur infini qu'il poffede d'être affis 3. 12. à la droite de Dieu, felon la doctrine de l'Apôtre, ne nous permet pas de quitter la focieté que nous avons avec le Pere, le Fils, & le faint Efprit, pour prendre part aux difcours & aux vains amusemens des hommes, ni de nous

appliquer à autre chofe qu'à Dieu feul; que fi nous fommes contraints par la loi de la charité, de converser avec les gens du monde,écoutons leurs difcours avec un efprit chrétien & éclairé des lumieres de la foi; pendant qu'ils nous parlent au-dehors,rendonsnous attentifs aux inftructions interieures du maître celefte, & jugeons de leurs paroles, ou de leurs actions par ces divines regles. Demeurons dans le filence jufqu'à ce que le faint Efprit nous ait infpiré ce que nous devons répondre, & faifons en forte que nos paroles foient toujours des paroles de Dieu.

XXV.

Lorfqu'on a l'efprit de l'Evangile, on fe tient feul avec Dieu feul, en quelque lieu que l'on fe trouve; & lorfque nous fommes entierement à lui, fa grace fait réuffir tous les deffeins des hommes à notre avantage; leurs efforts ne fervent qu'à nous rendre invincibles; leurs fourberies à augmenter notre fimplicité; leur duretél à nous donner de la compaffion; & leurs te nebres mêmes nous rendront