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nos lumiéres ne nous repréfentent point com

CHAP. VI. me criminelle. Il n'eft point dit qu'ils penfasfent à fe précautionner contre un nouveau déluge. La promeffe de Dieu étoit encore trop récente › pour avoir été oubliée. Ils ne fon geoient qu'a bâtir une grande ville, & à y élever une tour, c'est-à-dire une citadelle, qui mon tât jufqu'aux nuës; pour rendre leur mémoire immortelle par un ouvrage qui fubfiftât dans tous les fiécles, & qui en fût l'admiration. Cependant leur entreprife déplut infiniment à Dieu; & ce qu'il a fait pour diffiper leur pro jet infenfé, doit inftruire tous les hommes de ce qu'il penfe fur tout ce que l'amour de la gloire & de la réputation, & l'affectation de Péternité par des ouvrages faits dans le temps, par la grandeur des villes, des états, des éta bliffements, leur fair entreprendre.

[Ils étoient réfolus de ne quitter cet ouvrage qu'après l'avoir achevé. Mais le Seigneur confor dit leur langue, ....en forte qu'ils furent con traints d'abandonner l'entreprise. ] Dieu n'avoit pas été appellé au confeil des hommes: ils bâtiffoient fans lui comme ils avoient délibéré fans lui. Ils ne fçavoient pas ce qui a été dit Bf. 116. 1. depuis, Si le Seigneur ne bâtit une maison, c'est en vain que travaillent ceux qui la bâ. tiffent. Tous les hommes s'uniffent ensemble, dans le deffein d'élever un édifice jufqu'aux nues: ils font empreffez, ardents au travail, réfolus de pouffer leur entreprife jufqu'au bout: mais Dieu ne le veut pas ; & les hommes malgré toutes leurs réfolutions font obligez de Ifa. 8. 10: l'abandonner. Formez des de Teins, dit le SeiFrov. 21.30. gneur, & ils feront diffipez: donnez des ordresi & ils ne s'exécuteront point. Il n'y a ni sagesse, ai prudence, ni confeil contre le Seigneur. Rica

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de ce que les hommes entreprennent ne peut réaffir, dès qu'il s'y oppofe. C'eft une vérité CHAP. VI que l'exemple de la Tour de Babel rend sensible. Rien au contraire de ce que Dieu a résolu, ne peut manquer de réuffir, quand tout l'Univers s'y oppoferoit autre vérité, dont l'établissement de l'Eglife chrétienne fournit une preuve éclattante. Dieu avoit deffein d'élever l'édifice de fon Eglife. Il envoie par tout le monde des ouvriers pour y travailler. Auffitôt tous les hommes, Juifs & Gentils fe foulévent : les princes, les magiftrats, les fçavants, les miniftres des différentes religions, les peuples confpirent ensemble, & mettent tout en œu vre pour traverfer les deffeins de Dieu; exils pertes de biens, notes d'infamie, fupplices les plus cruels rien ne fut oublié, & l'on compte pendant l'efpace de trois fiécles jufqu'à dix perfécutions, toutes plus cruelles les unes que les autres : ou, pour mieux dire, ce ne fut pendant tout ce temps-là qu'une perfécution continuelle dont les redoublements mirent plufieurs fois la religion chrétienne à deux doigts de fa ruine. Mais tous les efforts des hommes ont été inutiles: l'Eglife s'eft établie : l'édifice subsiste, & fubfiftera jufqu'à la fin des Ifa. 46. sep fiécles. Toutes mes résolutions font immuables: Ibid. 43. 1 3m toutes mes volontez s'exécuteront. Quand j'ai réfolu d'agir, qui pourra s'y opposer ?

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[De là Dieu difperfa les hommes dans tous les pays du monde. La liberté, le hazard, les vûes d'intérêt, le goût pour certains pays, furent, ce femble, les feules caufes des choix différents que firent les hommes. Mais l'Ecri ture nous apprend que rien ne fe fit que par l'ordre de Dieu, & que ce fut lui qui condui At & plaça tous les hommes felon les deffeins

de miféricorde & de juftice qu'il avoit fur eur. Il fe réserva une famille, qu'il rerint comme CHAP. VI. son héritage, & exila les autres jufqu'au temps marqué pour les vifiter par la prédication de l'Evangile, qui devoit les réunir dans la profeffion d'une même foi, & dans la glorification de fon faint nom.

[Les ifles des nations.] L'ufage de l'Ecriture eft de donner le nom d'ifles à tous les pays qui étoient au-delà de la mer par rapport à celui qu'habitoient les Juifs; & généralement à toutes les nations chez qui le vrai Dieu n'étoit pas connu. Ce nom défigne ici particuliérement l'Europe & l'Afie mineure, qui furent partagées entre les enfants de Japheth.

