retiré à Paris, fa femme y accoucha. Auffi-tôt le pere declara hautement qu'il ne pouvoit fe refoudre à faire baptifer l'enfant parmi les fuperftitions de l'églife Romaine, de peur qu'il n'en fût fouillé; qu'il ne pouvoit non plus fe deter miner à envoier fon enfant à Geneve, de peur qu'il ne mourut en chemin fans baptême; c'est pourquoi il demanda à l'affemblée, qui n'étoit compofée que de laïcs, d'élire entre eux un miniftre qui pût baptifer fon enfant. Cette affemblée, toute profane qu'elle étoit, après quelques difficultés, proceda à cette élection, & la fit tomber fur un jeune homme de vingt-deux ans, nommé Jean le Maffon, dit la Riviere, qui étoit dans la difgrace de fon pere procureur du roi à Angers; & enfin par un attentat facrilege, ufurpant l'office des évêques, ils l'éleverent au miniftere, avec pouvoir d'adminiftrer la parole de Dieu, & les facremens, fans ofer pourtant ufer encore pour cette fois de l'impofition des mains, Telle fut la premiere église formée que les Calviniftes eurent en France: on y dreffa quelque petit ordre, dit Beze, felon que ces petits commencemens le pouvoient porter par l'établiffement d'un confiftoire, femblable à celui de Geneve, compofé de diacres, de furveillans & d'anciens. C'étoit en 1555. où on LXII. Etabliffe ment du Calvinifme à Orleans, Beze ibin dm lib. 2. L'année fuivante 1556. on vit fe former plufieurs autres focietés, ou églifes femblables; celle d'Orleans fut une des plus celebres. On en rapporte l'origine à un jeune homme nommé Colombeau, qui venoit d'étudier à Paris, Pavoit extrémement animé à entreprendre un pareil établissement à Orleans, auffi tôt qu'il y Idem in vie feroit arrivé. Colombeau, fuivant les inftru- ta Calvin. tions qu'il avoit reçues, fe joignit à un ouvrier adan.1555. en ferge, nommé François de la Fie, deur de laine appellé Jean Chenet, & à fix au un car tres P. 111. AN.1556 LXIII. Suite du procés & du jugement ren du contre Cranmer. Burnet hift. de la ref. 494. tres femblables. Ils députerent à Paris pour avoir un miniftre, qui fut Ambroise le Balleur: & celui-ci ne pouvant pas fuffire au nouveau troupeau, qui croiffoit tous les jours, en écrivit à Calvin à Geneve, qui en envoïa deux autres. Jerôme Bolfec moine apoftat, dont on a déja parlé à l'occafion des differends qu'il eut avec Calvin, auroit voulu être du nombre; mais fes tentatives furent inutiles; on le regardoit comme un brouillon, à qui on ne pouvoit rien confier. On vit bien-tôt une autre églife de la réforme à Rouen, & ainfi en plufieurs autres lieux. Le demon prit fon tems pour femer la zizanie en differentes villes du roïaume, pendant qu'Henri II. occupé à la guerre d'Italie depuis 1555. jufqu'en 157. fe trouva contraint de relâcher de la feverité avec laquelle on traitoit auparavant ces heretiques. 1554. Pendant que l'erreur fe répandoit ainfi en France, la reine d'Angleterre emploïoit tous fes foins à la déraciner dans fes états, & le fameux Thomas Cranmer archevêque de Cantorberi fut une des victimes de fon zele. Dès le mois d'Avril il avoit été declaré heretique & excommunié. Ses juges n'aïant pas eu le pouvoir 1.2.1.2. p. d'aller plus avant le douziéme de Septembre 1555. il fut amené devant d'autres, dont l'un Sander. de nommé Brocks évêque de Glocefter, étoit comSch fm. An861.2. miffaire delegué du pape, & les deux autres Martin & Story, commiffaires de Philippe & de Marie. Ce fut dans une église d'Oxford que l'audience fe tint. En approchant du tribunal Cranmer fit une profonde reverence aux juges roïaux, & ne rendit pas le même honneur à Brocks, ne croïant pas, difoit-il, devoir aucun refpect à l'évêque de Rome, dont il ne reconnoiffoit pas la puiffance. Le quatorziéme de Fevrier 1556. Bonner & 137 Livre cent cinquante-deuxième. Thirleby étant arrivés à Oxford pour le dégra- AN.1556. der, il fut amené devant fes juges, on le revê- LXIV. tit des habits pontificaux, qui n'étoient faits que On proced'une groffe toile, & on lui en ôta toutes les de à fa dépieces l'une après l'autre. On mit fur fa tête une gradation. : De Theis mitre & une croix à fa main. Et comme fur Burnet fa confeffion, on l'avoit cité à comparoître à ibid. p. 497. Rome dans quatre-vingt jours, quoiqu'il eut hift. 1.17. toûjours été retenu en prifon on le condamna p. 511. pour n'avoir point comparu. Auffi répondit-il, qu'il ne voïoit pas de quel droit on le condamnoit, pour ne s'être pas prefenté devant le pape, lui qu'on avoit toûjours retenu prifonnier jufqu'à ce moment-là qu'il avoit toûjours été difpofé à partir pour Rome, & à y défendre fa doctrine. Qu'au reste le pape n'avoit point d'autorité fur lui, non plus que fur les autres Anglois; & qu'il appelloit de lui au premier concile general & libre qui