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prefque plus que l'ombre du leur, & qu'il n'y eut jamais moins de raifon de demander des dif penfes. D'ailleurs l'idée d'auftérité qu'on fe fait icy, eft la moins propre à perfuader la néceffité des difpenfes. Ce n'eft que de ce qui feroit dur & difficile à la fanté, qu'il feroit permis de demander exemtion; mais dès que l'austérité prétendue ne va qu'à mortifier les fens & à contraindre un peu le goût, c'eft une des conditions du Carême à laquelle on doit fe foumettre, fur tout quand cela ne va pas jufqu'à intéreffer la fanté, & c'eft ce qu'on tâchera de montrer dans la fuite. Mais la mitigation de nos jeufnes eft peut-eftre ce qui devroit le plus arrêter la licence des dif penfes. Ils font venus au point de ne laiffer prefque plus aucun veftige de l'ancienne difcipline. is confiftoient autrefois à ne faire au plus qu'un feul repas en 24. heures; il faut dire au plus, car ils avoient alors leurs jeufnes qu'ils appelloient de fuperpofition, qu'ils prolongeoient jusqu'à des femaines entieres. On voyoit des commencemens de ces jeufnes prolongez dès le fecond fiecle dans les Therapentes, qui paffoient trois jours fans manger. Il ne falloit pas même que cela fût fort rare alors, puifque Lucien cet athée declaré du paganifme fe moque des Chrétiens à ce sujet. Ces jeufnes de fuperpofition devinrent communs dans le troifiéme fiecle, où ils fe pratiquoient fur tout pendant la semaine fainte, & ils eftoient encore en vigueur dans le quatrième, felon le témoignage de faint Epiphane.

Il eft vray que ces jeufnes n'eftoient que volontaires, mais beaucoup de chrétiens de tout climat & de tout fexe, moins timides alors fur leur fanté, qu'ils ne croyoient pas devoir préferer à leurs devoirs, s'y affujettiffoient volontairement. Mais fans parler de ces jeufnes, qui quoique de furérogation fervent du moins à prouver qu'on peut

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prefque tout ce qu'on veut en matiere de péni tence,ceux qu'on obfervoit communémenteftoient de beaucoup plus difficiles que les nôtres. Il y en avoit qu'on appelloit grands jeufnes, comme ceux du Carême, pendant lefquels on ne mangeoit qu'une fois fur le foir; les autres qu'on appelloit petits, parce qu'ils eftoient moins célebres, n'obligeoient à jeufner que jufqu'à trois heures, qui eft l'heure de Nones. Cette févérité ne paroiffoit pas infupportable alors, puifque les plus grands princes s'y foumettoient; Charlemagne, par exemple, dans le feptiéme fiecle & toute fa cour ne mangeoient qu'à quatre heures du foir. Toute la France même avec l'Angleterre conferva jufques vers le douziéme fiecle cet ancien ufage, & ce ne fut que dans le treiziéme qu'on fe permit de manger en Carême à troisheures. Mais lors même qu'on fe permettoit d'avancer le repas du foir vers Nones, il eftoit défendu de faire aucune collation ou repas.

L'Eglife pour de juftes raifons toûjours refpectables, a jugé à propos dans le quatorziéme fiecle de permettre de dîner à midy, & enfin de faire une petite collation le foir: elle a accordé d'ufer de vin, de beurre, de laitage à midy, & par là elle a eu tout ce qu'elle pouvoit avoir d'égard pour la foibleffe de fes fideles, pour prévenir fans doute tous les vains prétextes de difpenfes ; mais aufli la reconnoiffance demanderoit-elle qu'on fe foumît avec plus de zele à ce petit refte de l'ancien jeufne, au lieu d'y trouver trop d'austérité.

On fait tout ce qu'on oppofe icy touchant les climats, l'habitude, les infirmitez & les compléxions d'apréfent; mais on traittera exprés & plus en détail ces matieres dans leur lieu. Il fuffit icy de faire fentir, que fi dans les temps où les jeufnes eftoient dans toute leur févérité, on ne

voit pas que les fideles les ayent trouvé trop aufteres, on doit aujourd'huy eftre moins bien reçû à alleguer de fi foibles raifons.

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CHAPITRE IV.

Du regime le plus naturel à l'homme ou des alimens qui luy conviennent plus particulierement.

LA nourriture la plus propre à l'homme eft cel le que l'eftomac digere plus parfaitement, & dont le fang s'accommode le mieux; car enfin on n'eft bien nourri, qu'autant que le chyle eft bien préparé, & que le fang & les liqueurs qui en naiffent font bien conditionnées.

