faire pour la production de toutes chofes eût été trop courte, les faifons fe feroient fuivies de trop près; & pour certains climats, ç'eût été prefque comme s'il avoit parcouru l'équateur. D'un autre côté fi l'obliquité avoit été plus grande, de 40 degrés par exemple, plufieurs parties de la terre n'auroient pu foutenir la difproportion que le grand éloignement du foTeil auroit mife dans les faifons. Ici l'été auroit eu des chaleurs infupportables, & l'hiver des froids exceffifs; là l'été auroit manqué de chaleur, pendant qu'en d'autres climats il eût été brûlant. C'eft ce qui feroit arrivé aux régions fituées fous le tropique du cancer, comme une partie de l'Efpagne, l'Allemagne fituée dix degrés au de là, & partie de l'Angleterre, qui 'auroient eu des étés femblables à ceux de la Mauritanie; car ils auroient eu quelquefois les foleil dans leur zenith; mais ils auroient auffi éprouvé des hivers pareils à ceux des peuples qui habitent au delà du pole arctique, car alors le foleil eût été éloigné d'eux de plus de 80 degrés. De plus, certaines régions auroient eu des étés fort temperés, & des hivers extrêmement rigoureux. Tels auroient été ceux qui habitent vers le deux ou troifiéme degré du pole arctique, parce que le foleil étant éloigné d'eux de plus de cent degrés ne se se

roit point montré fur leur horifon; car de quelque maniere que l'on place un corps fpherique, il ne pourra découvrir aucune étoile dans un plus grand éloignement que de so degrés, qui eft la diftance de chaque zenith à fon horifon. Si donc l'obliquité de ce cercle avoit été moindre, à peine eut-on diftingué les faifons, & fi elle avoit été plus grande, le contraire feroit arrivé.

Pour ce qui regarde la fituation du fo-, leil dans cette ligne oblique, il eft certain que s'il avoit été placé dans un autre orbe, il y auroit des inconveniens à peu près femblables. S'il avoit été placé dans l'orbe de la lune, l'année n'auroit été que d'un mois, car dans cet espace de tems il, auroit parcouru toutes les parties de l'écliptique; d'où il feroit arrivé que les faifons fe confondant dans un efpace fi borné, il n'y auroit point eu de production. D'ail leurs cette proximité du foleil eût été infupportable à tous les habitans du globe terreftre. Car s'il eft vrai, comme plufieurs aftronomes l'affurent, que le fentiment de la chaleur dépend des differens points de l'orbe du foleil, & que dans fon apogée, c'està-dire au figne, du cancer fa chaleur eft moindre que lorfqu'il eft dans fon perigée c'eft-àdire au figne du capricorne, il eft évident que fi le foleil étoit placé dans un orbe inferieur, on ne pourroit en foutenir

Tome II.

N

la chaleur exceffive; & dans ce cas on n'auroit pas befoin de recourir à la fable voir l'univers embrafé.

pour

D'un autre côté, s'il avoit été placé dans l'orbe le plus élevé, ou dans celui de la huitiéme fphere, il n'y auroit eu que des années platoniques, & les faifons auroient été moins variées encore; & cet orbe ne faifant fon cours qu'en plufieurs milliers d'années, aucun homme n'auroit vêcu affés pour en faire le calcul. Voilà quels eussent été les inconveniens, fi le foleil avoit été placé dans les orbes extrêmes, & s'il l'avoit été dans l'orbe mitoyen des planetes, les inconveniens n'euffent été moindres que de moitié.

Or foit que nous adoptions le fyftême de Copernic qui établit la terre mobile au tour du foleil, foit que nous embraffions le fyftême de quelques modernes, qui à caufe de certaines taches, lefquelles paroiffent & difparoiffent dans cet aftre, foutiennent qu'outre les révolutions de fon orbe, il a encore un mouvement particulier fur fes poles; les mêmes confequences fuivent toujours. Mais finiffons ce chapitre; auffi bien la fageffe de Dieu étant infinie, il faudroit des expreffions qui l'égalaffent pour en faire la description; & qui le peur que lui-même ?

On examine l'opinion commune qui veut qu'avant le deluge, la terre ne fût que médiocrement habitée. 'Eft une idée prefque generale que la C'Eft terre étoit peu peuplée avant le deluge, ou que l'on n'avoit cultivé que les parties les plus voifines du paradis terreftres. Cependant quelques auteurs ont prétendu le contraire, & ces deux opinions fe croifant mutuellement, nous allons examiner de nouveau la queftion, toute épineufe qu'elle eft. On ne peut en trouver la folution dans l'hiftoire facrée & profane; car les traditions humaines fur le deluge de Deucalion font fi remplies de fables qu'elles ne meritent pas la moindre

attention.

que

Les payens, au témoignage de Varron, partageoient le tems en trois âges differens. Le premier qui s'étendoit depuis le commencement du monde jufqu'au deluge d'Ogygés, ils le nommoient adnou, ou inconnu, parce qu'il n'en reftoit aucune tradition claire; car bien que certains auteurs ayent fait mention du deluge, comme Manethon prêtre égyptien, Xenophon dans fon traité de aquivocis, Fabius Pictor dans celui du fiécle d'or, Caton dans fes origines; Archiloque qui dans un fragment

touchant les tems cite le témoignage de Moyfe; il eft certain pourtant qu'aucun d'eux ne parle de ce qui a précedé le deluge. Il eft vrai que Jofeph dans fon livre contre Appion fait remonter l'origine des juifs jufqu'au deluge, & même au delà, & qu'il fe fonde fur l'autorité des auteurs profanes comme Mafcus de Damas, Hieronyme l'égyptien, & Berofe. Il eft vrai encore qu'il confirme la longue vie des patriarches par leurs témoignages, & par ceux d'Hefiode, d'Hellanicus, & d'Agefilaus. Berofe prêtre chaldéen s'explique le plus clairement de tous; car il fait mention de la ville d'Enoch, il parle de Noé & de fes fils, de la conftruction de l'arche, & du lieu où elle s'arrêta. On trouve auffi dans Diodore un paffage qui à le bien examiner remonte jufqu'au premier homme. Les chaldéens, dit cet auteur, portent leurs obfervations aftronomiques, & l'invention de leurs lettres jufqu'à quarante-trois mille ans avant la monarchie d'Alexandre le grand. Or les années de ce calcul étant, fuivant Xenophon, des années lunaires, elles remonteront jufqu'à Adam. En effet 43000 années lunaires font environ 3634 années folaires ce qui quadre avec la chronologie ordinaire depuis la création du monde jufqu'au regne d'Alexandre,

Le fecond âge renferme les tems qui