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doute connue avant ce, temps-là: mais on fe contentoit d'en manger le fruit. Noé la planta CHAP. VI. avec ordre, & découvrit l'ufage qu'on pouvoit faire du raifin, en exprimant fa liqueur, & la confervant.

[ Ayant bû du vin, il devint yvre. ] Ce ne fut point par intempérance qu'il s'enyvra, mais par furprife, n'ayant point encore éprou vé la force du vin..

[Cham alla le dire à fes frères. ] Il le dit avec un air de moquerie & d'infulte, qui le rendoit très-criminel, mais qui ne fervit qu'à faire éclater davantage la piété & le refpect de fes frères dans l'action marquée par les paroles qui fuivent.

Toute l'antiquité chrétienne a vû dans cette hiftoire une image du grand mystére de JesusChrift. Le fommeil caufé par l'yvreffe de Noé, étoit la mort de notre Sauveur caufée par l'excès de fon amour: fa nudité fignifioit les igno minies de Jefus-Chrift, entre lefquelles fa nudité fur la croix fut une des plus humiliantes : l'impudence de Cham & fes railleries, étoient l'image & la prédiction des infultes & des ou trages, dont les Juifs accompagnérent les fouffrances & la mort du Fils de Dieu le refpect de Sem & de Japheth figuroit la foi des Elûs pris d'entre les Juifs & les Gentils, qui ont adoré Jefus-Chrift humilié jufqu'à la mort de la croix & jufqu'au tombeau; qui ont détourné les yeux d'un fpectacle où il ne paroiffoit rien: que de honteux, pour le confidérer felon les fumiéres de l'Efprit de Dieu, qui y découvreune profonde fageffe, & le mérite d'une gloire infinie. Enfin le réveil de Noé après fon affoupiffement, repréfente la réfurrection de JefusChrift.

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[ Maudit foit Chanaan: qu'il fort... lescla CHAP. VI. ve des efclaves ;] c'est-à-dire le dernier, le plus vil des efclaves. Noé prononce cette malédic tion, non par colére, ni par aucun reffentiment, mais par efprit de prophétie. Il ne maudit point nommément Cham, que Dieu avoit béni, auffi bien que fes frères mais il le foumet indirectement à la malédiction, en la prononçant contre fon fils, dont les defcendants furent depuis ou exterminez, ou réduits en fervirude par les Ifraëlites, qui tiroient leur origine de Sem..

[Béni foit le Seigneur le Dieu de Sem. ] La bénédiction que Noé donne à Sem, eft expri mée par une action de graces au Seigneur, qu'il appelle le Dieu de Sem pour deux raifons. 1. c'étoit de la poftérité de Sem qu'il devoit tirer le peuple chez qui fe conferveroit la con-noiffance & le culte de fon faint Nom. 2. de Sem par Abraham devoit descendre le Meffic.

Voilà le premier fens qu'on doit donner à la prophétio, en la rapportant à la poftérité charnelle de Cham & de Sem, c'eft-à-dire aux Chananéens & aux Ifraëlites. Mais ce fens n'eft que l'écorce d'un autre, où nous conduit né ceffairement ce qui vient d'être dit du mystére des ignominics du Sauveur. Les Juifs devenusfidelles, que Sem représente, ont été bénis; parce que reconnoiffant dans les humiliations de Jefus-Chrift la puiffance & la fageffe de Dieu; ils ont détesté l'ingratitude & l'impiété de leurs frères, qui l'ont outragé par leurs in-fultes.. Dieu lui-même a été leur héritage, leur récompenfe, & pour tout dire en un mot, leur Dreu. C'eft cette bénédiction fi défirable, à la quelle S. Pierre exhortoit les Juifs de prendres part, en leur difant :,Vous êtes les enfants des.

Prophétes, de l'alliance que Dieu a faite avec

que

nos péres, difant, Toutes les nations de la terre CHAP. VL feront bentes en votre postérité. C'est pour vous premiérement Dieu a fufeite fon fils, & il vous l'a envoyé pour vous benir. Mais les Juifs incrédules, pour qui fa croix eft un fujet de fcandale & de raillerie, ont été frappez d'une malédiction, qui eft encore fur eux : ils ne font que les vils efclaves des difciples de Jesus-Christ: le tréfor des Ecritures, dont ils ont la garde n'eft point à eux, mais à nous. Leur fidélité à garder ce dépôt fans altération; le témoigna ge non fufpect qu'ils rendent à l'antiquité de ce faint livre, les peines qu'ils fe donnent pour en établir la divinité contre les payens, tour eft pour notre profit : mais pour eux ils n'en retirent rien. Ils travaillent à nous enrichir, & ils demeurent pauvres & miférables: d'autant plus à plaindre, qu'ils renoncent de bon cœur. à l'efpérance des enfants de Dieu, pourvû qu'on: leur laiffe pour partage les foins les plus bas,, & les gains les plus fordides.