[Nemrod qui commença à être puissant fur la terre.] Avant ce temps là, dit S. Jerôme, les chefs de familles commandoient dans leurs maisons ; & les hommes ne reconnoiffoient prefque pas d'autre autorité que celle des péres fur leurs enfants. Mais Nemrod étant fier & ambitieux, ufurpa fur les autres une domination tyrannique. Les feptante traduifent, il commensa à être un géant fur la terre: par où ils ont moins voulu marquer fa taille, qu'une fierté, une confiance en fes forces, un defir de dominer, & un mépris de la juftice, qui le rendoient fem. blable aux premiers Géants, que le déluge avoit fubmergez.

[Il fut un violent chaffeur devant le Seigneurs ] c'est-à-dire, le plus hardi, le plus adroit, & le plus infatigable de tous les hommes dans ce dangereux exercice, au jugement même de Dieu, qui voit toutes chofes dans sa vérité. Il s'exerça d'abord à la chaffe des bêtes les plus farouches avec une troupe de jeunes gens forts hardis, qu'il endurcit au travail, & qu'il ac

toutuma à manier les armes avec adresse. Cette

troupe groffit peu à peu, & devint une petite CHAP. VI armée. Il y a apparence que les peuples parmi lefquels il vivoit, & qu'il avoit délivrez des bêtes féroces, pleins d'eftime pour fon courage, & de reconnoiffance pour fes fervices, lui deférérent volontairement l'autorité, dans l'efpérance que la crainte de fes armes arrêteroit les injuftices & les violences devenues alors très-communes & , que l'impunité fortifioit. Mais Nemrod ayant une fois goûté la douceur du commandement ne mit plus de bornes-à fon ambition. Il penfa à étendre fa domination; & avec le fecours de cette jeuneffe, qu'il avoit dreffée & agguérie, il commença à faire la guerre aux hommes pour les affervir, comme il l'avoit faite aux bêtes pour 'les détruire. Il trouva peu de réfiftance dans des gens quiconnoiffoient à peine l'ufage des armes ; & en peu de temps il fubjugua plufieurs peuples, & forma un grand empire, que fes defcendants accrûrent par de femblables ufurpations.

Ainfi Nemrod petit fils de Cham maudit par fon pére, a été le premier de ces hommes nez pour le malheur public, qu'on appelle dú beau nom de Conquérants. Un fi pernicieux exemple n'a été que trop fuivi; & depuis ce temps-là, l'ambition. foulant aux pieds tous les fentiments de l'humanité, s'eft jouée fans aucune borne de la vie des hommes : le comblé de la gloire, & le plus beau de tous les arts, a été de fe tuer les uns les autres. Les hommes font venus à bout de fe familiariferavec une telle brutalité. Ils apprennent fans faififfement & fans frayeur qu'une feule journée a fait périr plufieurs milliers de leurs femMables & des chrétiens mêmes n'ont pas

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honte de louer le plus fameux, & l'un des plus injuftes entre les capitaines Romains, d'avoir CHAP. VI. fait périr plus d'un million d'hommes.

Jules Cefar.

[Il commença à régner à Babel, &c. ] La tour de Babel, que les hommes avoient été contraints de laiffer imparfaite, lui fervit apparemment de citadelle. Il environna ce lieu de murailles; & il fit d'abord de cette ville appellée Babylone, le fiége de fon empire. Dans la fuite, à mesure qu'il étendoit fes conquêtes, il bâtit d'autres villes, dont la plus confidéra ble fut Ninive fur le Tigre. Il l'appella ainfi du nom de Ninus fon fils, qui fuccéda à fa puiflance, & à fes ambitieux` desseins.

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Quelle différence entre la vie de ce fameux Conquérant, qui a fondé le plus ancien & le plus vafte empire du monde & bâti tant de fuperbes villes; & celle d'un homme dont l'EAbraham, criture va bientôt parler; qui a quitté fon pays & la maison, pour errer jusqu'à la mort dans une terre étrangère; qui n'a voulu pofféder fur la terre d'autre héritage qu'un tombeau, & qui a réservé toutes fes efpérances pour le ciel ! Aux yeux des hommes tout paroît grand dans le premier; tout eft obfcur dans le fecond, & ils ne peuvent comprendre pourquoi l'Ecriture paffe fi rapidement fur des événements éclattants, qui ont dû rendre la vie de Nemrod très-finguliére, & qui donneroient à l'histoire ancienne tant de lumiére & d'ornement, pour s'arrêter fi longtemps fur des détails, en apparence peu néceffaires, ou de la vie d'Abraham, ou de celle de Jacob moins illuftre encore & moins diverfifiée que celle de fon ayeul. Mais Dieu marque en cela combien fes penfées font différentes des nôtres & combien Luc. 16, 15. cette parole de fon Fils eft véritable, Que ce

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