s'affembleroit. Il appella auffi de la fentence; ce qui toutefois n'empêcha pas qu'on ne procedât à fa dégradation. Mais on differa de le condamner à la mort : & l'on voulut bien lui accorder encore quelque tems pour fe déterminer à abjurer fes erreurs on lui infinua que par ce moïen il pourroit fauver fa vie ; on le traita plus doucement que par le paffé; on le tranffera de fa prifon dans la maison du doïen de l'églife de CHRIST. LXV. ce à fes erreurs & Le cardinal Polus touché de l'état miferable de ce prelat, lui écrivit une longue lettre, pour l'exhorter à faire penitence, & entrant dans le détail de fes erreurs, il les refutoit avec beaucoup figne une de folidité. Cette lettre, la conduite plus douce abjuration. avec laquelle on le traitoit, & plus encore la Burnet ibicrainte de la mort firent impreffion fur fon ef- dem ut fug. P. 408. prit; & pour racheter fa vie, il confentit à figner une abjuration telle qu'on la lui prefenta. Il y protefta qu'il rejettoit toutes les erreurs de Lu ther AN.1556. ther & de Zuingle, & qu'il reconnoiffoit la primauté du faint fiege, les fept facremens, la prefence réelle de JESUS-CHRIST dans l'Euchariftie, le purgatoire, la priere pour les morts, & Pinvocation des faints. Cette abjuration étoit conçue dans des termes qui marquoient une veritable douleur de s'être laiffé feduire ; il y exhortoit toutes les perfonnes que fon exemple ou fa doctrine avoit trompées, à rentrer dans l'unité catholique. A la fin il proteftoit qu'il avoit figné cette abjuration dans une entiere liberté, & feulement pour la décharge de fa confcience. Les reformés en furent confternés : mais la reine n'en fût point touchée; cette princeffe crut qu'un herefiarque qui avoit empoisonné toute l'Angleterre, en devoit porter la peine, que ce qui auroit fuffi pour fauver de fimples heretiques, ne devoit point être confideré dans l'affaire de leur chef: qu'au refte, fa converfion auroit fon utilité, puifqu'en procurant fon falut particulier, elle édifieroit le public. Ainfi fa condamnation fut refoluë. L'ordre en fut donné le vingt-quatriéme de Fevrier. Le chancelier Heath le fit expedier, & eut foin de l'enregistrer, auffi-bien que le commandement de la reine, qui l'en avoit chargé. Quand Cranmer fçut qu'il étoit condamné à la mort, croiant encore trouver grace s'il continuoit à feindre le Catholique, il figna de nouveau fon abjuration; mais comme il n'agiffoit pas fincerement, il écrivit fecretement fur un autre papier fes veritables fentimens, qu'il figna auffi, afin que fi on le conduifoit au fupplice, il pût en faire ufage au moment de fa mort. Ce fut ainfi qu'il fe fit catholique pour fauver fa vie, & qu'il voulut mourir Proteftant, pour se venger de ceux qui la lui avoient refufée. En effet, ces nouvelles proteftations de catholicité ne fer AN.3556. LXVI. 11 fe re pent de fon tracte. Burnet m virent de rien, & aiant été condamné fans mifericorde, il fut conduit dans la place de l'églife de fainte Marie, qui avoit été choifie pour le lieu de fon fupplice: on l'éleva fur un échaffaut, afin qu'il fût vu du peuple avec plus de facilité. Et Cole prevôt du college Eaton, fit un difcours au peuple, à la fin duquel fe tournant vers Cranmer, il loüa fa converfion, il lui promit le paradis, & l'affura qu'on prieroit Dieu pour lui dans toutes les églifes d'Oxford, & qu'on y cedebreroit des meffes pour le repos de fon ame. Enfuite il le preffa de déclarer de nouveau fa créance au peuple. Alors Cranmer au desespoir de n'avoir pû fauver fa vie en voulant paroître catholique, parla à fon tour au peuple affemblé, abjuration, & l'exhorta à ne point aimer les chofes de la ter- & la rere, à obéir au roi & à la reine, & à vivre en- Sa mort. femble felon les regles de la charité fraternelle. Il prononça enfuite le fymbole des Apôtres ; & touchant ce qui agitoit fa confcience, il dit, qu'il avoit figné une abjuration, fans avoir égard à la verité, s'étant laiffé entraîner à la crainte de la mort & à l'amour de la vie. Il déclara que quand il feroit au bucher, il brûleroit avant toutes chofes la même main qui avoit figné l'écrit. Il rejetta l'autorité du pape, qu'il traita d'antechrift, & d'ennemi du Sauveur. Mais on l'empêcha de continuer, & après lui avoir reproché fon inconftance, on le conduifit au bucher, auquel il n'eut pas plûtôt apperçû qu'on mettoit le feu, qu'il porta la main droite dans la flamme, & la tint étenduë jusqu'à ce qu'elle fut reduite en cendres, avant que le feu eut atteint fon corps; après quoi on le vit encore fe frapper la poitrine avec l'autre. Ce fut ainfi que ce malheureux expira dans la foixante- feptiéme année de fon âge, le vingt-uniéme de Mars 1556. La punition qu'on fit des heretiques en Angle terre, Sup |