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» ce que vous devez esperer de fa negociation, & quel traitement » on vous prépare à Rome, fi le Sé» nat peut une fois vous retenir »fous fa puiffance; & fe tournant >> tout d'un coup vers les députez: Propofez nettement, leur dit-il, » les conditions qu'on offre pour » notre retour, ou fortez à l'instant » de ce camp où l'on n'eft pas dif pofé à vous fouffrir plus long » temps.

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Menenius qui vit bien que de pa reilles explications n'étoient propres qu'à aigrir les efprits, prit la parole, & s'adreffant à fon tour à toute l'Affemblée, il representa qu'ils n'étoient pas venus dans le camp feulement pour juftifier la conduite du Sénat ; que ces fages Magiftrats attentifs au bien public, avoient recherché avec foin les malheureufes caufes de leurs divifions; qu'ils avoient reconnu que l'extreme indigence des Plébéïens & la dureté de leurs creanciers en étoient la veritable origine, & que pour y remedier tout d'un coup ils avoient déterminé par un confentement unanime, &

par l'autorité fouveraine dont ils étoient revêtus, de caffer toutes les obligations, & de déclarer les pau vres Citoyens quittes de toute dette : & qu'á l'égard de celles qu'on pourroit contracter dans la fuite, il y feroit pourvû par un Reglement nouveau, & qui feroit concerté entre le peuple & le Sénat: qu'on en feroit enfuite un Sénatus-Confulte qui auroit force de Loi, & que tout ce qu'ils étoient deCommiffaires dans l'Affemblée, offroient au peuple leurs propres vies, & qu'ils fe dévouoient eux & leurs enfans aux Dieux infernaux, s'ils manquoient à leur parole.

Cet habile Magiftrat, voyant les efprits adoucis par fa promeffe, & cherchant à diminuer la jaloufie qui étoit entre les pauvres & les riches, leur répréfenta combien il étoit neceffaire que dans un Etat il y eût une partie des Citoyens plus riche que l'autre : & on prétend que pour faire goûter cette maxime à ce peuple encore grof-_T. Liv. fier, il eut recours à cet Apologue Dec 1. 1.2. fi connu d'une confpiration dec. 32. tous les membres du corps humain

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contre l'eftomac, fous prétexte que fans travailler il jouiffoit lui feul du travail de tous les autres. Après en avoir fait l'application au Peuple & au Sénat, il leur répréfenta que cet augufte Corps, comme l'eftomac, répandoit dans les differens membres qui lui étoient unis la même nouriture qu'il rece. voit, mais bien mieux préparée & que c'étoit de lui feul qu'ils tiroient leur vie & leurs forces.» Ne font-ce pas les Patriciens, ajoûta t-il, qui les premiers fe font » déclarez pour la liberté ? A qui » êtes-vous redevables de l'établiffement de la République Dans les plus grands perils, de quel côté tournez-vous les yeux, » & d'où font fortis ces confeils » genereux qui ont fauvé l'Etat ? » Rien n'eft plus cher à cette fage Compagnie que votre confer»vation & votre union. Le Sénat » vous aime tous avec l'affection "raifonnable d'un pere, mais fans » s'abaiffer aux careffes infideles » d'un flateur. Vous demandez l'a»bolition des dettes, il vous l'ac» corde ; mais il ne vous l'accorde

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que parce qu'il la croit jufte & « utile au bien de la patrie. Reve- « nez donc avec confiance dans le « fein de cette mere commune qui nous a tous nouris dans des fen- « timens également genereux & « libres. Recevez nos embraffemens« pour prémices de la paix; ren- « trons tous ensemble dans Rome; allons de concert y porter les « premieres nouvelles de notre « réunion,& faffent les Dieux tecteurs de cet Empire, qu'elle « foit celebrée dans la fuite par de « nouvelles victoires contre nos en-« nemis.

pro-co

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Le peuple ne put entendre un difcours fi touchant fans répandre des larmes; tous ces Plébéïens comme de concert, s'adreffant à Ménénius, s'écrierent qu'ils étoient contens, & qu'il les ramenât dans Rome. Mais ce faux Brutus qui venoit de parler fi vivement contre le Sénat, arrêta cette faillie Il dit au peuple, qu'à la vérité il devoit être fatisfait pour le préfent par l'abolition des dettess mais qu'il ne pouvoit diffimuler que l'avenir lui faifoit peur,

& qu'il craignoit que le Sénat ne fe vengeât un jour de la justice qu'il avoit été forcé de leur rendre, à moins, ajoûta-t-il, qu'on ne trouve les moyens d'affurer l'Etat & la liberté du peuple contre les entreprises d'un Corps fi ambitieux.

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>> Quelle fûreté pouvez-vous é»xiger, répartit Ménénius, autre » que celle que vous donnent nos loix, & la conftitution de la République ? Accordez-nous, » lui répondit Brutus, des Offi»ciers qui ne puiffent être tirez » que de l'Ordre des Plébéïens. » Nous ne demandons point qu'ils » foient diftinguez par les mar»ques honorables de la Magiftra>>ture, ni qu'ils en ayent la robe > bordée de pourpre, ni la chaife » Curule, ni les Licteurs. Nous » laiffons volontiers toute cette "pompe à des Patriciens fiers de >> leur naiffance ou de leurs digni»tez; il nous fuffit que nous puif» fions élire tous les ans quelques » Plébéïens qui foient feulement

autorifez pour empêcher les in→ juftices qu'on pourroit faire au

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