[Que Dieu multiplie Fapheth & qu'il habite dans les tentes de Sem.] Japheth eft afsocié à la Bénédiction de fon frére: mais il n'en recueillera le fruit, que quand fa nombreuse postérité fera admise à l'héritage de Sem, & n'aura avec lui qu'une demeure. Dans la difperfion des: hommes, dont on parlera bientôt, les defcendants de Japheth fe répandirent dans les pays fituez au nord de la Mer méditerranée, c'eft-àdire dans l'Afie mineure & dans l'Europe. La prophétie de Noé a eu quelque forte d'accompliffement, lorfque plufieurs Gentils habitants de l'Europe & de l'Afie ont embraffé la religion des Juifs. C'étoient ceux qu'on appelloit ProLélites, dont il cft fouvent parlé dans l'Ecriture

CHAP. VI.

Mais il eft clair que les paroles du faint Patriar che ont un plus grand objet : c'eft cette multitude innombrable de Gentils, que Dieu a appellez à la foi par grace, & qui d'étrangers qu'ils étoient, ont été unis & incorporez au pëtit nombre des Ifraélites fidelles, pour ne faire avec eux qu'un peuple & un troupeau. Vous n'êtes plus, leur dit S. Paul, des étrangers, & des gens de dehors mais vous êtes de la cité des ph. 2. 19. Saints, & de la Maison de Dieu ; étant un édifice bâti fur le fondement des Apôtres & des Pro phétes, dont Jefus-Chrift eft lui-même la princitale pierre de l'angle.

[Il fut au temps de la colére la réconciliation, c.] Noé eft appellé la réconciliation du genre humain, & le médiateur de l'alliance de Dieu avec les hommes, comme il a été la confolation de l'Univers le confervateur de la religion & de la piété; le héraut de la pénitence; l'héritier & le prédicateur de la vraie justice; & le pére d'un monde tout nouveau. Tous ces caractéres fe trouvent réunis en fa perfonne, mais dans un fens très-borné, qui nous avertit de ne pas nous arrêter à lui, mais de nous élever jusqu'au véritable libérateur, dont il étoit l'image, & à qui feul ces auguftes qualitez conviennent dans toute leur étendue.

[Ils habitoient tous dans le même pays, & par÷ loient la même langue. ] Dieu prolongea les jours de Noé jufqu'à trois cents cinquante ans au-delà du déluge; & il voulut que fes defcen dants, quoique prodigieufement multipliez du→ rant ce temps-là, demeuraffent, pour ainfi di

re,

fous les yeux de leur pére commun, & unis entre eux par une feule langue. C'étoient autant de moyens ménagez par la Providence, pour conferver parmi les hommes la tradition

des véritez capitales de la religion, & des maximes de la morale, avec la mémoire des faits CHAP. VI anciens, dont Noé feul étoit inftruit par luimême. Il est en effet très-digne de remarque, que tous les grands événements, de la créa tion du monde, de la chûte de l'homme, d'un état heureux & innocent, d'un fiécle de fer; c'est-à-dire d'injuftice & d'inhumanité, de l'audace & de l'impiété des Géants, du déluge uni verfel, d'un feul homme épargné & fauvé dans une Arche à caufe de fa juftice; l'idée de là grandeur d'un premier & fouverain Dieu, de la Providence, de fon attention à punir les méchants, & furtout les parjures, les homici des, les ingrats, les oppreffeurs des foibles & des étrangers; toutes les chofes en un mot, dont les hommes étoient inftruits lorfqu'une feule langue les uniffoit, n'ont jamais été tel lement oubliées, qu'il ne s'en foit confervé quelques traces dans la mémoire des nations: mais que tout ce qui eft arrivé depuis leur dif perfion & la diverfité des langues, quelque extraordinaire & éclattant qu'il ait été comme la punition des villes abominables, le paffage de la Mer rouge, n'a point été univerfellement connu. Les peuples voifins s'en entretenoient mais les autres n'y prenoient aucune part.

[Les plaines de Sennaar. ] C'eft le pays fitué entre le Tigre & PEuphrate, un peu au-deffus de la jonction de ces deux fleuves. Il faifoit partie de la Chaldée, dont il fera fouvent parlé dans la fuite; & il a été connu depuis fous le nom de Babylone, ou pays de Babylone.

[Bâtiffons une ville, & une tour qui s'éleve jufqu'au ciel; & rendons notre nom célébre. ] Il's yavoit, ce femble, de la magnificence dans leur deffein une noble idée, & une fin que

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