Pour bien juger de ce qui doit fe mieux dige rer dans l'eftomac, il faut examiner ce qui fe brife plus facilement fous les dents, puifque l'a&tion de l'eftomac & celle des dents fe reffemblent, fuivant ce principe avoué aujourd'huy de tout le monde, que la nature eft fimple, & que fes manieres font uniformes: la perfection qu'elle donne à ce qu'elle entreprend ne dépendant pas de nouveaux moyens qu'elle met en oeuvre, mais d'un fond de fageffe d'autant plus admirable, que par une même conduite elle remplit une infinité de vûes. C'est par cette raifon que toutes les digeftions ou coctions qui fe font dans nos corps conviennent en ce point, que c'est un broyement continuel qui y fait tout. Il commence ce broye ment dans la bouche par la rencontre des machoires, qui comme deux fortes meules fe frottent mutuellement & brifent la matiere qu'on y met; il fe continue dans l'éfophage, & s'augmente dans l'eftomac. Là,comme dans un mufcle creux les ali mens font pétris & diffous, tant par la force extra

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ordinaire & multipliée d'un million de fibres mo trices qui agitent & meuvent ce vifcere, que par l'action des muscles voifins, fur tout de ceux du bas ventre & du diaphragme, qui tous ensemble comme autant de mains foulent & broyent les alimens; & c'eft par cette mécanique & par ces forces redoublées, mais toutes tendantes à la trituration, qu'ils fe diffolvent, fe fondent, & paffent dans une crême fine & délicate, à peu prés femblable à celle qui fe forme fous le porphyre, s'ils font de nature & de condition à fe laiffer brifer: fi au contraire ce qu'on a mis dans l'efto, mac eft gras, onctueux, coriaffe & plein de filamens, ces matieres moins proportionnées à l'intention de la nature, qui eft la trituration, se diffoudront imparfaitement, la digeftion en deviendra plus longue, plus difficile, & la liqueur qui en refultera plus inégale & moins affinée. De là fans doute on apperçoit déja quelle forte d'alimens eft préférable à l'homme : ce ne feront pas les chairs des animaux, mais d'autres matieres qui auront plus de difpofition à eftre broyées & pétries pour mieux paffer dans cette liqueur laiteufe qui doit faire le fang. Or rien n'a tant de pente à fe fondre dans un fuc laiteux que les femences & les grains, qui font aufli les chofes du monde qui fe broyent le mieux fous la meule.

Rien d'ailleurs n'eft fi propre à réparer la diffipation continuelle que fouffre le corps, qu'un fuc laiteux. Le fang eftant une liqueur douce & unie qui roule fans bruit, qui court fans trouble, qui force fans violence & qui fe meut fans agitation, ne peut s'accommoder que de fucs doux & paifibles; auffi le chyle n'eft-il qu'un lait : & fi le fang fi fingulier dans fa confiftence, dans fa tiffure & dans fa conftitution, pouvoit fe comparer à quelque liqueur qui luy reffemblât, ce feroit au lait dont il pourroit emprunter beaucoup de chofes,

Puis donc que tout eft laiteux dans nos corps, que la lymphe nourriciere qui fait croître le foetus eft de cette nature, que les enfans le fucent de leurs nourrices, & que tout ce qui entretient la vie des adultes eft ou laiteux, où devient tel; enfin puifque de tant de matieres qui prennent la forme laiteufe, il n'en eft guéres qui ne la doivent à la trituration, c'eft auffi à elle qu'on doit attribuer l'art de préparer le chyle.

Il ne faut pour s'en perfuader qu'examiner la ftructure des organes qui fervent aux digeftions:" par tout on trouvera la nature appliquée à femer, pour ainfi dire, les parties de fibres motrices ou mufculeufes, tout en eft plein, vifceres, glandes, vaiffeaux, veficules, toutes ont leurs refforts & leurs manieres de fe mouvoir, & de fe comprimer elles-mêmes, & par là d'affiner les fucs qu'elles contiennent, en les obligeant de paffer par des filieres plus étroites les unes que les autres ; & n'euffent-elles d'autres fibres que celles de leurs membranes, elles en recevront affez de force pour refifter aux impulfions des liqueurs, & contribuer par ce moyen à leur circulation), & à leur affinage. Mais cette mécanique qui eft plus cachée dans la plupart des parties, fe manifefte & tombe fous les fens, en examinant la ftructure des dents & des machoires.

Les dents, les plus durs de tous les os, courtes, plates, obtufes, fermement enchaffées, font comme autant de pilons & de marteaux qui brifent, qui écrafent & qui broyent. Les machoires, qui de toutes les parties du corps font les plus fortement armées de muscles, ferrant les dents les unes contre les autres, les rendent prefque fupérieures à toute réfiftance; l'eftomac fecondé des muscles voifins, fe trouve en force au deffus de

a V. Baglini, de fibr. motric. Bellini, Opufcul. de Villo Contract, Santorini, de fibra, &c. Strom. &c. by. Pitard. differt

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